Discours de la forêt

(Swami Rama Tirtha)

(Traduction : Gaura Krishna)

 

 

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La propriété

 

La majeure partie de ce qui suit a été écrit à l'origine en réponse à une question posée sur la route juste avant la séparation des chemins.

Est-ce toi, être béni, qui a un jour demandé à Rama quelle était son opinion sur les droits de propriété ? Ou, si vous excusez Rama de la correction, les "Gauches de propriété" ? (1) Bien, qui que ce soit qui ait pu poser cette question, au yeux de Rama c'était ton noble Soi, fut-il dans ce corps ou dans un autre.

Qu'est-ce que la Propriété ?

Ce qui est propre à l'un ou droit pour un être (ou une chose).

La clarté naturelle, la combustibilité, etc... sont les propriétés de l'hydrogène mais le verre qui retient le gaz ne peut jamais être cette propriété. Ainsi l'humanité, non, la Divinité, est votre propriété, mais la maison dans laquelle vous vivez ou les bijoux ne peuvent jamais être votre propriété. Les gens veulent perdre leur droit de naissance, leur propriété naturelle : la Divinité, mais de quelle manière se moquent-ils avec persistance d'eux-mêmes en s'accrochant avec tenacité à maison, or et autres en les voyant comme leur propriété ! Quelle blague immense !

Toutes les divisions et distinctions au sujet des richesses et des possessions sont complètement aussi artificielles que la classification de l'humanité selon les chaussures.

Rama proclame que le seul voile ou obstacle à la Réalisation du Soi est le sens habituel de propriété, les droits des baluchons et des bagages. Au moment-même où nous voulons posséder une chose, nous sommes possédés par le démon de l'Auto-illusion. La renonciation, ou vous pouvez l'appelez Toute-Possession, par identification à la Vérité est le Vedanta pur et simple. La parfaite démocratie, la parfaite égalité, qui se débarrasse du fardeau de l'autorité extérieure, se défait de l'esprit inutile d'accumulation, jette par dessus bord toutes les prérogatives, repousse avec mépris les airs de supériorité et se débarrasse des gênes de l'infériorité, c'est le Vedanta sur le plan matériel. Et le Vedanta amène cet esprit aussi bien sur les plans mental et spirituel. Abandonner la prétention exclusive à quelque chose et à tout y compris au corps, à l'intellect, aux écrits, aux paroles, à la maison, à la famille, à la réputation, au prestige, c'est le Vedanta. En d'autres termes, détruire toutes les haies et toutes les limites, ne pas se clôturer soi-même en clôturant les autres, mais retrouver comme Dieu l'empire suprême sur toute puissance, atome, étoile et arbre du monde est Vedanta. Beaucoup de tentatives organisées sont faites (souvent inconsciemment) pour paver la voie à la Réalisation du Vedanta par le monde en général. Le drapeau du sannyasa doit en fin de compte flotter sur le monde entier.

Quelques Vedantins vivent déjà une vie de Gouvernement parfait de l'Amour et dans quelques coins la flamme a été maintenue vivante depuis les temps préhistoriques.

Pensez simplement à un sage assis sur la rive de Ganga tandis que les vaches, les chiens, les poissons et les oiseaux, enhardis par son amour, approchent sans crainte et partagent avec lui la mie de pain de ses mains. Permettez à Rama de citer un cas extrême.

Rama connaît un swami dont le corps souffrait d'une blessure sévère. Les vers mangeaient la peau, il n'utilisait aucune huile pour tuer les vers, ou lorsque les vers rassasiés tombaient du pus de la plaie, ils les ramassait et en riant, en souriant les remettait sur la plaie. Ce petit corps appartient à chaque insecte du monde et le monde entier m'appartient. L'univers est mon corps. L'air et la terre sont mon habit et mes chaussures.

Swami veut dire celui qui donne continuellement. Tenez-vous à la Vérité et laissez tout le reste. Un Sannyasin : les seules aumônes qu'il prend sont données à celui qui est plus nécessiteux, lorsqu'il n'a plus rien à donner, il donne de bon coeur son corps aux mouches, aux vers et aux reptiles et, en tant que Soi de tous, il est heureux aussi du fait de sa possibilité de recevoir. Il jouit comme les mouches et les vers alors qu'ils partagent le festin de chair; il jouit en tant qu'air et chaleur alors qu'ils assèchent les os.

La charité ordinaire : Le sens de possession a pris un tel tour, et les choses en sont venues à un tel état que de rendre une partie insignifiante de la richesse qui a été accumulée en dégradant, en appauvrissant et en oppressant durement une partie de la société, est appelé noble charité, comme si répandre un peu d'eau dans la bouche d'une victime mourante pour prolonger ses tortures était la plus haute des vertus. Ne demander aucun vyaj (qui signifie originellement en sanscrit fraude, ruse, et qui de nos jours désigne l' intérêt) est considéré comme une grande faveur, parce que le vyaj est l'ordre du jour.

Ceci décrit la charité de l'Europe et de l'Amérique. La charité indienne, cependant, ne se trouble pas tant des classes laborieuses qui manquent de nourriture (shudras), mais elle conduit les charitables donneurs directement au paradis en nourrissant les paresseux suralimentés, dans les magasins de dieux, les plus hauts représentants de la religion pétrifiée.

Rama va mettre la simplicité à la mode. Qu'est-ce qui vous rend plus séduisant ? Sont-ce les vêtements qui vous cachent ou la grâce qui vous révèle ? Pas besoin d'emprunter la beauté à des vêtements ou autre. Portez des sourires naturels, une santé naturelle et une bonne humeur naturelle.

Laissez tout le monde venir et voler. Laissez le pauvre gouvernement se couvrir de ridicule en devenant possédé de possessions. Qu'est-ce que çà fait pour vous ? Vous n'abandonnez pas votre part. La vérité, la vérité est votre soi. Vous vous levez, certainement pas pour l' 'embrun d'eau salée' (des richesses matérielles), mais pour la Vérité . Allons-nous demander des grades universitaires ? Non sens. Le grade final doit être autoconféré.

Il est vrai qu'une épée faite de rêve est nécessaire pour combattre un tigre de rêve. Mais du point de vue de la conscience de veille, à la fois l'épée et le tigre du pays des rêves ne comptent pour rien. Il en est exactement de même avec les sciences empiriques et les arts : aussi indispensables qu'ils puissent être en tant que connaissance profane, ils ne portent en eux aucune valeur en état de veille divin. L'une des grandes pierres d'achoppement sur la voie de la Réalisation du Soi est la déférence et le respect anormal pour les grades intellectuels d'universités, pour les certificats, les titres, les honneurs et autres possessions mentales. Pour un homme de Réalisation, le monde n'est que la création de l'hypnotisme des gens qui, dans ce tohu-bohu autocréé se gardent les uns les autres en contenance par suggestions mutuelles. Tous les objets du monde sont simplement comme des lacs créés sur un sol sec par un homme hypnotisé, et étant d'une telle nature, la connaissance de ces objets aussi, dont les docteurs et professeurs s'enorgueillissent et prennent des airs de supériorité, n'est rien de plus que de l'hypnotisme. Le monde n'est qu'éthéré et ainsi est la connaissance de ces gens. Pour un homme de Réalisation qui s'est élevé jusqu'à la source de tous les phénomènes du monde, ni les grandes sphères, les rivières, les montagnes, les soleils et les étoiles n'apparaissent surprenants, ni la connaissance de tels phénomènes telle que possédée par les astronomes, les mathématiciens, les botanistes, les géologues et les zoologues n'apparaît être de quelque valeur intrinsèque au-delà d'un simple jeu, d'un simple amusement et d'une simple plaisanterie. Les gens qui possèdent des objets matériels (capitalistes) et ceux qui possèdent la connaissance de ces objets (scientifiques) se tiennent sur le même niveau que ces objets, à savoir qu'ils sont phénoménaux. Les froncements de sourcils et les approbations, les critiques et les suggestions des docteurs, philosophes et professeurs tombent à plat sur l'homme de Réalisation de Dieu, ils n'ont aucune signification pour lui. D'habitude les universités, les exhibitions et expositions ne sont rien de moins que différents moyens de prolonger l'état d'hypnose. Comme une règle, les églises, temples, rassemblements et meetings sont tous des méthodes différentes de prolonger le sommeil hypnotique mondial. Le Jivan-mukta ne ressentirait aucune surprise ni aucun émerveillement si le Soleil se refroidissait jusqu'au point de congélation ou si la lune augmentait sa température jusqu'au degré le plus élevé, non, même si la flamme du feu brûlait au-dessous du combustible au lieu de brûler au-dessus ou si l'espace entier se retirait comme un rouleau.
Il fut un temps où les Brahmanas (prêtres) gouvernaient le monde; il fut un temps où les Kshatriyas (chevalerie) régnaient, c'est maintenant le jour où les Vaishyas (capitalistes) gouvernent; et ensuite viendra l'ère de la suprématie du travail avec les Shudras, mais des shudras bénis de l'esprit du Sannyasa.

En Europe et en Amérique, la classe laborieuse (la caste shudra) n'est pas stéréotypée ni rigidifiée par les règles de l'hérédité et les injonctions religieuses et pourtant les choses sont très peu satisfaisantes. En Inde le mal et l'injustice sont doublement multipliés par le système des castes qui vient aider l'auto-illusion de toutes les parties. Cela empêche les grèves mais rend la nation entière plus impuissante et plus timide qu'un mouton innocent.

Jusqu'à ce jour le Vedanta n'a été que la propriété exclusive de quelques-uns. Il a vécu principalement sur le plan intellectuel. Cet enfant, conçu il y a si longtemps, demeura dans le sein de la terre (l'Himalaya), mais il descend enfin dans les plaines comme la sainte Ganga, lavant de la même manière le brahmana et le shudra, purifiant l'homme aussi bien que le dieu, balayant toutes les différences non naturelles. L'homme organique doit être celui qui est rarement ressenti. Tout comme vous devez prendre des repas réguliers consciemment alors que l'assimilation ou la distribution de la matière nutritive dans les différentes parties et organes du corps prend soin d'elle-même de manière qui vous est inconsciente, de même tandis que vous vous concentrez sur l'unité et l'intégration (amour et divinité), la différenciation et la variation appropriée prendront soin d'elles-mêmes.

Ô princes, prêtres, shudras et classes gouvernantes de l'Inde ! Pouvez-vous concevoir l'état des affaires d'ici quelques années ? Appelez-le bizarre et curieux, pourtant Rama voit devant lui un monde de Swamis, de dieux marchant sur la face de la terre, les classifications d'argile de l'homme balayées; les distinctions en Inde, Chine, Amérique, Angleterre, etc..., dissoutes; de nouveaux cristaux apparaissant pour être dissous encore à leur tour.

Ô chéris rêveurs ! Ôtez les échelles de vos yeux et voyez les sannyasins les plus élevés qui joignent les mains avec les shudras les plus bas; voyez ! voilà le bol de mendiant converti en une bêche ou une binette. Les sannyasins dépouillés de leur oisiveté, le travail des shudra exaltés à la dignité de sannyasa, l'esprit de renonciation mettant tout en action, le courage sans honte d'une prostituée et la pureté de Rama combinés, la tendresse d'un agneau mariée à l'intrépidité résolue d'un lion, les extrêmes se rencontrent et les distinctions non-naturelles intermédiaires dissoutes, le monde devient une famille. Voyez tout ceci, regardez et voyez !

Allons-nous avoir besoin d'épée ou de feu ? Non. De police ? Non. Est-ce de l'Utopie ? Non, fragile fantôme que cela. Est-ce du Communisme ou du Socialisme ? Peut-être. Mais pour l'Inde c'est la croissance indigène, l'application la plus naturelle du Vedanta. Ô Indiens, si vous vous connaissez et adoptez cette renonciation, où la maladie existera-t-elle ? Lorsque la maladie mentale est partie, la maladie matérielle s'envole. Pas besoin de travail clandestin, pas besoin de jeu de politique, pas besoin de suspicion ni de peur. Laissez les déicides peureux suivre çà.

"Je suis l'Empereur Rama, dont le trône est votre propre coeur. Lorsque je prêchai dans les Vedas, lorsque j'enseignai à Kurukshetra, à Jérusalem, je ne fus pas compris. De nouveau j'élève la voix. Ma voix est votre voix. Tat tvam asi. Tu es tout ce que tu vois."

Certains d'entre vous êtes renfrognés. Certains d'entre vous, Rama le voit, ont tourné leur nez d'un angle de trente degrés. Certains d'entre vous ont jeté le document de dégoût. Faites ce que vous voulez mais le décret doit marcher. Aucun pouvoir ne peut l'empêcher, aucun roi, démon ou dieu ne peut y résister. Inévitable est l'ordre de la Vérité. Ne défaillez pas. La tête de Rama est votre tête; coupez la si çà vous plaît, mais un millier d'autres pousseront à sa place.

Shams Tabrez chante la même chanson. Le gentil Bullah Shah et Gopal Singh du Punjab ont chanté la même chanson ! Jésus a murmuré la même Vérité ! Mohammed a vu le même croissant de lune ! Cela n'est rien pour moi. L'Id de Rama vient lorsqu'il le voit; La vieille vérité est toujours neuve. Votre Id arrive lorsque vous réalisez pour vous-mêmes. Tous les prophètes et tous les saints, les héros de votre ignorance, sont fondus en vous au moment même où vous vous éveillez à votre Soi-réel, Dieu-Vérité.

Om ! Om ! Om !