Yogi Ramsuratkumar,

le saint caché de l'Inde

Hilda Charlton
 

 

Il y a des saints qui se cachent des yeux des foules afin de pouvoir accomplir leur travail spirituel sur la Terre sans être gênés par les clameurs de la renommée. Ces Grands Etres cachés aident à maintenir l'équilibre du monde. Mystiques pour les uns, fous pour les autres, insensés aux yeux des gens du monde qui sont attachés aux habitudes de ce qui est bien et de ce qui est mal, ces maîtres de vie abattent les murs restreignants des habitudes qui lient l'humanité. Ils sont les êtres spirituels qui oeuvrent silencieusement, changeant calmement le monde, non connus des masses. Ils ne font aucune attention à la renommée ou à la reconnaissance; en fait, ils en resplendissent. Ils traversent doucement la vie comme des phares divins de lumière et de vérité pour ceux dont le coeur et les yeux sont assez affranchis de la terre pour voir.

Un tel saint est Yogi Ramsuratkumar de l'Inde du Sud. Je n'ai jamais rencontré Swami sur le plan physique (1). Il vit à dix mille miles d'ici, pourtant nous sommes amis et nous nous connaissons l'un l'autre. Je ressens souvent sa présence chez moi ou à mes réunions. Nous nous entendons l'un et l'autre comme si nous étions dans des pièces voisines. Il aide beaucoup de ceux que j'aide. Il n'y a ni espace ni distance lorsque l'amour divin de l'humanité est le lien. Véridiques sont les mots : "Celui qui se fait petit sera élevé " (Luc 14,11). Lorsque je reçois une lettre de lui, où il parle de lui comme d'un "mendiant", un "pécheur", un "serviteur", cela fait naître le rire en mon coeur, et tout ce que je peux en penser est qu'il serait bon que le monde ait plus de pécheurs et de mendiants comme Yogi Ramsuratkumar.

Je demandai à Phyllis, qui m'assistait dans mes réunions, d'aller voir Swami quand elle viendrait en Inde. Elle revint le regard radieux et heureux et me fit le récit suivant :

"J'ai souvent lu des récits de personnes qui rencontraient leur guru pour la première fois, et je me demandais si je rencontrerais un jour une telle personne Divine. Pour moi, l'Inde, c'est Yogi Ramsuratkumar - un homme Divin au-delà des mots et une expérience dont je ne puis comprendre les profondeurs en ce moment. Je suis allée à Tiruvannamalai pour voir Swami, mais Swami me trouva. Je me promenais dans la rue et m'arrêtais un moment près de marches qui semblaient descendre du ciel. Venant vers moi se trouvait un homme non petit, et lorsqu'il bougeait son élégance était remarquable. C'était comme s'il n'était pas là. Il semblait juste flotter comme si le vent l'enlevait et comme s'il se mouvait sur les nuages lorsqu'il marchait. Comme cet homme venait vers moi, je me sentis rayonnante d'une joie indicible. 'Me cherchez-vous ?" demanda-t-il ? Il était là. Un sourire apparut sur mon visage : c'était Swami. Nous restâmes assis pendant des heures, très souvent sans qu'un mot soit prononcé, nos yeux se rencontrant et nos âmes se touchant. Je sentais mon coeur fondu en Swami et me surveillai alors car des larmes d'extase coulaient de mes yeux. Il n'y avait rien à dire, rien à faire - juste être avec Swami emplie dans toutes les fibres de mon être. La communication totale que je vivais avec Swami vint au-delà des mots. Je ressentis qu'il savait tout de moi, et je savais que j'étais chez moi.(2)

"Swami me posa un tas de questions et nous parlâmes du guru et de l'initiation. Lorsque je demandai à Swami s'il initiait, sa réponse fut "Ce mendiant n'initie pas. Il parle seulement." et profondément en moi je sus ce que Swami voulait dire et ce qu'était réellement l'initiation. Jusqu'à Swami l'initiation avait toujours eu une expression extérieure - un toucher, etc. Avec Swami, l'initiation prenait une forme qui ne connaît pas de mots - elle était tout intérieure.

"On ne peut être en sa présence quand il rit sans être infecté par lui - il vous apporte une joie et un bonheur complets. Un homme de Madras qui lui rendit visite lui dit combien il avait de la chance d'avoir rencontré Swami lors de sa dernière visite. Il dit que le jour suivant il avait eu un accident de voiture. Swami rugit de rire. "Quelle chance est-ce là ? Vous venez voir ce mendiant, puis vous avez un accident !", dit-il en riant. 'Mais, Swami, par votre grâce je suis sorti de là avec une petite blessure alors que j'aurais pu être tué", répondit l'homme. Swami lui demanda alors quelle destination il prévoyait et - riant tout le temps - bénit son voyage.

Une autre fois il y avait un groupe d'Indiens assis devant Swami, et Swami leur parlait d'Hilda et disait combien d'amour elle avait pour 'ce mendiant' et comment elle lui envoyait des personnes qui venaient d'Amérique. "Ce mendiant ne sait pas comment agir", disait-il en remunant la tête.

Quand le moment arriva pour moi de quitter Swami la première fois après n'avoir été avec lui que pendant trois jours, ce fut très difficile. Je voulais rester avec lui pour toujours - il n'y avait nul besoin d'aller ailleurs. Mais Swami me dit d'aller, aussi je partis. Quand j'arrivai à Bangalore pour rencontrer Sai Baba, je découvris que cela n'était pas possible du fait qu'il était en voyage. Ma première réaction fut la frustration car le trajet en bus à partir de Tiruvannamalai était de sept heures - puis la lumière apparut et je me pris à rire et à rire. Comme j'avais de la chance ! Je pouvais retourner pour être avec Swami. Aussi ardu que fut le trajet de sept heures en bus, il ne me semblait rien comparé aux joies d'être de nouveau avec Swami.

"Avant de quitter Bangalore, j'allai à la compagnie aérienne pour changer la date de mon vol du 9 mars au 16 mars. De retour à Tiruvannamalai avec Swami, il devint évident que Swami avait été avec moi même quand j'étais partie. Par exemple, Swami savait que je partais pour New York le 9. Quand je rencontrai Swami la seconde fois, il commenta : "Alors, vous ne partez pas le 9, vous partez le 16". Qu'avais-je besoin de plus ? Il savait tout. Après cette déclaration, ma conviction intérieure était faite, et lorsque je pris congé de Swami pour la seconde fois, tout allait bien. Je savais, profondément à l'intérieur de moi, que nous ne nous séparions pas réellement - cela n'était qu'une apparence."

Chaque geste a une signification Lorsqu'il pose une pierre à un certain endroit ou une tasse de thé d'une certaine manière, il a une raison dans son apparente démence, et il s'appelle lui-même "type insensé". Un des exemples arriva quand William était avec Swami. Il raconte : "Habituellement Swami envoie quelqu'un pour le thé le soir. Quand le fidèle apporta le pot et les tasses de thé, Swami voulut distribuer les tasses et servir le thé lui-même. Les tasses semblaient être distribuées complètement au hasard, c'est à dire sans ordre particulier. De même, le thé fut versé de la même manière. Une fois que les tasses de thé furent placées devant nous par Swami et que nous attendions qu'elles soient remplies avec le thé, inconsciemment je rapprochais la tasse de moi d'un pouce. Swami m'arrêta immédiatement et dit durement : "Quoi, vous avez bougé cette tasse ! Ne pensez-vous pas que ce mendiant sait ce qu'il fait ? Vous avez abîmé le monde de ce mendiant". Ce fut la dernière fois que je fis cette erreur. Cela me montrait aussi que toute action qu'il faisait avait un but dans le travail qu'il accomplissait..

"Le premier jour que je recontrai Swami, quatre d'entre nous se trouvaient dans un champ aux pieds de la colline Arunachala; Je voyais Swami debout en face de moi levant sa main droite en l'air, la paume vers moi. Je sentis mes yeux devenir lourds, et lce que je sus après est que j'étais dans un état profond de méditation. C'était un tel état profond que je ressentis que je pouvais rester là pour toujours. Les environs étaient entièrement annulés et il n'y avait qu'un espace profond et intérieur rempli de lumière. Je sentis la présence d'une puissante lumière se mouvant doucement autour de moi dans un mouvement circulaire. Swami acheva le cercle et me parla. 'Venez par ici, Mr. Will, venez par ici. Il n'y a pas de bon thé de ce côté.' Puis il dit d'une voix très lente mais ferme : 'Deux, neuf, zéro, huit.'. Ce dont jeme souviens par la suite, c'est que mes yeux étaient ouverts et que je regardais Swami qui se tenait en face de moi. 'Deux, neuf, zéro, huit' et je fus immédiatement de retour dans la conscience physique. Swami regardait les fidèles qui étaient assis là et il dit : "Deux, neuf, zéro, huit semble être le chiffre de Monsieur Will !". Et il rugit d'un éclat de rire."

Un étudiant rapporta une cassette de Swami sur laquelle on pouvait entendre son éclat de rire. C'était total, captivant, et tous ceux qui étaient présents furent touchés. Il donnait de la joie et du bonheur. Je sentais que son éclat de rire brisait les peines, la lourdeur des formes-pensées et le karma de ceux qui étaient assis à ses pieds.

Une autre disciple, Joan, dit que ses pensées revenaient souvent aux jours qu'elle avait passés avec Yogi Ramsuratkumar et le groupe sous un arbre dans le champ du fermier près de la gare, ou aux nuits dans le bazar près du grand temple où le groupe se tenait dans un coin, difficilement vu par les foules de gens qui passaient. Elle dit : "Ces moments passés avec Swami éveillèrent en moi le tressaillement du fait d'être sur Terre - toute la joie qu'il communiquait. Son rire divin me remplit encore d'extase aujourd'hui.

"Swami s'appelle rarement d'un autre nom que 'mendiant', 'pécheur', ou 'ce type fou'. Mais pendant de précieux moments, tard dans la nuit, quand il semblait que les Cieux et la Terre se calmaient pour entendre son message, il a dit qu'il était un Maître qui faisait le travail de son Père et que le Père était content du travail de 'ce mendiant'. Il dit que son sort n'était pas de vivre protégé dans un ashram et d'être reconnu de la manière que nous penserions appropriée."

Swami a donné sa vision du monde. Il a dit que dans les prochaines décades nous ne pourrions pas reconnaître cette Terre. Cette Terre sera un endroit beau et glorieux.. Il a aussi parlé des jeunes qui ne vivent pas selon les même valeurs que leurs parents. Ils voyagent autour du monde, ne reconnaissant pas les frontières ni les difficultés de transport. Il dit que ces jeunes sont la première vague dans le changement de conscience de la Terre, vivant déjà la promesse du futur quand il n'y aura plus de frontières ni de passeports pour voyager, lorsque la terre sera un endroit unifié où l'on vivra en paix et en harmonie. Swami a un grand respect pour les Nations Unies et voit l'urgence d'un monde unifié. "Tout comme les gens devraient agir moralement et de manière responsable comme il est dit dans les codes de toutes les religions, les nations doivent vivre de la même manière" dit-il. "Elles doivent réaliser que leur conduite est responsable de la paix et du bien-être du monde."

Swami peut être sage, comme un enfant, joyeux,, austère. Nombreux sont ses états d'âme. Les fragments suivants de ses enseignements le confirment. Un visiteur d'Amérique fit une fois la remarque à Swami qu'il avait été vu de nombreuses fois en rêve aidant et instruisant les gens qui n'avaientt même jamais entendu alors parlé de lui. Ils l'ont reconnu plus tard sur des photos. A cela, le Maître remarqua : "Ce mendiant ne sait pas.. Le Père doit les aider. Le Père fait du travail et a confiance en ce mendiant. Le Père aime ce pécheur. Je ne sais pas pourquoi."

Une fois un fidèle était assis seul avec le Maître dans le coin d'un bazar quand un homme se rapprocha du groupe et offrit gentiment à Yogi Ramsuratkumar un pot de lait épicé. Le Maître bondit, cria sur lui et se plaignit qu'il avait interrompu son travail. Il ordonna fortement à l'homme de partir. Puis Swami s'assit avec le groupe et reprit la conversation, exactement là où elle avait été interrompue. Mais un fidèle se dit en lui-même : Comment peut-il être si cruel ? Il n'a pas honte ! Le fidèle était sans voix. Quand Swami vit cette réaction, il devint silencieux un moment puis il dit : "Il y a des saints qui jetteront des pierres à ces gens qui viennent près d'eux, mais qui que ce soit qui est heurté par ces pierres est béni par elles. Il y a autant de joie dans le combat qu'il y en a dans le succès." Se faire hurler dessus par un saint, se faire lancer une pierre par un yogi, c'est avoir votre karma effacé. C'est pure bénédiction.

Un étudiant qui vient me voir reçut la grâce de Yogi Ramsuratkumar de la manière suivante : Un jour, alors qu'il se réveillait et qu'il était dans cet état médiant entre la veille et le sommeil, il se trouva en train de chanter le nom de Yogi Ramsuratkumar. Il se vit se tenant sur la rive d'un vaste océan et rencontrant un disciple qui l'amena à Swami. Yogi Ramsuratkumar apparut être très sévère et puissant lorsqu'il dit : "Shakti est la matière à partir de laquelle sont faits les blocs (parpaings) pour construire votre maison, mais trop de puissance peut être une chose dangereuse." A ce moment une substance noirâtre fut tirée du garçon. Le comportement de Swami changea en un rire et un amour d'enfant. Il dit : "Mais la question est, qu'allez-vous mettre dans votre maison quand elle sera construite ? Vous allez mettre l'amour dans votre maison." La substance noire fut alors transformée en une belle lumière rayonnant du Maître jusqu'au plexus solaire du garçon. La force de lumière et d'amour le ravit dans un état d'Absolu - pas de respiration, pas de mouvement. Doucement le Maître le ramena à la conscience terrestre après qu'il eut reçu une leçon d'amour, apprise et vécue. Grâce !

Un fidèle de Yogi Ramsuratkumar nous raconte cette expérience : "Swami marchait sur la route qui va du Sud de l'Inde dans le disctrict de Kerala jusque Trivandrum. Il observait un camion collé sur le bord d'une route isolée, loin de la civilisation. Swami dit aux hommes, qui pendant des heures avaient essayé de le faire démarrer : "Démarrez maintenant s'il vous plaît.". Il s'avança d'un pas et, levant son bâton, toucha le moteur et appela Dieu en disant : 'Par la grâce de Ram, votre moteur va démarrer'. Les hommes furent outragés; leur sang-froid vacilla et ils maudirent cet homme qui ressemblait à un mendiant jusqu'à ce que l'homme qui était assis sur le siège du conducteur tourne la clé. Le moteur démarra. Tout le monde fut soudainement joyeux, et tous saluèrent Swami se répandant en mots d'estime alors qu'ils s'éloignaient. Alors que Swami racontait cette histoire et me parlait, ses paroles devinrent inaudibles, ma respiration devint plus lente et quasi arrêtée, mon esprit chancela. Je fus engouffrée dans une énergie scintillante et merveilleuse. Cela ne me semblait pas être le moment approprié pour rire, mais avec la rotation dans mon plexus solaire je ne pouvais arrêter. Quand je fus assez calmée pour demander à Swami ce qui était arrivé, il m'interrompit : 'Vous devez avoir très faim', et il s'éloigna rapidement pour chercher de la nourriture."

Depuis le moment où j'ai entendu parler de Yogi Ramsuratkumar, j'ai su en mon coeur qu'il était l'un des Grands Etres qui travaillent calmement et silenciensement pour le monde. Avec la puissance de sa pensée et de son action, il crée le monde qu'il veut. Il place une tasse de thé, dit aux fidèles exactement où s'asseoir, place une pierre quelque part, et en faisant cela il renvoie dans les éthers le pouvoir d'unifier le monde. Des étudiants marchaient derrière lui dans un champ de riz. Il marchait rapidement et d'un seul coup stoppa court. Ceux qui étaient derrière lui rentrèrent dedans. Il fut sévère et dit après un long silence : "Vous avez abimé le travail de ce mendiant !"

Les citations suivantes de Yogi Ramsuratkumar illustrent son travail sur Terre :

" Dans le monde il y a de nombreux mouvements spirituels travaillant pour apporter de grands changements - un monde nouveau. C'est en rapport avec le grand mouvement du monde que ce mendiant accomplit son travail.

"Ce mendiant croit en la vision de son instructeur spirituel, Sri Aurobindo.". Il se mit alors à expliquer que Sri Aurobindo eut un rêve et une vision d'une unité universelle et de la paix sur Terre et, plus encore, d'une race de superhommes spirituels. (3)

"Ce travail doit être fait. C'est tout ce que nous pouvons faire. Mais ce mendiant va vous dire ... Cela ne ratera pas.

"Parler de ces philosophies n'est pas pour ce mendiant. Il est ici pour parler avec les gens et se mélanger à eux.

"Une grande mission a été assignée à ce mendiant. Et ce mendiant fait son travail à chaque pas qu'il fait. Il conseille ou aide le peu de personnes qui viennent à lui, mais en règle générale, son réel travail reste inconnu. Excusez-le de donner de l'importance à ce corps !"

Oui, les Grands Etres qui travaillent seuls aident à maintenir l'équilibre de ce monde. Chaque pas qu'ils font, chaque respiration qu'ils prennent ont une signification. Ils sont sur Terre dans des endroits cachés, non vus, non chantés par l'humanité, mais leur travail se fait. Lorsque mes pensées vont vers Yogi Ramsuratkumar qui demeure dans la lumière de la Colline Rouge, Arunachala, Tiruvannamalai, mon coeur chante : "J'aime la vie. J'aime donner; j'aime recevoir. J'aime le soleil, la lune, la boue, les souffrances. J'aime la gloire. Oui, j'aime la vie, la vie de Dieu en toutes ses diversités et toutes ses formes, mais plus que tout, l'Un Sans Forme. Inclinons-nous humblement devant les saints de lumière qui se cachent."

 

"THE NEW SUN", par Hilda Charlton
publié par Golden Quest, Woodstock, New York, U.S.A.

 

NOTES

 

1) Pendant un pélerinage en Inde en 1991, Hilda rencontra Yogi Ramsuratkumar à Tiruvannamalai.
2) C'est exactement ce que vivent ceux qui ont la bénédiction de rencontrer Yogiji.
3) 'L'arrivée du supramental sur la Terre'.