Comme j'aurais voulu avoir...

How I wish I had

P.V. Karunakaran

La vie d'un Maître illuminé est une belle visite de la grâce de Dieu qui laisse une trace de béatitude infinie. Son corps, dans un sens, est trompeur. C'est en fait un 'sommet de l'iceberg' qui cache bien plus qu'il ne révèle. Parce que le Guru a un corps, nous avons tendance à Le prendre pour un être humain ami et à Le traiter aussi ainsi, en dépit de ses possibilités surhumaines que l'on aperçoit furtivement ici et là. En le prenant négligemment, nous pensons : 'Oh, Il est là pour qu'on aille le voir quand nous courons dans les problèmes." Mais après qu'Il ait quitté Son corps, nous regrettons amèrement notre contentement de nous-mêmes et nous commençons à prendre conscience que nous avons sous-utilisé Sa grâce divine. Avec un sentiment éternel de perte, nous souhaitons qu'Il fût parmi nous un peu plus longtemps. Nous nous souvenons des heureux moments qui ont été passés avec Lui et nous souhaitons d'y avoir été plus consciemment impliqués. Voici quelques-uns de ces moments que j'aimerais revivre maintes et maintes fois dans ma tête :

Au cours d'une discussion sur des sujets spirituals, un voisin porté sur la spiritualité, Shri M.S. Rangarajan, I.T.S. (retraité), a suggéré qu'il me serait possible de rencontrer Bhagavan Yogi Ramsuratkumar pour le cas où je serais intéressé à voir un maître vraiment illuminé. Aussi, le 15 juin 1983 je frappais à la porte de la simple demeure de Bhagavan dans la Sannadhi street avec 5 paquets de cigarettes en offrande. En réponse à ma frappe timide, le vénérable Maître est apparu derrière la grille fermée et m'a demandé plutôt sévèrement ce que je voulais. J'ai répondu : "Je suis conférencier au Govt. Arts College de Salem et je recherche le darshan de Swami." "Nous sommes occupés, vous pouvez partir", a repoussé le Maître - une réponse totalement inattendue qui a brisé mon ego. Il se peut que les prétentions d'un aspirant spirituel m'aient rendu un peu trop confiant d'avoir un accueil chaleureux de la part du Guru omniscient. Cela m'étant refusé, je me suis senti malheureux et j'ai battu immédiatement en retraite. Incarnation d'amour et de compassion, Bhagavan aurait pu se laisser fléchir et m'avoir fait entrer si j'avais attendu un moment.

Comme je souhaiterais avoir pris mon temps là et passé l'épreuve donnée par le Maître avec patience, sérieux et persévérance.

Pour la visite suivante je n'ai pas eu à attendre longtemps. Elle s'est produite dans la même année le 25 avril. Shri P.K. Dayanand, un collègue, était avec moi, car il était celui qui avait suggéré le pèlerinage à Tiruvannamalai avec l'idée de faire le tout de la sainte colline et ensuite de rencontrer le swami. Le crépuscule tombait quand nous avons frappé à la porte de la demeure de Bhagavan après le Girivalam. Cette fois-ci le grand luminaire spirituel s'est montré assez bienveillant. Après que nous nous soyons présentés, Il a dit : "Vous dites que vous êtes des professeurs, vous pouvez entrer." Une fois à l'intérieur, le Maître nous a demandé de nous asseoir en lui faisant face sur la natte usée étendue pour les visiteurs. Il nous a demandé la matière que nous enseignions. Quand nous lui avons dit que c'était l'anglais, une brève discussion sur les écrits indiens en anglais s'en est suivie, touchant des écrivains comme Tiru Dutt. Puis il m'est arrivé de dire que j'avais été initié dans un système de méditation. Bhagavan a répondu avec force : "Ce mendiant n'a pas de système. Ce mendiant ne connaît que le seul Ramnam, donné par son Guru, Swami Ramdas." Entre temps Swami avait commandé du lait que nous avons tous bu, y compris Son chien. D'autres visiteurs sont entrés. Nous nous sommes prosternés devant Swami et avons pris congé de Lui. Il s'est avéré que cela avait été une rencontre banale sans qu'il y ait rien eu de remarquable pour me pousser à rechercher de nouveau le darshan de Swami. J'ai du attendre 10 longues années pour revoir le Maître, cette fois-ci en réponse à son appel compatissant.

Comme je souhaiterais ne pas avoir perdu ces 10 années de Grâce !

La rencontre suivante, de point de vue spirituel, a été la plus significative. J'ai déjà écrit en détail à ce sujet dans Saranagatam. Elle a eu lieu chez le dévot de Bhagavan, Shri Sundararaman, à l'occasion des fiançailles de son fils, le 31 janvier 1994. Deux semaines plus tôt, j'avais envoyé un ami pour qu'il ait le darshan de Bhagavan, avec une lettre de recommandation adressée à Ma Devaki qui était la collègue de ma femme au Sri Sarada College de Salem. Cela a mené à l'appel providentiel que m'a fait le Maître sous forme d'une lettre écrite à Sa demande par la Ma. La Ma disait que c'était une occasion rare, du fait que Bhagavan demandait rarement à quelqu'un de Lui rendre visite. Il m'était dit que je pouvais venir avec ma famille n'importe quel jour, à l'exception du dimanche. Le jour que j'ai choisi était le 31 janvier qui, en réalité, a été un tournant dans notre vie. Pour raccourcir une longue histoire, lors de cette rencontre providentielle, j'ai tout simplement été emporté par l'intimité silencieuse que le doux Maître construisait subtilement entre nous par une diversité de bénédictions. Permettez-moi de n'en citer qu'une ici. Après la cérémonie et le déjeuner, on amena un oreiller que l'on mit sur la natte sur laquelle Bhagavan était assis, encadré par Ma Devaki et moi. Comprenant que c'était l'heure du repos d'après déjeuner du guru, j'ai essayé de me lever. A ma stupéfaction, Bhagavan m'a demandé de ne pas me lever, a mis l'oreiller sur mes genoux et s'est allongé en y posant Sa tête et en tenant mon pouce droit de ses deux mains comme un bébé. Comme je suis resté assis sas bouger pendant un bon moment, mes jambes se sont engourdies. Aussi, sans perturber le Maître, j'ai essayé d'ajuster doucement mes jambes dans une position plus confortable. Mais le swami compatissant a sentit mon petit inconfort, a pris l'oreiller, l'a mis sur la natte, s'est tourné et a repris Son repos.

Comme je souhaiterais avoir ignore mon inconfort et laisser la tête du dieu se reposer sur mes genoux.

Une autre situation pour laquelle je ressens de la nostalgie a couvert les deux jours du 11 et du 12 novembre 1994. Le 11, ma femme Savitri et moi-même sommes allés à l'Ashram vers 10 heures du matin, nous nous sommes reposés au cottage où demeure la résidente de l'Ashram, Smt. Rajeshvari Amma, puis nous sommes partis au darshan du Maître vers 4 heures de l'après-midi. Mais la voiture qui le transportait ainsi que les soeurs de Sudama est allée directement à la hutte sur le site de la construction. A 18h15, il a été demandé à tous les dévots qui attendaient de se mettre enligne pour le darshan du guru. La voiture s'est lentement avancée vers la grille alors que Bhagavan nous bénissait tous de l'intérieur avec Son Abhayahastha, comme d'habitude. Mais elle s'est arrêtée de manière inattendue et après être passée devant Savitri et moi, Mr Mani, l'homme a tout faire, a couru à la voiture. Le Maître lui a demandé de nous envoyer tous les deux à Sudama quand la voiture reviendrait. Quand r Mani est venu vers nous pour nous le dire, nous n'avons pas pu en croire nos oreilles. Bien, environs 15 minutes plus tard nous nous sommes retrouvé assis aux cotés de Bhagavan à Sudama. Nous étions au septième ciel, quand le Maître a dit à Ma Devaki : "Karunakaran et Savitri ne retournent pas à Salem aujourd'hui. Qu'ils téléphonent à leurs enfants." Quelle abondance spirituelle! Nous avons été les invités de Dieu pendant deux jours et deux nuits !

Comme je souhaiterais, dans la quiétude de ces deux nuits, être resté assis avec la Grâce étendue et avoir essayé de m'imbiber de divinité, au lieu de dormir comme un fou !

Nous étions à l'Ashram le 9 avril 1995 avec notre offrande mensuelle de farine de blé. A la fin du darshan du matin, nous avons demandé à Bhagavan si nous pouvions remettre l'offrande. Le Maître a dit aimablement que nous pouvions l'emmener à Sudama à 15 heures. Lorsque nous y sommes allés à l'heure convenue, Bhagavan et la Ma nous attendaient avec de l'eau de groseille à boire. Au cours de la conversation j'ai demandé au Sadguru la permission de lui masser les pieds. Quand Il a gracieusement donné son consentement, je me suis senti heureux et j'ai commencé à lui masser Ses saints pieds. Ces jours ont été des jours où je n'avais que Bhakti et non Bhayabhakti (dévotion tempérée par le respect). Aussi, d'une veine légère, j'ai demandé au Guru : "Puis-je presser pour faire sortir un peu de divinité du pied de Bhagavan ?" Le grand Maître a soudain pris une attitude grave, comme si c'était pour Lui un défi, et il a dit avec force : "Essayez." Prenant peur, j'ai été effrayé de mon impertinence et j'ai tranquillement continué le massage.

Comme je souhaiterais avoir doucement pressé le gros orteil de Bhagavan et exploré la possibilité d'une expérience mystique qu'Il m'aurait accordée !

Les moments passés avec le Sadguru ont un potentiel infini. Ils continuent de croître à l'intérieur, amenant toute la vie une transformation spirituelle qui conduit à l'épanouissement ultime de l'âme. Il se peut que le fait d'être constamment nostalgique de tels moments heureux avec le Maître soit une manière de se rapprocher de Sa Grâce. Cela continue de nous bénir par des expériences rassurantes qui ne sont que des ressentis de Sa divine présence qui plane sur nous. Gloire à Bhagavan Yogi Ramsuratkumar!


Saranagatam, décembre 2015

 

An enlightened Master's life is a benign visitation of God's grace that leaves a trail of infinite beatitude. His body, in a sense, is deceptive. It is, in fact, a 'tip of the iceberg' that conceals much more than it reveals. Because the Guru has a body, we tend to take Him for a fellow human being and treat Him so too, notwithstanding his superhuman capabilities that are glimpsed now and then. Taking him casually, we think 'Oh, He is there to go to, when we run into problems'. But after He leaves His body, we rue our complacency and begin to realize that we had underutilized His divine grace. With an everlasting sense of loss we wish He were in our midst a little longer. We recall the blissful moments that were spent with Him and wish we were more consciously involved in them. Here are few such moments that I should like to relive over and over again in my mind:

In the course of a chat about spiritual matters, a spiritually inclined neighbour, Shri M.S. Rangarajan, I.T.S. (Retd.), happened to suggest I could meet Bhagavan Yogi Ramsuratkumar, in case I was interested in seeing a really enlightened master. So, on 15 January 1983, I knocked at the door of Bhagavan's simple abode in the Sannidhi street with 5 packets of cigarettes as offering for Him. In response to my timid knock the venerable Master appeared behind the closed grill door and asked me rather sternly what I wanted. I answered, "I am a lecturer from Govt. Arts College, Salem, seeking Swami's darshan." "We are busy; you can go"; rebuffed the Master - a totally unexpected response that busted my ego. Perhaps, the pretensions of a spiritual aspirant had made me a little too hopeful of a warm welcome by the all-knowing Guru. Being denied that, I felt miserable and immediately beat a retreat. An embodiment of love and compassion, Bhagavan might have relented and called me in, if I had waited for a while.

How I wish I had hung around there and passed the test in patience, earnestness and perseverance, given by the Master.

For the net visit I did not have to wait for long. It happened in the same year on the 25th of April. Shri P.K. Dayanand, a colleague, was with me, for he was the one who had suggested the pilgrimage to Tiruvannamalai with the idea of going round the holy hill and them meeting the swami. Dusk was falling, when we knocked at the door of Bhagavan's abode, after Girivalam. This time the great spiritual luminary appeared fairly genial. After we introduced ourselves, He said, "You say you are teachers, you can come in." Once we were in, the Master asked us to sit facing Him, on the worn out mat spread for visitors. He asked us what subject we were teaching. When we said it was English, a brief discussion of Indian writing in English followed, touching upon writers like Tiru Dutt. Then I happened to say that I was initiated into a system of meditation. Bhagavan emphatically responded, "This beggar has no system. This beggar knows lonely Ramnam, given by his Guru, Swami Ramdas." In the meanwhile Swami ordered milk, which all of us drank including His dog. Some more visitors came in. We paid obeisance to Swami and took leave of Him. It turned out to be a commonplace meeting with nothing remarkable happening to prompt me to seek Swami's darshan again. I had to wait for 10 long years to see the Master again, this time at His compassionate call.

How I wish I had not lost those 10 years of Grace!

The next meeting, from the spiritual point of view, was the most significant. I have already written about it in detail in Saranagatam. It took place at Bhagavan's devotee Shri Sundararaman's house, on the occasion of this son's betrothal on 31 Jan. 1994.Two weeks earlier, I had sent a friend for Bhagavan's darshan, with a letter of recommendation addressed to Ma Devaki, who was my wife's colleague at Sri Sarada College, Salem. This led to the Master's providential call to me in the form of a letter written by the Ma at His behest. The Ma had stated that it was a rare opportunity, as Bhagavan seldom called anyone to visit Him. I was told that I could go with my family on any day, except Sunday. The day that I choose happened to be 31st January, which, in fact, marked a turning point in our life. To cut a long story short, at this providential meeting I was simply swept off my feet by the silent intimacy the sweet Master was subtly building up between us by a variety of blessings. Let me mention just one here. After the ceremony and lunch, a pillow was brought and placed on the mat where Bhagavan was sitting, flanked by Ma Devaki and me. Sensing that it was time for the guru's after lunch rest, I tried to get up. To my bewilderment, Bhagavan asked me not to get up, put the pillow on my lap and reclined, resting His head on it and holding my right thumb with both His hands like a baby. As I sat still in that posture for quite a while, my legs were getting benumbed. So without disturbing the Master, I tried to slowly adjust my legs into a more comfortable position. But the compassionate swami sensed my little discomfort, picked up the pillow, placed it on the mat, turned that side and resumed His rest.

How I wished I had ignored my discomfort and let the god's head rest in my lap.

Another situation I feel nostalgic for, covered the two days, 11th and 12th November 1994. On the 11th my wife Savitri and I had gone to the Ashram around 10 A.M. After darshan in the morning, we had a rest at the cottage where the Ashram inmate, Smt. Rajeshvari Amma was staying and then left for the evening darshan of the Master around 4 P.M. But the car carrying Him and the Sudama sisters went straight to the hut in the construction site. At 6.15, all the waiting devotees were asked to line up for the guru's darshan. The car slowly moved towards the gate, as Bhagavan blessed from within all of us with His Abhayahastha as usual. But unexpectedly it stopped, after going past Savitri and me. Mr Mani, the caretaker ran up to the car. The Master instructed him to send both of us to Sudama when the car returned. As Mr Manic came up to us n disclosed this, we could not believe our ears. Well, kin about 15 minutes we found ourselves seated by the side of Bhagavan in Sudama. We were on cloud nine, when the Master told Ma Devaki, "Karunakaran and Savitri are not going back to Salem today. Let them phone their children." What a spiritual bonanza! We were God's guest for two days and two nights!

How I wish, in the stillness of those two nights, I had sat up with the reclining Grace and tried to imbibe divinity, instead of sleeping like a fool!

On 9th April 1995 we were at the Ashram, with our monthly offering of wheat flour. At the end of the morning darshan, we asked Bhagavan whether we could handover the offering. The Master graciously said we could take it to Sudama at 3 P.M. When we went there at the appointed time, Bhagavan and the Ma were waiting for us with gooseberry water for us to drink. In the course of the conversation I asked the Sadguru for permission to stroke His feet. When He graciously gave His consent, I became elated and started stroking His holy feet. Those were days in which I had only bhakti and not Bhayabhakti (devotion tempered with awe). So in a light vein I asked the Guru, "Can I squeeze a little divinity out of Bhagavan's foot?" The great Master suddenly assumed a serious demeanor, as if it were a challenge to Him and emphatically said, "Try". Getting scared, I winced at my impertinence and quietly continued the stroking.

How I wish I had gently squeezed the big toe of Bhagavan and explored the possibility of some mystic experience being given by Him!

The moments spent with the Sadguru have infinite potential. They keep growing within, bringing about lifelong spiritual transformation that leads to the ultimate blossoming of the soul. Perhaps, being constantly nostalgic for such blissful moments with the Master is a way of getting closer to His Grace. It keeps blessing us with reassuring experiences that are but intimations to His divine presence hovering over us. Glory to Bhagavan Yogi Ramsuratkumar!

Saranagatam, December 2015