YOGI SUR LA COLLINE DE FEU

Makarand Paranjape

 

 

Loin de la nouvelle génération de gurus, Yogi Ramsuratkumar, basé à la demeure du grand sage Ramana Maharshi, est un saint rare qui vous force à regarder à l'intérieur de votre être le plus profond.

A une bonne demi-heure de ma destination, les bornes routières commencent à annoncer la ville qui porte le nom de la colline de feu - Tiruvannamalai, le synonyme tamil d'Arunachala. A environ 4 heures de route de Chennai dans l'Inde du Sud, elle est devenue un heureux terrain de chasse pour ceux qui sont à la recherche du Soi. Des chercheurs à travers le globe viennent ici et chaque visite révèle une vision différente. On croit en effet qu'à toute époque il y a au moins trois âmes vivantes ayant réalisé le Soi à Tiruvannamalai, l'une d'elles étant apparemment Ramsuratkumar, le nouveau yogi d'Arunachala.

"La colline sacrée, Arunachala, appelle tous ceux qui sont riches en gyan tapas," dit Guru Namasivaya, un saint tamil. Jamais en Inde une colline n'est devenue la déité principale. La ville, renommée pour l'ashram de Ramana Maharshi, l'un des plus grands saints des temps modernes, est aussi maintenant la demeure d'un autre grand ashram, celui de Yogi Ramsuratkumar.

Agrahara Collai, Tiruvannamalai. 7 heures du matin. Apercevant une Ambassador blanche, la ligne des pèlerins se met en ordre. Mains jointes et têtes inclinées. Le chant commence : "Yogi Ramsuratkumar, Yogi Ramsuratkumar, Jaya Guru Raya." La colline sacrée regarde sereinement.

De l'intérieur de la voiture, un homme avec un turban vert, une barbe blanche et des yeux perçants considère les dévots assemblés et lève la main. " Mon Père vous bénit ", semble-t-il dire.

Qui est Yogi Ramsuratkumar ? Si quelqu'un posait la question en face de lui, cela pourrait provoquer une volée d'éclats de rire communicatif. Ceux qui l'ont connu pendant des années se rappellent plusieurs séances de gaieté de la sorte pendant lesquelles les problèmes les plus déprimants et les plus inflexibles se dissolvent dans un amusement innocent. Bhagavan, comme ses fidèles l'appellent affectueusement, parle peu: "Ce mendiant n'a rien à dire. Tout ce qui était nécessaire a déjà été dit par Sri Ramakrishna, Ramana Maharshi, Sri Aurobindo, Papa Ramdas et d'autres." Lorsqu'on le presse pour un message, il declare : "Mon Père seul existe, rien d'autre, personne d'autre. Passé, present, avenir, ici, là, partout !"

Paradoxalement, cette affirmation de non-dualisme absolu demande une méthode de réalisation plutôt dualiste, voire mécanique, le japa, la répétition continue du Nom du Seigneur. Ramsuratkumar se rappelle son initiation par Papa Ramdas, un yogi renommé du Kerala: "A ce moment-là, une force entra dans le corps, l'esprit, l'âme ou n'importe quel nom que vous voulez lui donner, de ce mendiant. Elle commença à contrôler tous les mouvements. Puis ce mendiant est mort. Cette force seule dirige tout maintenant."

Ramdas donna le mantra 'Om Sri Ram Jaya Ram Jaya Jaya Ram' à Ramsuratkumar. "Récite-le jour et nuit" ordonna son guru. D'abord, Ramsuratkumar échoua. Puis un jaillissement soudain d'énergie apporta une transformation totale. La récitation devint facile.

Dans les oeuvres de Ramdas, Ramsuratkumar a été appelé 'le Bihari fou'. A cette époque, Ramsuratkumar se roulait par terre en extase complète. Il voulait rester pour toujours avec son guru, mais Ramdas le renvoya en 1952. "Où vas-tu aller?" demanda Ramdas. "Tiruvannamalai" fut la réponse spontanée.

Ramsuratkumar arriva aux limites sacrées de Tiruvannamalai en 1959. Il avait erré à travers l'Inde entière pendant sept ans. A cette époque, Arunachala était auréolée par la présence d'une lignée ininterrompue de yogis, le dernier étant Ramana Maharshi qui, enseignant essentiellement par le silence, avait montré une nouvelle voie de réalisation de soi par la simple méthode d'enquête : "Qui suis-je ?"

Pendant plus de trente ans, Ramsuratkumar a cheminé dans les rues de Tiruvannamalai, et sa grandeur spirituelle se révéla petit à petit. Puis quelques fidèles lui demandèrent de venir habiter une maison près du grand temple d'Arunachaleshvar. Récemment, au début des années 90, il consentit à contrecoeur à la demande de ses fidèles pour un ashram.

Ce rêve est maintenant réalité. Le Yogi Ramsuratkumar ashram est la dernière attraction de cette ancienne ville de pélerinage. Il renferme un immense auditorium qui peut recevoir plus de 5.000 personnes. Il y a une magnifique salle de méditation circulaire qui fait face à Arunachala. Ramsuratkumar a même prédit que, dans les années à venir, cet ashram serait inondé de pélerins, "comme le Vatican". Bien que récent, l'ashram est bien administré par Justice T.S. Arunachalam, ancien Président de la Haute Cour de Madras. It tient une promesse de supporter le service des sadhaks (chercheurs) pendant de nombreuses années.

Seuls quelques chanceux sont appelés pour une audience privée avec Ramsuratkumar, qui peut être une rencontre vivifiante et mémorable. Elle commence comme une conversation ordinaire mais se termine en vous emmenant à un niveau de conscience absolument différent. Si vous le rencontrez pour la première fois, Ramsuratkumar pose habituellement des questions générales. Et il termine la rencontre avec: "Mon Père vous bénit." Le nom de la personne est clairement prononcé, comme s'il était enregistré dans le registre secret du Père.

A la différence de beaucoup de guides spirituels ou gurus, comprendre Ramsuratkumar est difficile. Ses actions sont impénétrables. Mais vous expérimentez en sa présence une subtile transformation intérieure. Vous devez réellement expérimenter cette alchimie pour y croire. C'est une forme supérieure d'amour dans laquelle les détritus de l'âme sont emportés et où l'être se retrouve nettoyé. Une fois accroché à la douceur du visri swami, ainsi appelé à cause du visri (éventail) qu'il porte, vous rendrez pendant longtemps de multiples visites à l'endroit.

Alros que mon taxi allait vers Bangalore, je continuais de regarder Arunachala derrière. Peut-être continuera-t-il à me rappeler jusqu'à ce que ma poussière se mélange à sa terre rouge. Peut-être serai-je foulé par de nombreux pélerins sur la voie de l'ultime réalité. La réalité, qui est notre demeure finale.


Life Positive, September 1999