Swami VIVEKANANDA

LE MESSAGE DE L'INDE AU MONDE

Discours prononcé le 16 janvier 1897 au Floral Hall, Colombo.
C'était sa première conférence publique en Orient.

(Traduction : Gaura Krishna)

 

Quelque petit travail qui ait été fait par moi, il ne l'a pas été à partir de quelque pouvoir inhérent qui réside en moi, mais à partir des acclamations, de la bienveillance, des bénédictions qui ont suivi mon chemin en Occident à partir de cette Terre maternelle, qui est notre terre maternelle très aimée, très sacrée et très chère. Quelque bien a été accompli, aucun doute, en Occident, mais spécialement pour moi; car ce qui était auparavant le résultat d'une nature peut-être émotionnelle, a gagné la certitude de la conviction et atteint la puissance et la force de la démonstration. Autrefois, je pensais comme pense tout Hindu, et comme l'honorable Président vient de vous l'indiquer, que cela est la Punya Bhumi, la terre du Karma. Aujourd'hui je me tiens ici et je dis, avec la conviction de la vérité, qu'il en est ainsi. S'il y a un pays sur cette terre qui puisse clamer être la Punya Bhumi bénie, être le pays vers lequel toutes les âmes sur cette terre doivent venir pour rendre compte de Karma, le pays vers lequel toute âme qui dirige son chemin vers Dieu doit venir pour atteindre sa dernière demeure, le pays où l'humanité a atteint ses sommets en ce qui concerne la douceur, en ce qui concerne la générosité, en ce qui concerne la pureté, en ce qui concerne la tranquillité, par dessus tout le pays de l'introspection et de la spiritualité : c'est l'Inde.

D'ici sont partis les fondateurs de religions depuis les temps les plus anciens, inondant la terre encore et encore des eaux pures et éternelles de la vérité spirituelle. D'ici se sont poursuivis les raz de marée de philosophie qui ont couvert la terre, Orient ou Occident, Nord ou Sud, et d'ici encore doit partir la vague qui est en train de spiritualiser la civilisation matérielle du monde. Ici se trouve l'eau qui donne la vie avec laquelle doit être éteint le feu brûlant du matérialisme qui brûle le centre des coeurs de millions d'êtres dans d'autres pays. Croyez-moi, mes amis, cela est sur le point d'arriver.

J'ai vu tant de choses, et ceux d'entre vous qui étudiez l'histoire des races êtes déjà aussi conscients de ce fait. La dette que le monde a envers notre Terre maternelle est immense. Prenez pays après pays, il n'y a pas une race sur cette terre à laquelle le monde ne doive tant qu'au patient hindu, qu'au doux hindu. "Le doux hindu" est parfois utilisé comme une expression de reproche, mais si jamais un reproche cache une magnifique vérité, c'est dans le terme "le doux hindu" qui a toujours été l'enfant béni de Dieu. Des civilisations se sont levées dans d'autres parties du monde. Dans les temps anciens et dans les temps modernes, de grandes idées sont sorties de races fortes et grandes. Dans les temps anciens et dans les temps modernes, de magnifiques idées ont été portées d'une race à l'autre. Dans les temps anciens et modernes, des semences de grande vérité et de grand pouvoir ont été jetées de tous côtés par les vagues avançantes de la vie nationale; mais remarquez, mes amis, ce fut toujours avec le souffle des trompettes de la guerre, et avec la marche de cohortes rangées en bataille. Chaque idée devait être trempée dans un déluge de sang; chaque idée devait patauger dans le sang de millions de nos frères humains; chaque mot de puissance devait être suivi par les gémissements de millions, par les plaintes d'orphelins, par les pleurs de veuves. Ceci, en général, d'autres nations l'ont appris; mais l'Inde a existé pacifiquement pendant des milliers d'années. Ici l'activité prévalait quand la Grèce n'existait même pas, lorsqu'il n'y avait encore aucune idée de Rome, lorsque les pères mêmes des Européens modernes vivaient dans les forêts et se peignaient bleus. Plus tôt même, alors qu'il n'y a aucun enregistrement de l'histoire et que la tradition ne suppose pas scruter les ténèbres de cet intense passé, depuis cette époque même jusqu'à aujourd'hui, idées après idées en ont émané, mais chaque mot a été dit avec, derrière lui, une bénédiction, et, devant lui, la paix. Nous, de toutes les nations du monde, n'avons jamais été une race conquérante, et cette bénédiction est sur notre tête, et c'est pourquoi nous sommes en vie. Il fut un temps où, au son de la marche des grands bataillons grecs, la terre tremblait. Evanoui de la face de la terre, sans même une histoire derrière elle à raconter, parti est cet ancien pays des Grecs. Il fut un temps où l'Aigle Romain flottait sur tout ce qui est précieux en ce monde; partout le pouvoir de Rome était ressenti et pesait sur la tête de l'humanité; la terre tremblait au nom de Rome. Mais la colline du Capitole est un amas de ruines, l'araignée tisse sa toile où les Césars ont gouverné. Il y eut d'autres nations également glorieuses qui sont venues et qui sont parties, vivant quelques heures de domination exultante et exubérante et d'une affreuse vie nationale, et s'évanouissant ensuite comme des rides sur la face des eaux. Ainsi ces nations ont-elles fait leur marque sur la face de l'humanité. Mais nous vivons, et si Manu revenait aujourd'hui il ne serait pas désorienté, et ne se trouverait pas en pays étranger. Les mêmes lois sont ici, des lois ajustées et imaginées à travers des milliers et des milliers d'années; des coutumes, résultat de la perspicacité d'âges et de l'expérience de siècles, qui semblent être éternelles; et comme les jours s'en vont, comme souffles de malheur après souffles de malheur ont été lâchés sur eux, de telles souffles semblent n'avoir servi qu'un seul but, celui de les rendre plus forts et plus constants. Et pour trouver le centre de tout ceci, le coeur d'où le sang coule, le ressort moteur de la vie nationale, croyez-moi lorsque je dis, d'après mon expérience du monde, qu'il est ici. Pour les autres nations du monde, la religion est l'une des nombreuses occupations de la vie. Il y a la politique, il y a les plaisirs de la vie sociale, il y a tout ce que la richesse peut acheter ou que le pouvoir peut apporter, il y a tout ce qui peut réjouir les sens, et parmi toutes ces occupations de la vie, et toute cette recherche après quelque chose qui peut encore donner un peu plus de stimulation aux sens rassasiés - parmi toutes ces choses, il y a peut-être un petit peu de religion. Mais ici, en Inde, la religion est la seule et unique occupation de la vie. Combien d'entre vous savent qu'il y a eu une guerre Sino-Japonaise ? Très peu d'entre vous, s'il en est. Qu'il y a d'énormes mouvements politiques et mouvements socialistes essayant de transformer la société occidentale, combien d'entre vous le savent ? Très peu en vérité, s'il en est. Mais qu'il y a eu un Parlement des Religions en Amérique, et qu'il y avait un Sannyasi Hindu envoyé là-bas (1), je suis étonné de voir que même le coolie (2) le sait. Cela montre où souffle le vent, où est la vie nationale. J'avais l'habitude de lire des livres écrits par des voyageurs globe-trotters, particulièrement des étrangers, qui déploraient l'ignorance des masses orientales, mais je me suis rendu compte que c'était à la fois partiellement vrai et partiellement faux. Si vous demandez à un laboureur en Angleterre, ou en Amérique, ou en France, ou en Allemagne, à quel parti il appartient, il peut vous dire s'il appartient aux Radicaux ou aux Conservateurs, et pour qui il va voter. En Amérique il vous dira s'il est Républicain ou Démocrate, et il sait même quelque chose sur la question de l'argent. Mais si vous le questionnez à propos de sa religion, il vous dira qu'il va à l'église, et qu'il appartient à une certaine dénomination. C'est tout ce qu'il sait, et il pense que c'est suffisant.

Maintenant, lorsque nous venons en Inde, si vous demandez à l'un de vos laboureurs : "Connaissez-vous quelque chose en politique ?", il vous répondra : "Qu'est-ce que c'est ?". Il ne comprend pas les mouvements socialistes, la relation entre le capital et le travail, et tout cela; il n'a jamais entendu parler de telles choses dans sa vie; il travaille dur et gagne son pain. Mais vous demandez : "Quelle est votre religion ?". Il répond : "Voyez ici, mon ami, je l'ai marquée sur mon front." Il peut vous donner une ou deux bonnes indications en matière de religion. Cela a été mon expérience. Cela est la vie de notre nation. Les individus ont chacun leurs propres singularités, et chaque homme a sa propre méthode de croissance, sa propre vie distincte pour lui, par la vie passée infinie, par son Karma passé comme nous, Hindus, disons; dans ce monde il vient avec tout son passé sur lui, le passé infini précède le présent, et la manière dans laquelle nous utilisons le présent fait l'avenir. Ainsi, chaque être né dans ce monde a une disposition, une direction vers laquelle il doit aller, à travers laquelle il doit vivre, et ce qui est vrai de l'individu l'est également de la race. Chaque race, de la même manière, à une disposition particulière, chaque race à une 'raison d'être' spécifique, chaque race a une mission particulière à remplir dans la vie du monde. Chaque race doit obtenir son propre résultat, remplir sa propre mission. La grandeur politique ou la puissance militaire n'est jamais la mission de notre race, elle ne le fut jamais, et notez mes paroles, elle ne le sera jamais. Mais il y a eu l'autre mission qui nous a été donnée, qui est de conserver, de préserver, d'accumuler, pour ainsi dire, dans une dynamo, toute l'énergie spirituelle de la race, et cette énergie concentrée est à déverser en un déluge sur le monde, toutes les fois que les conditions sont propices. Que les Perses ou les Grecs, les Romains, les Arabes, ou les Anglais fassent marcher leurs bataillons, conquièrent le monde, et lient entre elles les différentes nations, et que la philosophie et la spiritualité de l'Inde soit toujours prêtes à couler le long des canaux nouvellement construits dans les veines des nations du monde. Le calme cerveau hindu verse son propre quota à la somme totale du progrès humain. Le cadeau de l'Inde au monde est la lumière spirituelle.

Ainsi, dans le passé, nous lisons dans l'histoire que toutes les fois qu'une grande nation conquérante s'est élevée, unissant les différentes races du monde, attachant l'Inde avec les autres races, l'arrachant pour ainsi dire à sa solitude et à son attitude distante vis à vis du reste du monde dans lequel elle se jette encore et encore, qu'à chaque fois qu'une telle fonction a été occasionnée, le résultat a été l'inondation du monde par les idées spirituelles indiennes. Au début de ce siècle, Schopenhauer, le grand philosophe allemand, étudiant à partir d'une traduction pas très claire des Vedas faite à partir d'une traduction en persan et de là en latin par un jeune français, dit : "Dans le monde entier, il n'est aucune étude aussi bénéfique et aussi élévatrice que celle des Upanishads. Elle a été la consolation de ma vie, elle sera la consolation de ma mort." Ce grand sage allemand a prédit que "Le monde est sur le point de voir une révolution dans la pensée plus grande et plus puissante que celle dont a été témoin la renaissance de la littérature grecque." Et ses prédictions aujourd'hui sont sur le point d'avoir lieu. Ceux qui gardent les yeux ouverts, ceux qui comprennent les travaux dans le mental des différentes nations de l'Occident, ceux qui sont penseurs et étudient les différentes nations, trouveront le changement immense qui s'est produit dans le ton, dans la procédure, dans les méthodes et dans la littérature du monde par cette lente et incessante imprégnation de la pensée Indienne. Mais il y a une autre particularité, comme je vous l'ai déjà laissé entendre. Nous n'avons jamais prêché nos idées par le feu et par l'épée. S'il y a un mot dans la langue anglaise pour représenter le cadeau de l'Inde au monde, s'il y a un mot dans la langue anglaise pour exprimer l'effet que la littérature de l'Inde produit sur le genre humain, c'est ce seul mot : "fascination". C'est l'opposé de tout ce qui vous prend soudainement; elle jette sur vous, pour ainsi dire, un charme de manière imperceptible. Pour beaucoup, la pensée Indienne, les manières Indiennes, les coutumes Indiennes, la philosophie Indienne, la littérature Indienne, sont repoussantes à première vue, mais qu'ils persévèrent, qu'ils lisent, qu'ils deviennent familiers avec les grands principes qui servent de base à ces idées, et c'est quatre vingt dix neuf contre un que le charme viendra sur eux, et la fascination sera le résultat. Lent et silencieux, comme la douce rosée qui tombe le matin, non vue et non entendue, et pourtant produisant un résultat très extraordinaire, a été le travail de cette race spirituelle calme, patiente, supportant tout, sur le monde de la pensée.

Une fois de plus, l'histoire est sur le point de se répéter. Car aujourd'hui, sous la lumière critique de la science moderne, quand des croyances anciennes et apparemment fortes et invulnérables ont été renversées de leurs propres fondations, quand des prétentions spéciales ayant amené le monde à obéir à différentes sectes ont toutes explosé en atomes et ont disparu dans l'air - quand les coups de massue des recherches antiques modernes pulvérisant comme des tas de porcelaine toutes sortes d'orthodoxies désuètes - quand la religion en Occident est uniquement entre les mains des ignorants, et que ceux qui savent baissent les yeux avec dédain sur tout ce qui appartient à la religion, voici que vient sur le devant la philosophie de l'Inde, qui expose les plus hautes aspirations religieuses de l'esprit indien, où les plus grands faits philosophiques ont été la spiritualité pratique des gens. Ceci vient naturellement à la rescousse, l'idée de l'unité de tout, l'Infini, l'idée de l'Impersonnel, l'idée merveilleuse de l'âme éternelle de l'homme, de la continuité ininterrompue dans la marche des êtres, et l'infinité de l'univers. Les vieilles sectes considéraient le monde comme une petite marre de boue, et pensaient que le temps n'avait commencé que l'autre jour. C'était là dans nos vieux livres, et seulement là que la grande idée de l'échelle infinie du temps, de l'espace et de la causation, et par-dessus tout, la gloire infinie de l'esprit de l'homme contenaient toute la recherche de religion. Lorsque les formidables théories modernes de l'évolution et de la conservation de l'énergie, etc. sont en train de donner des coups mortels à toutes sortes de théologies grossières, qu'est-ce qui peut tenir plus longtemps l'obéissance de l'humanité cultivée si ce ne sont les idées les plus merveilleuses, convaincantes, élargissantes et ennoblissantes, qui ne peuvent être trouvées que dans ce produit le plus merveilleux de l'âme de l'homme, la merveilleuse voix de Dieu, le Vedanta.

En même temps, je dois remarquer que ce que j'entends par 'notre religion qui travaille sur les nations à l'extérieur de l'Inde', ne comprend que les principes, l'arrière-plan, la fondation sur laquelle cette religion est construite. Les travaux détaillés, les points minuscules qui ont été élaborés à travers des siècles de nécessité sociale, les petites ratiocinations sur les manières, les coutumes et le bien-être social, ne trouvent véritablement pas place dans la catégorie de la religion. Nous savons que dans nos livres existe une claire distinction entre deux ensembles de vérités. Le premier ensemble est celui de ce qui demeure toujours, étant construit sur la nature de l'homme, la nature de l'âme, la relation de l'âme à Dieu, la nature de Dieu, la perfection, etc..; il y a aussi les principes de la cosmologie, de l'infinitude de la création, ou plus exactement - la projection, la loi merveilleuse de la procession cyclique, etc. - ce sont les principes éternels fondés sur les lois universelles par nature. L'autre ensemble comprend les lois mineures qui guident le travail de notre vie quotidienne. Elles appartiennent plus proprement aux Puranas, aux Smritis, et non aux Srutis. Elles n'ont rien à faire avec les autres principes. Même dans notre propre nation ces lois mineures ont été changées tout le temps. Les coutumes d'un âge, ou d'un Yuga, n'ont pas été les coutumes de l'autre, et comme un Yuga vient après un Yuga, elles devront aussi changer. De grands Rishis apparaîtront et nous conduiront à des coutumes et à des manières faites pour de nouveaux environnements.

Les grands principes servant de base à toute cette vue merveilleuse, infinie, ennoblissante, expansive, de l'homme, de Dieu et du monde, ont été produits en Inde. Il n'y a qu'en Inde où l'homme ne s'est pas levé pour combattre pour un petit Dieu tribal en disant : "Mon Dieu est vrai et le vôtre n'est pas vrai : ayons une bonne bataille là-dessus." Il n'y a qu'ici que de telles idées ne sont pas apparues, comme celle de combattre pour de petits dieux. Ces grands principes sous-jacents étant basés sur la nature éternelle de l'homme sont aussi puissants aujourd'hui pour travailler au bien de la race humaine qu'ils l'étaient il y a des milliers d'années, et ils le demeureront aussi longtemps que cette terre demeure, aussi longtemps que la loi du Karma demeure, aussi longtemps que nous naissons comme individus et devons élaborer notre propre destinée par notre pouvoir individuel.

Et par-dessus tout, ce que l'Inde a à donner au monde est ceci : Si nous regardons la croissance et le développement des religions dans les différentes races, nous voyons toujours que chaque tribu au début a son propre dieu. Si ces tribus s'allient les unes aux autres, ces dieux ont un nom générique, comme par exemple tous les dieux babyloniens. Lorsque les Babyloniens se divisèrent en plusieurs races, il avaient le nom générique de Baal, tout comme les races Juives avaient différents dieux portant le nom commun de Moloch; et on trouve en même temps que l'une de ces tribus devient supérieure au reste, et réclame que son roi soit le roi de tous. Il s'ensuit naturellement qu'elle veut préserver son propre dieu comme le dieu de toutes les races. Baal-Merodach, disaient les Babyloniens, était le plus grand dieu; tous les autres étaient inférieurs. Moloch-Yavah était supérieur à tous les autres Molochs; et ces questions devaient être tranchées par les fortunes de la bataille. Il y a eu la même lutte ici aussi. En Inde les mêmes dieux en concurrence ont lutté les uns les autres pour la suprématie, mais la grande bonne fortune de ce pays et du monde fut qu'au milieu du tapage et de la confusion sortit une voix qui déclara ,da lf}çk gcqèkk onfUr - "Ce qui existe est Un, les sages L'appellent de noms divers". Ce n'est pas que Shiva est supérieur à Vishnu, ni que Vishnu est tout et que Shiva n'est rien, mais c'est le même que vous appelez ou Shiva ou Vishnu, ou par une centaines d'autres noms. Les noms sont différents mais c'est le même. Vous pouvez lire l'histoire entière de l'Inde dans ces quelques mots. L'histoire entière a été une répétition dans un langage énorme, d'une puissance formidable, de cette unique doctrine centrale. Elle fut répétée dans le pays jusqu'à ce qu'elle soit entrée dans le sang de la nation, jusqu'à ce qu'elle commence à vibrer avec chaque goutte de sang coulant dans ses veines, jusqu'à ce qu'elle devienne une avec la vie, partie et portion de la matière dont elle était composée, et ainsi le pays fut transmué en le plus merveilleux pays de tolérance, donnant le droit d'accueillir les diverses religions aussi bien que toutes les sectes dans le vieux pays-mère.

Et ici est l'explication du phénomène le plus remarquable dont on ne peut témoigner qu'ici, toutes les diverses sectes, apparemment désespérément contradictoires, vivant pourtant dans une telle harmonie. Vous pouvez être dualiste, et je puis être moniste. Vous pouvez croire que vous êtes le serviteur éternel de Dieu et je peux déclarer que je suis un avec Dieu Lui-Même; pourtant nous sommes de bons Hindus tous les deux. Comme cela est-il possible : Lisez alors ,da lf}çk gcqèkk onfUr - "Ce qui existe est Un; les sages l'appellent de noms divers." Par-dessus toutes les autres, mes compatriotes, ceci est la seule grande vérité que nous devons apprendre au monde. Même les gens les plus éduqués dans les autres pays se retroussent le nez à un angle de quarante cinq degrés et appellent notre religion idolâtrie. J'ai vu cela, et ils n'ont jamais pensé à la masse de superstition qu'il y avait dans leurs propres têtes. C'est si calme partout, ce formidable sectarisme, la basse étroitesse d'esprit. La chose qu'un homme a est la seule chose qu'il vaille d'avoir; la seule vie qu'il vaille de vivre est sa propre petite vie d'adoration du dollar et d'adoration de Mammon; la seule petite possession qu'il vaille d'avoir est sa propre propriété, et rien d'autre. Si je peux fabriquer une petite bêtise en argile ou inventer une machine, cela sera admiré au-delà des plus grandes possessions. C'est le cas partout dans le monde, malgré l'éducation et l'instruction. Mais l'éducation a encore à venir dans le monde, et la civilisation - la civilisation n'a encore commencé nulle part, quatre vint dix neuf virgule neuf pour cent de la race humaine sont plus ou moins des sauvages, même maintenant. Nous pouvons lire ces choses dans les livres, et nous entendons parler de tolérance en religion tout çà, mais il y a encore très peu de cela dans le monde; prenez mon expérience : quatre vingt dix neuf pour cent n'y pensent même pas. Il y a encore une formidable persécution religieuse dans chaque pays où je suis allé, et les mêmes vieilles objections sont levées contre le fait d'apprendre quelque chose de nouveau. La petite tolérance qui existe dans le monde, la petite sympathie qui existe encore dans le monde pour la pensée religieuse, se trouve ici, dans le pays des Aryas, et nulle part ailleurs. C'est ici que les Indiens ont construit des temples pour les Musulmans et les Chrétiens, nulle part ailleurs. Si vous allez dans les autres pays et demandez aux Mahométans ou aux gens d'autres religions de construire un temple pour vous, voyez comment ils aideront. Ils essaieront plutôt de démolir votre temple et vous avec, s'ils le peuvent. C'est pourquoi la seule grande leçon que le monde veut, que le monde a encore à apprendre de l'Inde, c'est l'idée non seulement de tolérance, mais de sympathie. Il a été bien dit dans le Mahimmah-Stotram : "Comme les différentes rivières, qui prennent leur départ de différentes montagnes, courant en droite ligne ou de manière tortueuse, parviennent à la fin à l'océan, de même, O Shiva, les différents chemins que les hommes prennent selon différentes tendances, quoiqu'ils paraissent divers, sinueux ou droits, tous mènent à Toi." Bien qu'ils puissent prendre des routes différentes, tous sont sur le chemin. Certains peuvent aller un peu tortueusement, d'autres peuvent aller droit, mais à la fin, il viendront tous au Seigneur, l'Un. Votre Bhakti de Shiva n'est complète que quand et seulement quand vous Le voyez non seulement dans le Linga, mais partout. C'est le sage, c'est l'amoureux de Hari, celui qui voit Hari en toute chose et en chacun. Si vous êtes un véritable amoureux de Shiva, vous devez Le voir en toute chose et en tout être. Vous devez voir que toute adoration Lui est donnée, quels que soient le nom ou la forme, vous devez voir que tous les genoux qui se courbent vers la Kaaba, ou qui s'agenouillent dans une Eglise Chrétienne, ou dans un Temple Buddhiste, s'agenouillent devant Lui, qu'ils le sachent ou non, qu'ils en soient conscients ou non; qu'en quelque nom ou forme qu'ils les offrent, toutes ces fleurs sont déposées à Ses pieds, car Il est le Seigneur de tous, l'Âme unique de toutes les âmes. Il sait infiniment mieux ce que veut ce monde que vous ou moi. Il est impossible que toute différence puisse cesser, elle doit exister; sans variation la vie doit cesser. C'est cet affrontement, la différenciation de pensée, qui contribue à la lumière, au mouvement, à tout. La différenciation, infiniment contradictoire, doit demeurer, aussi n'est-il pas nécessaire de nous haïr les uns les autres. Aussi n'est-il pas nécessaire de nous combattre les uns les autres. Nous avons ainsi encore à apprendre l'unique vérité centrale qui ne fut prêchée qu'ici, dans notre mère patrie, et qui doit être une fois de plus prêchée à partir de l'Inde. Pourquoi ? Parce qu'elle est non seulement dans nos livres, mais parce qu'elle court à travers chaque phase de notre littérature nationale, et qu'elle est dans la vie nationale. Ici et ici seulement, elle est pratiquée tous les jours, et tout homme dont les yeux sont ouverts peut voir qu'elle est pratiquée ici et seulement ici. Nous devons ainsi enseigner la religion. Il y a d'autres et de plus hautes leçons que l'Inde peut enseigner, mais elles ne sont que pour ceux qui sont instruits. Les leçons de clémence, de douceur, de patience, de tolérance, de sympathie, et de fraternité, chacun peut les apprendre, qu'il soit homme, femme ou enfant, instruit ou non instruit, sans considération de race, de caste ou de croyance. "Ils te nomment de noms divers, Tu es Un".