Le soleil du Soi
sur le mur du mental

Swami RAMA TIRTHA

(Conférence donnée le 12 janvier 1903 au Golden Gate Hall de San Francisco)
(Traduction Gaura Krishna)

 

L'Immuable sous la forme de Mesdames et Messieurs,

Le sujet du discours de ce soir est l'Immuable au sein du changeant.

Avant de commencer, nous dirons quelques mots pour répondre à la question posée à maintes reprises à Rama. Quelle est la signification de la couleur que vous portez ? Pourquoi les bouddhistes portent-ils des vêtements jaunes et les Sadhus et Swamis védantins portent-ils des vêtements couleur de flamme ?

Vous savez que toute religion à trois aspects. Chaque religion a sa philosophie, sa mythologie et son rituel. Aucune religion ne peut tenir sans philosophie. Pour appeler la classe érudite, sage, qui raisonne, elle doit avoir une philosophie, et pour se recommander aux gens de nature émotionnelle, vivant d'émotions sentimentales, elle doit avoir une mythologie, et pour pouvoir appeler les gens du commun, elle doit avoir un rituel.

La couleur des vêtements a quelque chose à voir avec le rituel de la religion védantique. Pourquoi les chrétiens portent-ils la croix ? C'est le rituel. Pourquoi les chrétiens mettent-ils la croix au sommet de leurs églises ? C'est le rituel. Les catholiques romains ont un rituel élaboré; les protestants en ont très peu mais il en ont cependant un. Eux aussi ne peuvent faire sans. Ainsi ces couleurs sont le rituel de la religion védantique. La couleur rouge, la couleur de la flamme a le même sens pour l'hindou que la croix pour le chrétien. Qu'est-ce que la croix sous-entend ? C'est un rappel de la mort de Christ, l'amour de Christ. Christ a subi la crucifixion de son corps pour l'amour des gens. C'est la signification de la croix que portent les chrétiens. Si vous demandez à un hindou de vous expliquer la signification de la croix, il vous l'expliquera de manière différente. Il dira que l'enseignement de Christ est : acceptez la croix, acceptez votre croix et suivez moi. Il ne dit pas 'prenez ma croix." Dans la Bible, dans le Nouveau Testament, St Paul ou Christ ne vous a pas demandé de prendre la croix de Christ, mais ils disent d'accepter votre croix, ce sont les termes exacts; acceptez votre croix, et la signification de cela est : crucifiez votre chair, crucifiez votre carnalité, crucifiez votre petit moi, crucifiez votre propre ego. Voilà la signification de cela. Aussi la croix doit-elle être un symbole de la crucifixion de vos intérêts égoïstes, de votre petit ego, de votre petit ego intéressé égoïste. C'est la signification de la croix, du port de la croix. Que vous le preniez dans ce sens ou dans un autre, cela dépend de votre volonté, mais le Vedanta vous recommande toujours de prendre la croix dans ce sens, et c'est en ce sens qu'un bouddhiste porte des vêtements jaunes.

Le jaune est, en Inde du moins, la couleur du mort. La carcasse morte attrape une couleur jaune. La robe jaune ou le costume jaune sous-entend que l'homme qui porte ces vêtements jaunes a crucifié son corps, a complètement abandonné sa chair, s'est élevé au-dessus du charnel, est au-delà des mobiles égoïstes; de la même manière que lorsque les catholiques romains doivent ordonner un moine ils le mettent dans un cercueil et lisent au-dessus de sa tête le chapitre de Job et lisent au-dessus de lui les chants, les psaumes et les sermons qu'on lit habituellement au-dessus du mort, et que cet homme est mis dans un cercueil, est porté à croire et à réaliser qu'il est mort, mort à toutes les tentations, à toutes les passions, mort à tous les désirs profanes. Les bouddhistes doivent porter des vêtements jaunes qui signifient que l'homme n'a plus rien à faire avec les désirs profanes, avec les buts et les sujets égoïstes, qu'il est mort au monde, pour ainsi dire, et la couleur de flamme des Védantins signifie la couleur du feu. (Swamiji montre le vêtement du conférencier) Cette couleur ne peut pas représenter exactement la couleur du feu, la couleur de ces vêtements; mais cette couleur était la couleur la plus proche de celle du feu que l'on ait pu avoir en Amérique. En Inde nous avons une couleur qui est exactement celle du feu. (1). Lorsqu'un moine indien est assis quelque part, vous ne pouvez reconnaître à distance si c'est un homme ou un feu. Cette couleur représente la couleur du feu, et ceci signifie que l'homme a brûlé son corps. Vous savez qu'en Inde nous n'enterrons pas les morts, nous les brûlons. Aussi cette couleur sous-entend-t-elle que l'homme qui a porté ces vêtements a sacrifié son corps, a placé son corps sur l'autel de la Vérité, tous désirs profanes brûlés, brûlés, brûlés. Tous les désirs profanes, toutes les ambitions profanes, toutes les attaches et tous les désirs profanes sont remis aux flammes.

La couleur de la croix est rouge aussi. Le sang de Christ est aussi rouge. Les chrétiens veulent aussi quelque chose de rouge, cela est aussi rouge, et a le double sens d'être du sang tout aussi bien que du feu. Mais il y a aussi une autre signification. Le jaune exprime aussi l'idée de la mort du corps, de la mort du charnel, mais les Védantins ne portent pas de robes jaunes, ils portent des robes rouges de la couleur du feu. Cela signifie que c'est la mort d'un point de vue et la vie d'un autre point de vue. Vous savez que le feu a la vie, que le feu soutient la vie, que le feu a de l'énergie, que le feu a du pouvoir. Les robes rouges sous-entendent que tous les désirs vils, que tous les penchants égoïstes, que toutes les petites ambitions ont été remis au feu, ont été mis à mort; mais d'un autre côté ont jailli d'eux la vie, le feu, l'énergie, la puissance. Cette robe rouge a une double signification. Elle a le sens de la mort du charnel et aussi le sens de la vie de l'esprit. N'ayez pas peur. N'ayez pas peur. Le Vedanta prêche le baptême du feu, le baptême de la puissance, de l'énergie; oh, n'ayez pas peur que ce soit du feu, il ne nous brûlera pas. Vous lisez aussi dans la Bible : "Celui qui veut gagner sa vie doit la perdre." Perdez cette vie inférieure et vous gagnerez la vie réelle, c'est à dire le principe. Oh, gens de ce monde, quel grand ravage dont-ils de leurs vies ! Ils font de leur vie profane un emprisonnement, une vie de mort, une vie d'enfer. Vous excuserez Rama, c'est la vérité. Sur leurs poitrines repose le puissant Himalaya de douleur et d'anxiété, une immense montagne de douleur et d'anxiété. Nous ne devons pas dire Himalaya. L'Himalaya est toute puissance et toute grandeur. Nous dirons une immense montagne de douleur et d'anxiété. Ils se conservent comme un pendule, toujours oscillant entre une larme et un sourire, toujours confondus par les sourcillements et les faveurs de quelqu'un, ou par les menaces et les promesses de quelqu'un d'autre. Ils créent toujours par leur imagination une prison autour d'eux, un donjon, un enfer.

Le Vedanta vous demande de vous débarrasser de cette nature inférieure, de cette ignorance. Brûlez cette ignorance, brûlez cet égoïsme vil, brûlez cette nature inférieure égoïste qui fait de votre corps un enfer et mettez vous dans le feu de la connaissance. Les Hindous représentent toujours la connaissance par le feu. Mettez-vous dans la connaissance du feu, et laissez toute cette paille, toute cette saleté et toute cette poussière être consumées. Sortez-en toute flamme, tout feu, feu céleste qui est la signification de cette couleur.

Quelqu'un a demandé à Rama : "Pourquoi attirez-vous l'attention ?". Bon, Rama lui a dit : Frère, frère, voyez vous-mêmes, s'il vous plaît, s'il y a quelque mal dans ces vêtements. Il a répondu qu'il ne pouvait y voir de mal, mais que les autres en voyaient. Mais vous n'êtes pas responsables de l'ignorance des autres. Soyez attentifs à votre propre intellect et à votre propre cerveau. Trouvez une faute dans ces vêtements si vous en avez une à trouver, et si les autres en trouvent, vous n'en êtes pas responsables.

Le plus grand sadhu, le plus grand moine indien, le plus grand swami de ce monde, c'est le Soleil, le Soleil levant. Le soleil levant vient à vous chaque jour vêtu dans l'appareil, dans le costume d'un moine Védantique. Dans le discours de ce soir, ce soleil représentera pour vous l'Immuable, en référence aux corps changeants. Nous prendrons le soleil, le swami, le sadhu, le Soleil aux vêtements rouges, symbole du véritable Atman, du Soi réel, qui est inchangeable, qui est immuable, le même aujourd'hui, hier et à jamais. En nous référant au soleil, nous montrerons les choses changeantes, variables, qui représentent les corps changeants en l'homme. L'homme a obtenu en lui des choses qui changent, et il y a en l'homme le véritable Atman immuable, non changeant, éternel. L'Atman réel est comme le Soleil, et les éléments changeants sont les trois corps, le corps grossier, le corps subtil et le corps causal. Ce sont les noms que Rama donne à ces corps. Ce sont en sanscrit sthula, sukshma et karana sharira; et Rama les traduit par corps grossier, corps subtil et corps causal. Ces trois corps, le corps causal, le corps subtil et le corps grossier, sont les éléments qui changent. Ils ne sont pas le soi mais le non-soi. Ils sont variables, changeants, ils ne sont pas votre Soi. Votre Soi est l'immuable, l'inchangeable. On va le démontrer.

Afin de vous donner une idée claire des trois corps et du véritable Atman, nous ferons appel à une illustration. Vous allez gentiment suivre attentivement. Ce soir il ne vous sera pas parlé de logique, pas de grande argumentation. Ce soir l'affaire de l'homme, telle que prouvée par les hindous, vous sera rendue claire. Elle sera clairement énoncée de telle manière que vous puissiez la comprendre tout de suite, et après, si nous avons le temps, nous entrerons dans la philosophie et la raison pour chaque côté de la question. Vous savez, avant de sortir la logique par rapport à un thème, nous devons d'abord comprendre quelle est la proposition. Aussi ce soir le sens de la proposition sera rendu clair, et vous verrez que même cette énonciation ou cette dissipation des nuages et la compréhension de la proposition seront, pour ainsi dire, des preuves en elles-mêmes. Comme Pope le dit :
La vertu est une fée à la mine si belle
Que pour être aimée il suffit qu'elle soit vue.

Aussi la vérité a une telle beauté qui, pour pouvoir entrer profondément en vos coeurs, nécessite simplement d'être vue clairement. Le Soleil n'a besoin d'aucune autre preuve de son existence. Voir le soleil est la preuve du soleil. Toute chose est vue dans une lumière extérieure, maisla lumière elle même ne demande pas d'autre lumière pour la rendre visible. Aussi ce soir la proposition doit être simplement mise devant vous, sans arguments ni logique, soit disant. Nous en venons maintenant à l'illustration.

Vous allez aimablement vous rendre avec Rama aux glaciers de l'Himalaya. Nous y voyons des scènes éblouissantes, des montagnes de diamant, toute blanches, un océan de glaciers blancs si éblouissants, si étincelants, si beaux, si splendides, si inspirants. Nous n'y trouvons aucune végétation, pas de vie animale, pas d'homme, pas de femme. Il y a au-dessus de ces glaciers à voir une source de vie, le soleil, le globe glorieux, qui brille sur ces scènes féeriques. Oh, quelle vue splendide ! La lumière du soleil passant au travers des nuages tombe quelquefois sur la terre et enflamme tout le paysage de la couleur du feu, fait porter à la scène entière le vêtement du swami, convertit la scène entière en un sadhu, en un moine indien. Après quelque temps la scène entière devient jaune, etc. mais il y a une chose et une seule chose sur la scène, rien d'autre. C'est le Soleil.

Vous observez maintenant qu'il y a dans ces glaciers les plus grands fleuves de l'Hindusthan, cachés, latents. Tous les grands fleuves de l'Inde ont leur source et coulent à partir de ces glaciers. C'est ici dans ces glaciers qu'est la source ou le corps causal du fleuve. Vous allez aimablement descendre avec Rama jusqu'au second stade de la vie du fleuve.

Nous en venons ici à une autre phase, nous en venons à un autre genre de vues et de paysages. Nous sommes encore dans les montagnes, mais non pas aux sommets couverts de neige, nous sommes plus bas. Ici à des kilomètres et des kilomètres, à des dizaines et à des vingtaines de kilomètres nous avons des roses magnifiques qui couvrent chaque point et l'air entier est parfumé, odoriférant du parfum doux et délicieux des roses. Nous avons ici de magnifiques rossignols et autres oiseaux qui chantent, produisant toute l'année des cartes de la saint Valentin. Nous avons ici de merveilleux gazouillements qui remplissent l'air de leur notes douces, et nous trouvons aussi au milieu d'arbres magnifiques, merveilleux, charmants, la très attrayante Ganga, ou quelque autre courant, menant sa course sinueuse en zigzag, jouant, gambadant dans les montagnes. Oh, les ruisseaux splendides, les magnifiques ruisselets que nous trouvons ici. Ici dans ces beaux petits ruisseaux l'ombre des arbres se réfléchit, et ces petits courants, ces petits ruisseaux circulent de la manière la plus charmante, la plus espiègle, prenant là cette direction et là cette autre, tournant et tournant, allant de ce côté-ci puis de ce côté-là, et chantant tout le long, ces rivières, ces ruisseaux, ces ruisselets coulent.

Qu'est-ce que c'est ? C'est le deuxième stade de la vie du fleuve. C'est le fleuve dans son corps subtil. Cette forme de ruisselet ou de ruisseau du fleuve est le corps subtil du fleuve, pour ainsi dire. Ce corps subtil apparaît à partir du corps causal du fleuve, il vient du corps causal du fleuve. Vous savez qu'au-dessus du corps causal du fleuve se trouve le Soleil brillant, et que par l'action de la chaleur et de la lumière du soleil sur le corps causal du fleuve le corps subtil du fleuve est apparu. C'est le corps subtil. Il est très changeant, vague, faisant des méandres, zigzagant. Il saute maintenant en bas et fait de grands bonds en grande hâte et en grande furie, puis il s'apaise dans un lac ou dans une mer. Il est très confus, versatile, changeant.

Descendons un peu vers les plaines. Dans les plaines nous avons maintenant des scènes différentes. La même eau, le même fleuve que nous avons vu sous la forme causale sur les glaciers couverts de neige et qui a adopté un aspect très fantastique et fort poétique sous sa forme subtile plus bas sur les montagnes, les mêmes eaux, le même fleuve devient maintenant un courant boueux dans les plaines. Dans les plaines, le même fleuve, la même Ganga devient un courant puissant. Elle a subi un grand changement. Elle a mis de nouveaux vêtements, une nouvelle couleur; elle ne garde pas sa transparence originelle et sa limpidité originelle; elle devient sale, trouble et elle change de couleur. Elle devient boueuse et change en même temps de vitesse. Elle devient lente maintenant, très lente, et d'un autre côté elle devient plus utile. Sur la surface de ce puissant fleuve flottent des bateaux, des navires, il y a de la navigation. Les gens viennent se baigner, et l'eau du grand fleuve est maintenant utilisée dans des canaux et des aqueducs pour irriguer les terres et pour fertiliser le pays alentour.

Le troisième stade de la vie du fleuve est le corps grossier du fleuve. Et au sujet de la vie du fleuve ? Au sujet de la force motrice du fleuve ? La véritable force motrice du fleuve est le Soleil, la sphère glorieuse. Appliquons maintenant cette illustration à l'homme.

Où sont vos trois corps et comment sont-ils reliés l'un à l'autre et au véritable Soi, votre vrai Soi ou Atman ?

Qu'êtes-vous en réalité dans votre état de sommeil profond où vous êtes inconscient de tout le reste, où vous ne savez rien du monde, où le père n'est pas père, la mère n'est pas mère, la maison n'est pas maison et le monde n'est pas monde, où il y a ignorance, ignorance et rien qu'ignorance, où il y a un état de chaos, un état de mort, un état d'annihilation, pour ainsi dire un état de néant ?

Là, dit le Vedanta, dans cet état que vous n'avez jamais examiné, que la plupart d'entre vous n'ont jamais examiné, dans cet état nous avons le corps causal de l'homme, le corps causal de l'homme prostré et à plat au-dessous du véritable Soi ou Atman de l'homme. Nous avons là le véritable Soi comme le soleil qui brille au-dessus des glaciers, la vie de l'homme se comparant à la vie du fleuve.

Vous allez aimablement écouter très attentivement. Quelque chose de très subtil va être établi. On l'a dit l'autre jour, mais l'occasion demande qu'elle soit répétée.

Dans votre état de sommeil profond ce monde n'est pas présent; il n'est pas présent non plus au pays du rêve; il n'y a là que non-rêve. Lorsque vous vous éveillez, vous dites que dans cet état de sommeil profond il n'y a rien, rien, rien. Le Vedanta dit, en effet, que rien n'est présent dans cet état de sommeil profond. Mais vous savez, comme Hegel l'a clairement montré (les Hindous ont anticipé Hegel, ce philosophe allemand), et ils ont prouvé que ce rien est quelque chose; que ce rien est aussi le corps causal; ce rien, que vous décrivez comme rien dans votre étant de veille, est le corps causal, c'est le glacier de votre vie. Comme la Bible le dit, que de rien quelque chose a été créé par Dieu, les Hindous ont aussi montré que de ce corps causal, que vous décrivez comme rien après vous être éveillés, de ce corps causal que vous décrivez comme rien, de ce corps causal ou de ce rien, jaillit ou apparaît le monde entier. Si les philosophes sortent et disent qu'à partir de rien rien ne peut jamais sortir, le Vedanta dit que ce que nous avons appelé rien n'est pas rien en réalité, il n'est appelé rien que par vous lorsque vous vous réveillez. Vous savez, on peut interpréter le même mot de la manière que nous voulons. En réalité çà n'est pas rien. C'est le corps causal. C'est comme les glaciers. Vous allez dire maintenant : bon, nous avons compris que de ce sommeil profond que nous décrivons comme rien quelque chose est apparu, et que ce rien apparent est le corps causal; mais réalisez le Soleil au dedans, réalisez le Dieu au-dedans, réalisez l'Atman qui crée l'univers entier à partir de ce glacier du corps causal. Réalisez ce Soleil ou Dieu ou Atman. Vous allez demander ce que cela veut dire. Ecoutez, s'il vous plaît.

Lorsque vous vous levez, vous dites : "J'ai dormi si profondément que je n'ai rien vu dans les rêves". Nous disons cela, notez cette affirmation sur papier. Alors le Vedanta vient et dit que cette affirmation est tout comme une affirmation que fait un homme qui a dit qu'en pleine nuit, à tel et tel endroit, il n'y avait strictement personne. Le juge lui a dit de mettre cette affirmation par écrit, et il l'a fait. Le juge lui a demandé si cette affirmation était vraie. Il a répondu oui. Cette affirmation est-elle faite par ouï-dire, ou est-elle fondée sur votre propre témoignage ? Êtes-vous un témoin ? Oui, dit-il, j'en suis un. Très bien. Alors, si vous avez été témoin et si vous souhaitez nous faire comprendre que votre affirmation est correcte, qu'il n'y avait personne de présent, alors pour que votre affirmation puisse être juste, vous devez au moins avoir été présent sur les lieux. Mais si vous étiez présent sur les lieux, cette affirmation n'est pas littéralement vraie. Littéralement, l'affirmation n'est pas vraie, parce que vous, en tant qu'être humain, vous étiez présent; au moins un être humain était présent sur les lieux. Ainsi l'affirmation que personne n'était présent, qu'il n'y avait aucun être humain de présent sur les lieux, est fausse, c'est une affirmation contradictoire. Pour qu'elle puisse être vraie comme vous souhaitez nous faire comprendre qu'elle est vraie, elle doit être fausse. Elle doit être fausse parce qu'au moins un être humain doit avoir été présent sur les lieux.

De la même manière, lorsque nous faisons cette affirmation après nous être réveillés : "Oh monsieur, j'ai dormi profondément et ai joui d'un tel sommeil profond que rien n'était présent sur la scène", Rama dit : "Monsieur, vous étiez présent. Si vous aviez été endormi, si votre véritable Soi, l'Atman réel, et le vrai Soleil, la vraie Sphère, le vrai Dieu, avait été endormi, alors qui aurait porté témoignage du néant du sommeil profond ou du chaos du rêve ? Comme vous vous êtes porté témoin du néant du sommeil profond ou du chaos du rêve, vous devez y avoir été présent." Ainsi dans votre état de sommeil profond, le Vedanta dit qu'il y a au moins deux choses à voir, le néant qui est comme les glaciers ou comme le corps causal et la Lumière Témoin, le Soleil, l'Atman glorieux, le Soi ou Dieu resplendissant, qui est témoin de tout cela et qui brille même sur la désolation de l'état de sommeil profond. Là ce vrai Soi est le Soleil immuable et ce néant de l'état de sommeil profond est le corps causal qui est changeant, muable, altérable et inconstant. Pourquoi est-il changeant et inconstant ? Parce que lorsque vous descendez au pays des rêves, lorsque vous tombez dans l'état de rêve, ce néant s'en va, ce néant n'existe plus. Si ce chaos ou ce rien de l'état de sommeil profond avait été votre Soi réel, il aurait duré à jamais, mais il change. Lorsque vous descendez dans le pays des rêves, la capacité même de changer implique qu'il n'est pas réel. Ce corps causal n'est pas réel. Vous allez être surpris, vous allez dire : comment ce monde phénoménal qui est le nôtre émane-t-il de ce rien ? C'est un fait. Vous avez pensé les choses de manière différente en Europe et en Amérique; vous avez pris les choses dans un état sans dessus dessous. Croyez Rama, c'est une vérité qui doit imprégner tout individu, qui doit entrer dans le coeur de chacun et de tous dans cet univers, tôt ou tard.

Ici les gens sont habitués à prendre les choses de bas en haut. Ils veulent faire les rivières couler vers le haut de la colline, le cours contre nature. Et ainsi vous serez étonnés de cette affirmation que vient de faire Rama que de ce néant de votre état de sommeil profond apparaît votre expérience du pays des rêves. Vous serez étonnés. Mais examinez simplement, réfléchissez simplement. N'est-ce pas cela le plan de la nature ? D'où est venu cette terre qui est la vôtre ? Cette terre qui est la vôtre fut un jour à l'état nébuleux. Tout ceci fut un jour dans un état qui n'avait aucune forme, qui était apparenté à votre état de sommeil profond.. C'était à l'état nébuleux, c'était dans un état de chaos. Hors de cet état de chaos ont jailli, par lentes étapes, votre royaume végétal, votre royaume animal, et l'homme. Le Vedanta vous dit que ce que vous trouvez dans toute la nature, ce que vous trouvez vrai du point de vue physique, la même chose est vraie du point de vue métaphysique. Si ce monde entier jaillit du chaos ou du rien, pour ainsi dire, votre pays du rêve et votre état de veille ont aussi jailli de cet état de sommeil profond ou état chaotique, l'état de néant. Vos états de veille et de rêve ont jailli de cela. De la même manière, on trouve cela dans la vie de tout homme. Bébé, il est dans un état qui ressemble beaucoup à l'état de néant, pour ainsi dire. De cet état, par lentes étapes, il entre dans un autre état, que vous appelez supérieur, bien que supérieur et inférieur soient des termes relatifs.

Ce qui est la règle de l'univers entier est la règle avec la vie ordinaire de tout homme. De l'état de sommeil profond jaillit cet état de rêve. Les gens veulent expliquer l'état de rêve comme étant dépendant de l'état de veille. Vous serez surpris lorsque le Vedanta vous mettra les choses dans la vraie lumière et montre que tous les philosophes européens, tous vos Hegels et vos Kants ne peuvent expliquer complètement le phénomène des rêves. Nous n'avons pas le temps ce soir de nous étendre sur le sujet, mais cela vous sera prouvé ou dans une conférence ou sous forme de livre.

Nous en venons à l'état de rêve. Dans le pays des rêves nous allons, pour ainsi dire, des glaciers aux montagnes plus bas. Vous êtes encore sur les montagnes, endormis. Ici le corps subtil, le soi qui rêve, se trouve dans un pays fantastique, dans une région poétique; le soi rêvant qui est le vôtre est maintenant un oiseau, est maintenant un roi. En un rien de temps il devient un mendiant. C'est maintenant un homme qui a perdu son chemin sur les montagnes himalayennes puis il devient le citoyen d'une grande ville comme Londres. Il est maintenant dans cette ville puis dans cette autre. Comme il change ! Tout comme les courants dans les montagnes sont changeants, faisant des méandres, versatiles, prenant différents virages ici et là, tel est l'état de votre soi rêvant. Dans votre état de rêve, vous faites tout vite, tout comme les courants sont rapides quand ils sont dans les montagnes, comme les ruisselets, les ruisseaux sont si rapides et si véloces, si vifs et si espiègles. Ainsi est votre soi rêvant si espiègle et si rapide. Vous vivez dans un pays d'imagination. Là les morts deviennent vivants et ces gens qui vivent, vous les trouvez parfois morts - pays étrange, le pays de la fantaisie et le pays de la poésie ! N'est-ce pas tout à fait comme le courant dans son corps subtil sur les montagnes où il est dans le pays de la poésie et de la fantaisie ? Après l'expérience du rêve, en passant par les montagnes, pour ainsi dire, dans votre seconde étape, vous descendez dans les plaines, vous vous éveillez. Dans votre état de veille vous forgez le corps grossier, tout comme le fleuve acquiert un corps grossier lorsqu'il descend dans les plaines. Vous voyez, l'état de sommeil profond est appelé corps causal, le corps de votre pays de rêve est appelé corps subtil, et le corps de votre état de veille est appelé corps grossier. Vous savez que quand les rivières descendent des montagnes et entrent dans les plaines, leur corps subtil reste le même mais il se met un manteau rouge ou boueux. Vous savez que l'eau vient des montagnes. Cette eau fraîche et pure demeure cachée dans la boue, dans l'argile et dans le sol des plaines. Le corps subtil du fleuve comme on le voyait dans la montagne n'y a pas changé, mais il porte simplement un nouveau vêtement, il a enfilé un nouveau costume, et ainsi lorsque le corps subtil de la rivière est descendu dans la plaine et a revêtu un nouveau costume boueux, nous disons que la rivière est dans son corps grossier. Il n'en était pas ainsi lorsque le corps subtil est venu du corps causal; le corps causal avait alors à fondre et à produire le corps subtil, et maintenant dans l'état de veille, le corps subtil n'a pas eu à fondre ou à changer, il n'a eu qu'à mettre de nouveaux vêtements, un nouveau costume. C'est réellement ce qui se passe.

Dans votre état de veille, le corps subtil, c'est à dire le mental, l'intellect, qui travaillait au pays des rêves, n'a pas disparu, il demeure le même, mais ces éléments matériels, la tête matérielle et toutes ces choses matérielles, ces choses sont mises, pour ainsi dire, comme des costumes; et lorsque vous devez aller dormir, ce corps grossier matériel est simplement enlevé, pour ainsi dire, pendu à ce pilier, et le corps subtil en est dévêtu.

De la même manière qu'au moment d'aller se coucher les gens enlèvent leurs habits, vous l'enlevez et seul le corps subtil travaille dans vos rêves. Maintenant qu'est-ce que le corps subtil ? On va montrer que c'est aussi quelque chose de matériel. Nous allons montrer la relation du subtil au grossier et du grossier au subtil . Vous savez qu'en hiver (l'hiver est comme la nuit) les rivières se débarrassent de leur corps grossier, se dénudent de leur corps grossier et ne gardent avec elles que leur corps subtil, ce qui veut dire qu'en hiver les rivières sont réduites de taille, et qu'elles se débarrassent de la boue, de l'argile et du vêtement boueux rouge qu'elles ont. Elle vont dormir, pour ainsi dire. Tout comme les rivières se débarrassent de leur corps grossier et ne gardent que le corps subtil, de la même manière tous les jours lorsque vous allez dormir le soir (votre hiver) vous vous débarrassez de votre corps grossier et ne gardez que le corps subtil.

Mais le Soleil qui brillait sur le corps causal, le même soleil brille également sur le corps subtil de la rivière; et le même soleil qui brille sur le corps causal et sur le corps subtil de la rivière brille également sur le corps grossier de la rivière.

Le véritable Atman ou Soi réel, qui brillait sur le corps de l'état de sommeil profond brille aussi sur votre pays de rêves et sur votre état de veille, sur le corps grossier, pour ainsi dire, mais où la différence se trouve-t-elle ? La différence se trouve dans la réflexion du Soleil. Quand le Soleil brillait sur le corps causal du fleuve, sur les glaciers, on n'y voyait pas l'image du Soleil. L'action du Soleil était intense sur les glaciers, mais on ne voyait pas la réflexion ou l'image du Soleil; mais quand le Soleil commence à briller sur le corps subtil du fleuve, le Soleil se réfléchit.

Lorsque le Soleil brillait sur le corps subtil du fleuve, on y voyait l'image du Soleil. On ne voyait aucune image du Soleil sur les pics couverts de neige ou sur les glaciers; mais dans le corps subtil du fleuve, dans les montagnes, dans les ruisseaux, on voit l'image du Soleil. Que sous-entend cette image ? Cette image est à l'origine le Soi réel, le véritable Atman, l'Inchangeable, l'Immuable en vous, la vraie Divinité, Atman ou Dieu. Le même Dieu est présent en vous quand vous êtes en état de sommeil profond, ce Dieu brille sur votre corps causal, mais examinez, dans l'état de sommeil profond aucun égoïsme n'est présent, vous n'avez pas d'idée de 'Je suis endormi', 'Je grandis', 'je digère la nourriture', 'Je fais ceci'; ce qui veut dire qu'il n'y a pas d'ego; le Soi réel est là, mais l'ego n'y est pas. Ce faux ego apparent que les gens regardent comme le soi n'est pas là. Il devient apparent dans l'état de rêve. L'état de rêve est comme le deuxième état du fleuve, le corps subtil du fleuve. Là il devient apparent, et il devient aussi apparent dans l'état de veille. Vous savez, votre état de veille est comme l'état du fleuve lorsqu'il est dans la plaine, le corps grossier du fleuve. Là le Soleil brille clairement; il brillait clairement sur les glaciers, mais il ne réfléchit son image que dans le courant; on voit l'image du Soleil dans la rivière boueuse; de même voit on aussi l'image du Soleil dans votre état de veille. Cet égoïsme : je fais ceci, je fais cela, je suis ceci, je suis cela, tout cet égoïsme, ce soi apparent égoïste fait aussi son apparition dans l'état de veille. Mais vous voyez qu'il existe une différence entre l'ego de vos rêves et l'ego de votre état de veille. Dans vos rêves l'ego qui était pour vous comme la réflexion ou l'ombre de l'Atman véritable ou Dieu est versatile, changeant, vague, troublé, flou; exactement comme la réflexion du soleil dans le courant lorsqu'il est au-dessus des montagnes est vague, en méandres, changeante; et dans votre état de veille cet ego est bien déterminé, permanent, comme dans le courant lent, dans le fleuve lent lorsqu'il coule dans la plaine.

Quelque chose de plus doit être dit ici. Les gens demandent : de quel droit prétendez-vous que le corps grossier est un effet secondaire ou un résultat du corps subtil ? Les gens vous demandent de quel droit vous placez l'état de rêve au-dessus de l'état de veille. Notez cela. De quels éléments se compose votre expérience de veille ? Votre expérience de veille repose sur le temps, l'espace et la causalité. Pouvez-vous penser à une substance, à quoi que ce soit dans ce monde sans y faire entrer l'idée de temps, d'espace et de causalité ? Jamais, jamais. Vous ne pouvez rien concevoir sans temps, sans espace ou sans causalité. Impossible de concevoir quoi que ce soit sans eux. Maintenant ce temps, cet espace et cette causalité sont comme la toile et la trame de votre monde. Notez les. Ils sont dans vos rêves et ils sont dans votre état de veille. Vous savez, Max Muller, dans sa traduction de "La Critique de la Raison Pure de Kant", alors qu'il donne son introduction, dit que Kant enseigne la même philosophie que le Vedanta. Il dit que Kant a clairement montré que le temps, l'espace et la causalité sont a priori et que les hindous ne l'ont pas montré. Rama va vous dire que Max Muller n'a pas assez lu les Ecritures hindoues. Rama va vous dire que les hindous ont prouvé que le temps, l'espace et la causalité étaient des a priori, étaient subjectifs, et à partir de cela il a été montré que l'expérience de veille qui est la vôtre est d'un point de vue l'effet secondaire de votre expérience de rêve. Vous allez écouter patiemment. Vous n'avez aucune idée du temps dans votre état de sommeil profond, aucune idée d'espace, aucune idée de causalité. Vous descendez dans l'état de rêve. La le temps fait son apparition, l'espace vient à l'existence, et la causalité vient aussi à l'existence. Les hindous vous disent que le temps, l'espace et la causalité de votre état de rêve viennent de votre état de sommeil profond de la même manière que le germe minuscule vient de la graine dans sa forme faible et peu solide; et dans votre état de veille, temps, espace et causalité atteignent l'état d'un arbre majestueux. Ils deviennent forts et atteignent l'état d'un fleuve puissant; ils assument leur forme grossière; de la même manière que vous vous développez, les idées de temps, d'espace et de causation se développent aussi avec votre compréhension. Le sujet n'est ainsi rien d'autre qu'un résultat du temps, de l'espace et de la causation alors qu'ils se développent. Dans vos rêves vous avez le temps, mais comparez le temps de vos rêves au temps de votre état de veille. Le temps du rêve est inconstant, vague, flou, trouble, instable, indéfini, et le temps de l'état de veille est naturellement la forme mûrie, dit Rama, la forme fortement développée de votre temps de l'état de rêve. Dans vos rêves, vous savez que quelquefois le mort devient vivant et que le vivant devient mort. Il n'en est pas ainsi dans votre état de veille, le temps est défini. Le passé devient futur et le futur passé dans vos rêves; il n'en est pas ainsi dans l'état de veille. Vous avez peut-être entendu parler de Mohammad qui, dans son rêve, a passé pas mal de temps à monter jusqu'au huitième ciel, mais lorsqu'il s'est éveillé, il a trouvé que deux secondes seulement s'étaient écoulées.

De la même manière les choses de votre état de veille sont différentes, non pas en espèce mais en intensité, en degré, des choses de votre état de rêve. Dans votre état de rêve les choses sont changeantes, inconstantes, vagues, indéfinies. Elles peuvent être changées, tout comme vous pouvez faire pousser un jeune arbre de la manière que vous voulez, mais lorsqu'il devient un arbre gigantesque, il ne peut être changé, détourné, ou moulé dans une autre forme. Vous voyez maintenant une femme dans votre état de rêve, et en une seconde elle devient une jument, un cheval. Vous trouvez maintenant devant vous un homme vivant et en un rien de temps il devient mort. Vous trouvez maintenant une montagne devant vous et en un rien de temps elle devient feu. Les choses que vous trouvez dans votre état de rêve ne se trouvaient pas dans votre état de sommeil profond. Elles ont jailli de l'état de sommeil profond, comme les petites rivières, les ruisseaux inconstants jaillissent des glaciers, et dans votre état de veille ces formes a priori de temps et d'espace atteignent une forme dure, rigide, deviennent définies et obtiennent d'elles-mêmes une rigidité.

La sagesse de votre pays de rêves, l'intellect de votre pays de rêves est lié à l'état de veille. Rama sait par expérience personnelle que souvent dans les rêves, alors qu'il était étudiant, il résolvait les problèmes les plus difficiles sur lesquels il avait médité, mais en se réveillant il ne savait pas comment les résoudre. Oh, il y avait une faute dans les raisonnements. Les raisonnements de votre état de veille sont aussi inconstants, changeants, mais liés aux arguments de votre état de veille comme l'arbre le plus développé est relié au petit arbre inconstant, aux bourgeons changeants, au petit arbre changeant.

Rama écrivait souvent de la poésie dans les rêves, mais quand il se levait et regardait cette poésie, les lignes ne scandaient pas et çà n'était pas cohérent; il y avait besoin de continuité, d'unité. Le raisonnement du rêve est lié au raisonnement de l'état de veille comme le corps subtil du fleuve est relié au corps grossier, et l'espace de votre état de rêve est relié à l'espace de votre état de veille de la même manière. L'espace est rigide, constant, invariable. Maintenant direz-vous, non, non, comment cela se fait-il que dans nos rêves nous voyons toujours les mêmes choses que nous voyons dans notre état de veille ? Nos rêves ne sont que des réminiscences, ne sont que des souvenirs de notre état de veille. Rama dit : qu'est-ce que cela ? Qu'il en soit ainsi. Où est la graine ? De la graine apparaît un magnifique petit arbre; il est changeant et inconstant, et de ce petit arbre changeant, inconstant, pousse ou se développe un arbre gigantesque, fort, rigide. Très bien. Encore, de cet arbre rigide apparaissent plus de graines, la même sorte de graines que celle qui a donné naissance à l'arbre. Maintenant dans les graines, l'arbre entier est contenu. L'arbre a mis toute son essence et tout son pouvoir dans les graines. Devons-nous alors soutenir que l'arbre n'a pas jailli de la graine ? Avons-nous quelque droit de soutenir que l'arbre n'est pas sorti de la graine ? Non, non, nous n'avons pas le droit de discuter de cette manière.

De la même manière, le Vedanta dit que le Shushupti, Rama dit votre état de graine, l'état de sommeil profond, est comme la graine. De lui vient le pays des rêves et de celui-ci sort, pour ainsi dire, ou se développe le corps de veille, le corps grossier. Et encore si votre expérience de veille peut être recondensée dans votre sommeil, çà n'est que naturel. Si votre expérience de veille peut être condensée ou forcée dans votre état de rêve, dans votre expérience de rêves, cela ne contredit pas l'affirmation de Rama. Laissons cela. Pourtant cela ne doit pas vous donner le droit de dire que votre état de veille ne se développe pas à partir de votre corps subtil ou de l'état de rêve. Vous n'avez pas le droit de dire cela. Exactement comme lorsque l'arbre entier est condensé et mis dans la graine, cela ne vous donne pas le droit de dire que l'arbre n'est pas sorti de la graine. Si dans vos rêves vous avez l'habitude d'avoir des réminiscences de votre état de veille, cela ne vous donne pas le droit de démentir l'affirmation faite par Rama que du temps, de l'espace et de la causation, de la différenciation de l'état de rêve ou de l'expérience du rêve, l'expérience de l'état de veille s'est développée ou est apparue.

La philosophie Vedanta dit que l'état de rêve et l'expérience de veille proviennent du néant ou chaos de votre sommeil profond. Lorsque les Hindous disent que le monde n'est rien ou que le monde est le résultat de l'ignorance, ils veulent dire que l'état de sommeil profond dans lequel vous avez eu une sorte de rien, un chaos, que ce chaos ou rien de votre état de sommeil profond est ignorance, ignorance condensée; si vous voulez dire ignorance per se, là l'état de sommeil profond est ignorance per se, et de cette ignorance ou obscurité ce monde est apparu; cette différenciation et ce changement sont apparus, et cette ignorance est changeante. Vous savez, dans votre état de rêve il y a deux sortes de choses, le sujet et l'objet, et selon le Vedanta le sujet et l'objet font leur apparition de manière simultanée. Là dans vos rêves, vous devenez d'un côté celui qui voit et de l'autre l'objet vu. Si dans un rêve vous voyez un cheval et le cavalier, les deux apparaissent ensemble; si vous voyez une montagne dans le rêve, la montagne est l'objet et vous êtes celui qui voit ou l'observateur. Là l'objet et le sujet font leur apparition ensemble. Là par une sorte de temps le passé et le futur du rêve sont aussi simultanés à l'objet; le passé, le présent et le futur du rêve, la causation du rêve, le sujet et l'objet du rêve, tous font leur apparition simultanément.

De la même manière le Vedanta dit : dans votre état de veille aussi vous êtes l'objet vu et vous êtes le sujet qui voit; vous êtes les amis et les ennemis de ce côté et vous êtes leur observateur de l'autre côté; vous êtes les ennemis d'un côté et vous êtes les amis de l'autre côté; vous êtes tout. Mais tous ces phénomènes apparents du rêve, phénomènes du sommeil profond, phénomènes de l'état de veille, tous ces phénomènes sont muables, changeants, inconstants, incertains, indéfinis. Le Soi réel qui a été comparé au soleil, l'Atman réel, brille au-dessus de ces corps de la même manière que le soleil brille au-dessus des trois corps du fleuve, cet Atman est immuable, non changeant. Cet Atman ou ce Soleil brille au-dessus du glacier de votre état de sommeil profond; votre état de sommeil profond est illuminé par cet Atman ou ce soleil; et votre état de veille est illuminé par cet Atman ou ce soleil. Et vous voyez encore que le soleil brille non seulement sur les trois corps d'un fleuve, mais le même soleil brille sur les trois corps des trois fleuves de ce monde exactement de la même manière. De même que se passe-t-il si le fleuve de ce corps ci est différent du fleuve de ce corps là ? Qu'en est-il si cette rivière ci de la vie coule d'une manière différente de la rivière de la vie dans ce cas là ? Mais toutes ces rivières de vie, tous ces courants d'existence ont le même Atman, ou le Soleil des soleils, Eternel, Immuable, Constant, qui brille sur eux à tous moments, en toutes circonstances, inchangeable, immuable. Cela vous l'êtes, cela vous l'êtes. Cela est le Soi réel, et votre Soi réel est le Soi réel de votre ami, est le Soi réel de chacun et de tous. Votre Soi réel n'est pas seulement présent avec vous dans l'état de veille, il est également présent dans l'état de sommeil profond; il est également présent sous tous les changements et en toutes circonstances.

Réalisez que le Soi réel se tient au-dessus de toute anxiété, au-dessus de toute peur, se tient au-dessus de toute tribulation et de tout trouble. Personne ne peut vous faire de mal, personne ne peut vous blesser.

Brise-toi, brise-toi, brise-toi aux pieds de tes rochers, ô mer,
Brise-toi, brise-toi, brise-toi à mes pieds, ô monde,
Ô soleils et tempêtes, O tremblements de terre, guerres,
Salut, bienvenue, venez, essayez toute votre force sur moi !
Vous belles torpilles, éclatez ! Mes jouets, craquez !
Ô étoiles filantes, mes flèches, volez !
Votre feu brûlant, pouvez-vous le brûler ?
Ô menaçant, c'est à partir de moi que tu flambes;
Toi épée flamboyante, toi boulet de canon,
Mon énergie file vers toi la tête la première !
Le corps dissous est jeté aux vents;
L'Infinité m'enchâsse bellement !
Toutes oreilles mes oreilles, tous yeux mes yeux,
Toutes mains mes mains, tous mentaux mes mentaux !
J'ai avalé la mort, toute différence je l'ai bue.
Comme doux et fort je trouve un aliment !
Aucune peur, aucun chagrin, aucune peine de désir;
Tout délice, ou soleil ou pluie !
Ignorance, obscurité, ébranlée et tremblée,
Frissonnée, faseyée, évanouie, à jamais
Ma lumière éblouissante l'a grillée et roussie,
Joie ineffable ! Hourrah ! Hourrah !!!

 

Om ! Om ! Om !