Mon Maître

(Gaura Krishna)

En cette approche du Jayanti de Yogi Ramsuratkumar, mon esprit retourne 10 ans en arrière, revivant cet appel intérieur pressant de rejoindre Mère Bharat sans savoir mentalement pourquoi. Il s'agissait simplement d'un état d'être, d'une nécessité, d'un impératif, et en aucune manière d'une impulsion ou d'un simple désir. Sans savoir pourquoi ! En fait il ne s'agissait ni plus ni moins que de tomber dans les bras de ma Mère et de mon Père, de ma Mère l'Inde, Bharat Mata, et de mon Père, Sri Yogi Ramsuratkumar, l'être qui empêche les mots de sortir de ma bouche pour parler de lui tant il est indescriptible, l'être le plus merveilleux qui soit, comme jamais je n'aurais pu penser que notre planète terre si malade pût en abriter. Mais est-ce la terre qui l'abrite ou est-ce lui qui abrite la terre ?

Lorsque je tente de donner une expression pour parler de Yogiji, une des meilleures que mon mental ait jamais pu trouver est qu'il est l'incarnation même du Vedanta, le Vedanta vivant. Mais véritablement vivant. Tout dans ses gestes, dans son comportement, dans ses paroles, tout est Vedanta. Une sorte d'expression de l'harmonie absolue. De tous les qualificatifs que les hommes donneraient à Cela qu'ils appellent Dieu : Amour incarné, Renoncement incarné, Simplicité incarnée, Humilité incarnée, Douceur incarnée, Intelligence incarnée. Oui, de Yogi Ramsuratkumar, la meilleure expression serait certainement : "OM TAT SAT". "Om, Cela est". Comme un émerveillement qu'un tel être merveilleux puisse se trouver parmi nous.

J'ai rencontré, et ne suis bien entendu pas le seul, beaucoup de ce qu'il convient d'appeler "maîtres", mais en chacun d'entre eux, j'ai toujours trouvé ce quelque chose qui dénote une 'personnalité', mais en Yogiji, ce qui fait sa Personnalité, c'est son absence de personnalité, ce qui lui donne une pesonnalité tout simplement merveilleuse. Beaucoup de gens parlent de la renonciation, vous expliquent que l'ego doit être abandonné, et je sais très bien le faire aussi. Beaucoup de gens savent faire de beaux discours et entraîner l'esprit dans des sphères plus hautes que celle de l'environnement quotidien. Oui, des personnes parlant de l'absence d'ego, nous en trouvons, mais l'Absence d'ego même, cela, jamais je ne l'avais rencontré. La maîtrise des maîtrises, là où il n'y a plus rien à maîtriser, jamais je n'avais approché un maître qui la possède. Et, pour ce qui me concerne, jamais je n'aurais pu avoir d'autre maître qu'un tel Maître, et j'avais abandonné ma recherche depuis de nombreuses années, persuadé qu'un tel être ne pouvait plus exister sur notre terre dite 'moderne' en perdition d'âme. Comme si les grands maîtres avaient disparu en même temps que les grands musiciens, pour ainsi dire. Que les derniers s'appelaient Ananda Mayi Ma, dont j'espérais avoir le darshan et qui a quitté cette terre juste avant, Ramana Maharshi, Sri Aurobindo et Swami Ramdas dont je me rassasiais de la lecture étant plus jeune !

Mais le Guru, celui qui est au fond de chacun et qui emplit l'Univers, est imprévisible et répond toujours aux souhaits de Ses enfants. Et c'est ainsi qu'il y a 10 ans est venu en mon âme cet appel pressant, cette impérieuse nécessité de rejoindre mon Père, mon mendiant de Père, Roi de la Terre, le maître des maîtres. Quelle coïncidence ! Sri Aurobindo, Ramana Maharshi et Swami Ramdas ! Les "trois pères" de mon Père ! Auxquels Il m'a conduit en 1995 alors que devant la foule il m'avait demandé de chanter le mantra "Arunachala Shiva" ! Le Ciel m'avait déjà fait tant de clins d'oeil auparavant !

Le petit être que je suis doit en quelque sorte se forcer aujourd'hui pour tenter d'écrire quelques mots sur Yogi Ramsuratkumar, car aucun mot ne le décrira aussi bien que le Silence ou la musique d'un grand maître, comme l'adagio de la 9ème symphonie ou le Sanctus de la Missa Solemnis de Beethoven qui, en quelque sorte, m'a conduit vers Yogiji. L'incarnation de la musique possédait ce même Amour Universel, ce même Amour pour l'humanité, cette même humilité, et cette force de renonciation qui lui faisait communier dans le Divin pour en répandre les rayons sur l'humanité entière par la musique qui, de là, jaillissait de son coeur, lui, le sourd ! Comme il est magnifique de pouvoir les ressentir tous deux comme un seul et même Être, sans parler de jivatman bien entendu, mais au sens Vedantique, en réalité au véritable sens du terme ! Devant ces êtres qui répandent les rayons de la Divinité, je m'agenouille et leur demande de me tuer.

De me tuer en tant qu'individu, pour rejoindre le grand Océan Divin. Tuer pour aller au-delà des sens, pour devenir sourd et aveugle en quelque sorte.

Tout est simple, mais il faut passer par le compliqué pour le savoir, pour y aboutir. La formule de cette simplicité ? Y en a-t-il une meilleure que celle de Yogiji : "Seul mon Père existe" ?

Mon Père divin, Tu m'as appris à être partout le même, où que ce soit, dans quelque activité que ce soit, à ressentir Ta présence et donc à penser à Toi. Que l'on me voit petit ou que l'on me voit grand n'a aucune importance, tout passe comme sur un écran de cinéma, c'est la scène de Ton immense théâtre. Je ne suis rien et je suis tout, peu importe, c'est une question de choix de mots bien insignifiante. Mais je suis Ton fils, et telle est ma gloire.

Voilà déjà quelques années, lorsqu'à Sudama je venais de tomber à Tes pieds Divin, ô mon Père, et lorsqu'au milieu du chant de Ton Nom j'ai entendu ces paroles sortir de Tes lèvres : "Il y a longtemps que ce mendiant attendait Krishna. Maintenant que Krishna est là, ce mendiant ne le quittera jamais", mon âme s'est envolée, le Ciel gratifiait cet être malgré tout assez stupide du plus grand bonheur qu'il n'aurait jamais pu espérer. J'avais rejoint mon Père, mon Père m'avait pris la main. Pouvais-je être entre de meilleures mains ? On m'avait dit jadis : "tu es dans les mains de Dieu". Mais tout le monde n'est-il pas dans les mains de Dieu ? Pourtant jamais je n'aurais pu penser qu'Il me prendrait par la main de cette façon. Père, je Te l'ai dit, c'est vraiment pratique ! Je suis là comme un gamin, je ne suis même pas obligé de regarder devant, tu m'emmènes, Toi qui connais parfaitement la Destination, et je peux regarder à droite et à gauche, m'amuser à shooter dans le caillou qui se trouve sur la route, salir mes chaussures dans la boue du caniveau. Pourquoi aurais-je peur de quoi que ce soit ? Ta main est là, je la sens, Tu m'emmènes, je n'ai rien d'autre à faire que d'admirer le paysage que tu déploies sous mes yeux, à regarder les fleurs sauvages sur les talus, à admirer tes aubes et tes crépuscules. Même en travaillant dans le monde, car il semble que Tu veuilles que je continue un chouia dans le karma yoga, je regarde. Je suis comme un témoin qui se regarde même lui-même. Dans un sens, c'est rigolo. Pas toujours bien sûr, car Tu me fais passer parfois dans de drôles d'endroits caillouteux et quelquefois fermés, mais Ta main toujours est là, et sans cesse Ta présence.

Une amie, une soeur de France qui chante le Ram Nam, me demandait aujourd'hui même par ce système moderne qu'est l'email : « Pourquoi comptez-vous toujours sur le pouvoir et l’autorité de Yogiji plutôt que de vous adresser directement à RAMA, à Dieu, à votre Soi ? ». Soeur bien aimée, il n'y a pas de différence : Yogiji, Rama, Dieu, le Soi sont des noms différents du même Être; lorsque je m'adresse à Yogi Ramsuratkumar, je m'adresse au Guru, au Sadguru qui est présent en tous et en tout, que l'on appelle quelquefois "la voix de la conscience" et qui est la Conscience. "Yogi Ramsuratkumar est le nom de mon Père, aussi je veux l'entendre chanter. Chantez !" De même que RAMA est le nom de la Conscience Universelle ou, exprimé autrement, que Conscience universelle se dit "RAMA", de même YOGI RAMSURATKUMAR est devenu aussi le nom de cette même Conscience, même si elle est incarnée dans le corps de "ce sale mendiant". Le 'sale mendiant' est le Roi de la Terre.

De la même manière, cela me rappelle l'échange entre Jésus et ses disciples : "Les gens, que disent-ils que je suis". Les apôtres de répondre : "Pour les uns tu es Elie, pour les autres, etc...". "Et vous, qui dites-vous que Je suis ?" Et Pierre de répondre : "Mon Seigneur et mon Dieu", (ou "Tu es le Fils du Dieu vivant". Compris dans le sens védantique, c'est d'une sublime limpidité. Si l'on demande : "qu'est-ce que les gens disent de Yogi Ramsuratkumar ?", les uns diront : "C'est un mendiant", les autres "c'est un va nu pieds qui marmonne en tenant un éventail et un bol de coco", je dirai : "C'est RAMA !"

C'est bien entendu parce que Pierre avait atteint cette compréhension védantique que Jésus lui dit aussitôt : "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise" (si toutefois il a employé le terme d'église, ce qui est très loin d'être une certitude ...). Et Pierre recevait ainsi le pouvoir d' "enseigner les nations" sur la Vérité Vedantique (et certainement pas de créer ce "Machin" qu'on appelle maintenant Eglise. L'apôtre Pierre n'est pour rien dans cet affreux détournement ! Voyez plutôt Constantin et la politique 300 ans plus tard.)

Tu m'as appris, mon Père, ce que j'ai toujours ressenti, que je suis dans le monde mais pas du monde, que je ne suis d'aucun pays : "Krishna n'appartient pas à la France, il n'appartient à aucun pays, il appartient à mon Père". Je n'ai pas de pays, mon pays est l'Univers, et s'il en est un dans ce monde, c'est l'Inde ma Mère, car elle m'a donné la véritable nourriture. Je ne parle plus dans ce monde, mon Père, si ce n'est par RAMA NAMA dont tu as voulu la continuation. Qui comprend maintenant ? La vérité que Tu m'as donnée, ils la prennent pour de la culture ! Pour un simple bagage mental ! Je les vois faire des sous en ton nom même ! Ô Dieu, Tu es devenu marchandise, et une des plus rentables dans le monde actuel ! Non seulement par les sectes, mais par les détournements d'appellations, le Yoga devient appelé ceci, le Prana devient appelé cela, et "ils se font des sous", eux qui soi disant parlent de Toi ! Et je vois des marchands se donner le qualificatif de maître en ceci ou en cela. Et je vois même des âmes magnifiques tomber dans le panneau et servir ceux qui disent Te servir et qui en réalité se servent.

Père, on t'a coupé en rondelles et chaque rondelle a ses maîtres, ses experts, ses diplômés es rondelle ! Et ils sont écoutés comme des tout-sachants, alors qu'ils n'ont aucune vue de l'ensemble, de l'harmonie, de Toi ! Cela me rappelle, il doit y avoir 3 ans, lors d'un darshan, cet américain qui demandait : "Pourquoi tant de souffrances, tant de problèmes" ? Et Ta réponse qui comprenait tout : "Parce que l'homme a oublié Dieu". Il n'y a rien d'autre à dire. Ô Père, sublime mendiant, combien de cailloux as-tu reçus, combien de cailloux te lance-ton encore ! De plus en plus, comme Christ que l'homme continue de crucifier chaque jour. Notre monde est la proie aux deux choses que Sri Ramakrishna disait qu'il fallait éviter : "la femme et l'or", autrement dit "le sexe et l'argent". Il n'y a plus que cela et les hommes sont partis dans une danse effrénée. Jeu divin pourtant ! Danse du bien et du mal, lutte cosmique entre la Lumière et les Ténèbres. Père, ce que tu nous apprends, c'est à passer au-delà pour ne voir cela que comme les pôles plus et moins de l'électricité. Dés que l'un manque, il n'y a plus de courant. Comme si tu t'amusais à brancher la prise ! Pour jouer. Et hop çà danse, çà se tord, jusqu'au moment où l'on débranche sa petite prise personnelle. Alors la mécanique mentale s'arrête.

"Mon Père seul existe", et tout ce que nous percevons ne sont que des phénomènes qui en fait se déroulent au-dedans de nous. Lorsqu'un autre étranger, en 1995, en s'allongeant à tes pieds, te disait : "Je répète le mantra, mais je n'arrive pas à concentrer mon mental", Ta réponse vint aussitôt : "ne vous concentrez pas surle mental, concentrez-vous sur la Conscience".

La dernière fois que je t'ai vu, Père, ton corps gisait, tu ne bougeais pratiquement plus. Et pourtant, Tu m'as accueilli par des paroles d'amour. Même à ce moment, Tu me donnais la bénédiction de pouvoir aérer ton corps avec l'éventail. Ce que Tu demandes : l'abandon et la foi absolue. Tu es sans cesse présent, mais, dans ta forme du Divin Mendiant, allais-tu quitter cette terre qui a tant besoin de Toi ? Lorsque tu as dit : "Mon Père veut que ce mendiant fasse encore un peu de travail dans ce monde", que d'âmes ont du se réjouir !

Tant de choses passent aujourd'hui devant l'écran mental. Des souvenirs d'images, comme cette identification à Jésus lorsque, de dos, tes cheveux blancs émanant de ton turban et tombant sur le haut de ton dos, pieds nus tu entrais dans le hall pour offrir ton darshan aux pèlerins. A Sri Ramakrishna, enfant divin de la Mère, l'enfant divin du Père s'identifie.

Bien peu sur cette terre atteignent la compréhension védantique. Le Vedanta est pour l'homme libre, l'homme universel, au-delà de toutes les limitations, au-delà de toutes les religions qui ne sont, comme le dit Swami Vivekananda, "à leur mieux, que des jardins d'enfants de la Religion". La seule loi existant pour le vedantin est le Vedanta lui-même, à savoir le Sanatana Dharma, la loi cosmique. Il ne raisonne plus en termes de famille, de village, de clan, de religion, de patrie, ni même de planète.

Lorsque l'homme a atteint le Vedanta, alors toutes les lectures cessent, tous les shastras s'arrêtent. Ce que le Vedantin recherche, ce n'est plus la compréhension intellectuelle, qu'il a dépassée, c'est la réalisation effective du "Je suis Cela". Autant peu atteignent le Vedanta et demeurent au niveau des religions ou des systèmes de pensée, autant peu sont à même de ressentir l'immense grandeur, le sommet, d'un guru tel que YOGI RAMSURATKUMAR, incarnation même du Vedanta.

Les hommes ont besoin de signes, de livres, de démonstrations, de miracles, de manifestations de pouvoirs, ce pour croire aveuglément sans chercher à comprendre. Comme avec le Vedanta s'arrêtent les lectures, avec Yogiji s'arrêtent les manifestations. Ce n'est pas qu'il n'y ait pas manifestations, mais celles-ci ne sont jamais publiques, ou elles passent inaperçues comme les manifestations ou les miracles de la Nature. Les manifestations sont du domaine du phénomène. En présence de Yogiji, nous sommes au-delà du phénomène. Aussi celui qui parvient à 'ressentir' Yogiji a passé le stade du besoin de manifestation extérieure, de la dualité sujet-objet. Ici règne le silence de l'Être. Aucun enseignement extérieur, aucun 'vous devez faire ceci', aucune expression de supériorité. Tel Dakshinamurti (il est d'ailleurs particulier que, lors des petits déjeuners dans la hutte, Yogiji ces derniers temps se tournait vers le Sud).

Tout comme le Vedantin ressent Dieu en toutes choses, de même en présence de Yogiji il est en présence de Dieu, au-delà du mental et de ses expressions. L'Essence.

Aussi je dis souvent que Yogi Ramsuratkumar est comme un livre écrit avec de l'encre sympathique. L'immense majorité vient et ne voit guère qu'un mendiant et se demande bien ce qu'il peu y avoir là d' "extraordinaire". Peu se demandent même comment ce mendiant a pu susciter l'édification d'un tel ashram. Ils voient un livre dont toutes les pages sont blanches et repartent déçus. Le révélateur de l'encre sympathique est ce même révélateur qui permet à certains de ressentir le parfum de fleurs qui émane de Yogiji. Le révélateur est au-dedans du coeur. Et alors, pour l'être qui l'a développé en lui, toutes les pages de ce livre apparaissent, le livre du Vedanta, du Sanatana Dharma, de la Loi Cosmique.