YOGA VASISHTHA
MAHARAMAYANA

(Traduction française : Gaura Krishna)

 

LIVRE I

 

CHAPITRE 16

DE L'INGOUVERNABILITE DU MENTAL

1.- Notre mental est infesté de mauvaises passions et de fautes et il varie dans l'observance du devoir et du service envers les supérieurs, comme les plumes d'un paon volettent sous la brise.

2.- Il vagabonde au hasard avec ardeur et sans repos d'un endroit à un autre, comme le pauvre chien du village court de tous côtés en quête de nourriture.

3.- Il trouve rarement quelque chose quelque part, et si même il lui arrive d'avoir un bon approvisionnement quelque part, il en est aussi peut content qu'un bateau d'osier empli avec de l'eau.

4.- Le mental vide, ô sage, est toujours pris au piège de ses mauvais désirs et il n'est jamais au repos avec lui-même; mais il vagabonde en liberté comme un cerf égaré séparé de son troupeau.

5.- Le mental humain est de la nature de la vague instable et il est aussi léger que la particule la plus minuscule. C'est pourquoi il ne peut avoir aucun repos en dépit de sa nature.

6.- Perturbé par ses pensées, le mental est lancé dans toutes les directions comme les eaux de l'océan de lait lorsqu'il fut baratté par le mont Mandara.

7.- Je ne peux maîtriser mon mental, qui ressemble au vaste océan qui court avec ses grandes houles, ses tourbillons et qui est assailli par les baleines de l'illusion.

8.- Notre mental court au loin, ô brahmane, après les plaisirs sensuels, comme le cerf qui court vers les tendres brins d'herbe sans penser qu'il peut tomber dans une fosse.

9.- Le mental ne peut jamais se débarrasser de son état vacillant qui est du à l'inconstance habituelle de sa nature qui ressemble à l'agitation de la mer.

10.- Avec son inconstance naturelle et ses pensées agitées, le mental ne trouve nulle part de repos, comme un lion dans sa cage.

11.- Le mental, assis dans le char de l'illusion, absorbe le repos doux, paisible et imperturbé du corps, comme le jars aspirant le lait pur du milieu de l'eau.

12.- Ô chef des sages, je m'afflige beaucoup de voir les facultés du mental rester endormies sur le lit de délices imaginaires dont il est difficile de se réveiller.

13.- Ô brahmane, je suis pris comme un oiseau dans le filet par les noeuds (de l'égoïsme), et j'y suis maintenu par la corde de mon avarice.

14.- Je brûle en mon esprit, ô brahmane, comme le foin fâné sur le feu, par la flamme de mes inquiétudes et sous les fumées qui se répandent de mon égoïsme.

15.- Ô brahmane, je suis dévoré comme un morceau de viande froide par la cruauté et l'avidité de mon coeur, comme une carcasse est avalée par un chien affamé et sa cupide femelle.

16.- Ô sage, je suis emporté par le courant de mon coeur, comme un arbre sur la rive est emporté par les eaux et les vagues qui le fouettent.

17.- Je suis emmené par mon mental, comme une paille emportée par l'ouragan, soit pour flotter dans l'air soit pour s'abattre sur le sol.

18.- Ma mentalité terrestre a mis un arrêt à mon désir de traverser l'océan du monde, comme un banc de sable arrête la course des eaux.

19.- Je suis élevé et rabaissé par la bassesse de mon coeur, comme un rondin de bois attaché à une corde la fait descendre et remonter d'un puits.

20.- Comme un enfant est saisi par la fausse apparition d'un démon, je me trouve dans la poigne de mon mental mauvais qui présente les faussetés comme vraies.

21.- Il est dur de maîtriser le mental qui est plus chaud que le feu, plus inaccessible qu'une montagne et plus fort qu'un coup de foudre.

22.- Le mental est attiré par ses objets comme un oiseau par sa proie, et pas un seul moment il n'a de repos, comme un garçon avec son jeu.

23.- Mon mental qui ressemble à la mer, à la fois dans sa lourdeur et dans son agitation, dans son étendue et dans son ampleur avec des tourbillons et des dragons, m'empêche d'avancer vers elle.
24.- Il est plus difficile de maîtriser le mental que d'avaler l'océan ou de renverser le Mont Sumeru.. C'est toujours plus difficile que la chose la plus difficile.

25.- Le mental est la cause de tous les efforts et le sensorium des trois mondes. Sa faiblesse affaiblit tout matérialisme, et requiert d'être corrigée avec soin.

26.- C'est du mental que s'élèvent nos peines et nos plaisirs par centaines, comme les bois qui croissent en groupes sur une colline; mais dès que le scythe de la raison (buddhi) s'applique à eux, ils tombent un à un.

27.- Je suis prêt à maîtriser mon mental qui est en ce monde mon ennemi le plus grand, dans le but de maîtriser toutes les vertus que les sages disent dépendre de cette maîtrise. Mon manque de désirs m'a rendu adverse à la richesse et aux plaisirs grossiers qu'elle donne et qui sont comme des teintes de nuage qui colorent la lune.