La méditation
La voie de Ramana


Swami Hamsananda

 

Swami HAMSANANDA répond à la question suivante : Je voudrais vous demander en quoi nous avons besoin de la méditation ? Pourquoi nous est-il si nécessaire de méditer et comment pouvons-nous atteindre un métat de méditation ?

La réponse de Swamiji paraîtra en deux parties, la seconde sera donnée dans le prochain numéro de RAMA NAMA.

 

Vous êtes le bienvenu à Arunachala et à l'Athiti Ashram. C'est très pertinent de poser des questions sur la méditation, car la méditation est en en effet une partie de la vie. Pour vivre une vie harmonieuse, paisible, pleine d'amour et de compréhension, la méditation est essentielle. Pour être un bon père ou un bon fils, un bon mari ou une bonne épouse, pour se relier au monde de manière harmonieuse, que ce soit à la maison ou au bureau, la méditation est essentielle. La méditation n'est pas une chose à reléguer à un moment particulier de la journée, quoiqu'il n'y ait rien de mal à la pratiquer dans une posture confortable à un moment particulier. La méditation transcende le temps. La méditation est comme le flot perpétuel d'un fleuve. Tout comme le fleuve se perd lui-même pour s'unir au vaste océan, de même aussi le mental méditatif perd-il son individualité pour être absorbé dans le Soi éternel. De la même manière que la fleur transporte le parfum, dans la méditation le silence répand son arôme divin.

Vous êtes venu à Arunachala. Arunachala est Shiva Lui-même. Ici le Seigneur Shiva a choisi de S'identifier à la montagne. C'est la montagne la plus ancienne et la plus sacrée qui existe sur terre. Des rapports d'étude géologique disent que la montagne a plus de 2.500 millions d'années. De fait, lorsqu'il y a quelques années un groupe de géologues américains préleva des échantillons de rocher de la montagne, ils découvrirent que cette colline s'était formée en même temps que la croûte terrestre. Depuis des temps immémoriaux, des cherchants, des saints et des sages ont été attirés par Arunachala à partir de tous les coins et recoins du monde. Ramana Maharshi, que tout le monde appelle affectueusement Bhagavan, est l'un de ces sages qui fut attiré par Arunachala. De la même manière que vous êtes venu ici, les gens continuent de venir à Arunachala pour en savoir plus sur les valeurs supérieures de la vie.

Bhagavan Sri Ramana Maharshi, le sage silencieux, a vécu ici pendant 54 ans, de 1896 à 1950. Bien qu'il ait quitté son corps en 1950, les fervents ressentent toujours Sa présence continuelle qui les guide silencieusement lors de la méditation. Dans de rares cas, il est dit que Ramana se manifeste même physiquement pour donner des instructions aux gens, où qu'ils soient. Ramana est né il y a 119 ans à Tiruchuzhi, au Tamil Nadu, à 50 kilomètres de Madurai. Dès sa tendre enfance, Arunachala brillait en lui de manière resplendissante, quoiqu'il ne soit pas conscient de sa signification. C'était un garçon normal, en bonne santé, qui allait à l'école. Tout à coup, un jour, alors qu'il avait seize ans, la peur de la mort s'empara de lui. Ce n'était pas une simple idée car il ressentit la mort qui le maîtrisait. Il s'étendit mais ne fut pas effrayé. Il ne rechercha ni aide médicale ni support émotionnel mais il voulait voir ce que la mort signifiait. Il était entièrement conscient et éveillé et dans cette conscience il sentit qu'à part le corps et le mental il y avait le Soi, le coeur de Son Être, qui n'était pas touché par la mort et il réalisa que le Soi était la seule Réalité existante. Une expérience aussi élevée est mieux expliquée par les paroles sonnantes et immortelles de Shakespeare : "LA MORT VINT A LUI POUR MOURIR ET, LA MORT ETANT MORTE, IL N'Y A PLUS DE MORT (fait de mourir)". Ainsi, en un clin d'oeil, il transcenda toutes les limitations du corps et s'établit dans le Soi. Depuis lors l'écolier Venkatraman perdit tout intérêt aux études et s'asseyait souvent les yeux fermés au monde pour entrer dans le Soi. Voyant cette indifférence envers les études, son frère aîné remarqua un jour de manière caustique : "Quelle est l'utilité de tout cela pour un tel être ?". Le garçon en comprit le sens et, entendant l'appel d'Arunachala, il quitta la maison une fois pour toutes.

En arrivant à Arunachala, il entra dans le temple et s'asseya dans un endroit retiré, totalement absorbé dans le Soi sans prêter attention au corps. Il était tout à fait satisfait, tout à fait heureux de l'expérience qui le soutenait et il vivait sans eau ni pain ni toit. Il permettait au corps d'être miné par les vers, les moustiques et autres insectes, son visage resplendissait cependant, révélant qu'on ne vit pas seulement de pain mais que l'on peut vivre de l'Esprit. Tout comme les abeilles vont à la recherche du miel, de même les cherchants qui désiraient la paix venaient à lui non seulement de l'Inde mais aussi de tous les coins et recoins du monde. Bien qu'il ne parlât guère, les cherchants se sentaient totalement en paix en s'asseyant simplement en Sa Présence. Tout comme un homme brûlé par le soleil se repose à l'ombre d'un arbre, les gens brûlés par le monde illusoire Le recherchaient et se sentaient immédiatement en paix. Il n'avaient aucun besoin de le questionner sur la méditation car en Sa Présence la méditation venait à eux de manière spontanée et sans aucun effort.

Bhagavan Sri Ramana Maharshi est une incarnation de la méditation. Tout comme le parfum émane de la fleur, le parfum de la spiritualité émanait du Maharshi. Des cherchants venaient de l'Occident avec un questionnaire méticuleusement préparé, mais la plupart du temps ils ne posaient pas leurs questions car en Sa silencieuse présence méditative, ils sentaient la futilité de poser des questions au lieu de trouver des réponses pour eux.

Le Dr Paul Burnton, un journaliste de Londres, rencontra Ramana Maharshi au début des années 30. Sa première impression ne fut pas très positive et il pensa même : "Cet homme ne pose-t-il pas simplement pour le bien de Ses dévots ?". Il ressentit que le Maharshi était tout à fait indifférent à lui. Mais petit à petit, au fur et à mesure que le temps passait, quand toutes les pensées initiales dans le substratum commencèrent à disparaître sans laisser de traces, il sentit qu'un changement silencieux apparaissait dans son mental. Avec le temps, il ressentit une paix profonde et il prit bientôt conscience de la futilité des questions qu'il avait un moment considérées comme importantes et qui l'avaient amené en Inde et à Bhagavan. Etrangement, il commença à ressentir la manière dont le mental crée ses propres problèmes et combien il en crée plus encore en essayant de les résoudre. C'est ainsi qu'enseignait Ramana. Il parlait peu. Mais sa vie même parlait par le Silence.

Ramana enseignait par 'anubhavam', il enseignait par l'expérience directe. Au lieu de dire ce qu'était la méditation, Ramana Maharshi faisait prendre conscience aux gens que la méditation a lieu par une expérience directe avec le pouvoir du Silence. Cette expérience arrive au cherchant par la Grâce du Maître et pour demeurer dans cet état sans interruption, il est nécessaire de pratiquer ou la voie de l'Enquête sur le Soi ou l'Abandon comme l'enseignait Bhagavan.

Ce qui est si unique à propos du Maharshi est que, bien qu'il enseignât par le Silence, bien qu'il amenât les cherchants à faire directement l'expérience de la Vérité, lorsque quelqu'un ne pouvait pas capter la longueur d'onde du Silence et continuait à poser des questions, il répondait à ces questions. Un cherchant se considère en général comme un être ignorant et part à la recherche d'un Maître pour se racheter. Le cherchant considère le Maître comme un être Illuminé tout en se conditionnant à un état d'ignorance. Tel est le point de vue du cherchant, et comment le Maître considère-t-il cela ? Le Maître dit : "Je vois dans les autres ce que je vois en Moi." Le Maître refuse ainsi d'admettre que le cherchant soit un être ignorant. Il le considère comme rien d'autre que le Soi. Le maître conseille au cherchant de ne pas se conditionner comme un ignorant. Ne voyez pas que le corps, le mental et l'intellect pour parvenir à une conclusion. Cela n'est qu'un côté de la pièce. Voyez aussi l'autre côté et vous réaliserez le Soi existant par lui-même. Ainsi la Vérité qui réside à l'intérieur du Maître comme le Soi est-elle aussi au-dedans du cherchant. Comment réaliser cette Vérité ? C'est ici que le Maître assure, en parlant à partir de sa propre expérience directe, que le Soi étant le substratum est la seule Réalité existante, alors que le corps, le mental et l'intellect sont semblables à des bulles à la surface. Alors allez au-delà de cela et réalisez la Vérité.

Ramana prescrit-il une technique ? Il dit que la Vérité est en chacun de nous et que tout le monde plonge tous les jours dans le Soi pendant le sommeil. Le trait unique de Ramana Maharshi est qu'il réalisa la Vérité sans l'aide des Ecritures ni celle d'un Maître. Aussi ne conseille-t-il pas l'étude des écritures. A la place, il nous indique la Vérité en nous et cela aussi par notre expérience quotidienne du sommeil. Ramana avait l'habitude de dire que chacun est un Jnani dans le sommeil profond, alors qu'il se sent ignorant à l'état de veille, cela du fait d'une identification erronnée avec le corps et le mental. A partir de notre propre expérience directe du sommeil profond, Ramana Maharshi a exposé la Vérité. Aussi, pour comprendre l'enseignement de Ramana Maharshi, nousn'avons pas besoin de connaître quoi que ce soit. Le sommeil est une expérience commune à tous. S'il y a une chose dans l'univers que tout le monde accepte comme la même expérience pour tous, c'est l'état de sommeil profond. Qu'il soit saint ou pécheur, qu'il soit riche ou pauvre, qu'il soit chrétien, hindou ou musulman, chacun passe quotidiennement par cette expérience commune et jouit du même bonheur. Bhagavan ne fait pas de différence entre la méditation et le sommeil. Allons-nous demander à quelqu'un : "Monsieur, pouvez-vous m'enseigner comment dormir ?" Non. De la même manière, il n'est nul besoin d'aller demander à quelqu'un : "Comment méditer ?" Faites-vous une puja, pratiquez-vous le japa ou dhyana pour aller dormir ? Non. De la même manière, vous n'avez pas besoin de les pratiquer pour pouvoir méditer. Pour vous endormir, vous n'avez même pas besoin d'y penser, de même pour méditer vous n'avez pas besoin d'y penser. C'est une expérience sans-pensée.

Dormir n'est pas une action que l'on effectue par volonté. On ne peut saisir le moment où l'on entre en sommeil. On ne peut l'inviter. Il vient de lui-même. Le fait même que nous soyons impuissant et transporté par lui révèle que dans le sommeil un pouvoir plus élevé intervient. Le sommeil vient quelquefois à nous alors même que nous n'y pensons pas du tout. La méditation est un cas semblable. Elle transcende le temps. Vous ne pouvez l'inviter. Elle vient d'elle-même et implique un pouvoir plus élevé, à savoir la Grâce. De la même manière que vous avez accepté le sommeil, de la même manière que vous dédiez inconditionnellement au sommeil, de la même manière que vous avez refusé d'accepter le bonheur qui vient du monde et avez recherché uniquement le bonheur du sommeil, acceptez la méditation, rendez vous à la méditation dans un abandon total et vous réaliserez que le même pouvoir qui s'est emparé de vous pour dormir peut aussi s'emparer de vous pour la méditation. Généralement, nous ne savons pas ou n'avons pas conscience du processus de sommeil, car nous y succombons. L'ego est impuissant face à lui. Un homme qui peut de manière égoïste se vanter de pouvoir faire ceci ou cela, si on lui demande de s'endormir instantanément ou de saisir le moment du sommeil prendra conscience de son impuissance et acceptera l'existence d'un Pouvoir plus grand tout en étant ignorant de sa nature. Naissance et mort sont semblable à l'état de veille et à l'état de sommeil. Avec la naissance, la mort naît aussi et avec la vie la mort existe aussi et on ne peut les séparer. Dans le sommeil, nous mourons quotidiennement et pourtant, à la fin, nous avons peur de la mort. Nous avons attaché trop d'attention à la naissance, à la vie et à l'état de veille et ne faisons pas assez attention à leurs contraires, à savoir la mort et le sommeil. Tous ces états ont leur origine dans le Soi et dans le pouvoir mystérieux du Soi. Ce pouvoir n'est pas séparé du Soi. C'est ce pouvoir qui nous mène tous les jours vers le Coeur, le siège du Soi au moment du sommeil. Nous y succombons et plongeons inconsciemment dans le Soi de manière ignorante et c'est pourquoi nous ne sommes pas conscients du processus. Dans la méditation, nous sommes conscients, vigilants, avons connaissance. Nous invoquons le pouvoir de la Grâce et attendons ardemment qu'elle se manifeste. Lorsqu'elle se manifeste, nous nous abandonnons entièrement et la Grâce nous guide jusqu'au Coeur, jusqu'au siège du Soi en toute Conscience et nous sommes éclairés.

Recherchez exclusivement le Soi. Le Soi existe comme Sat-Chit-Ananda (Existence-Conscience-Béatitude). Le Soi existe en tant que "Je suis Conscience" et il est pur. Ramana avait l'habitude de dire que le 'Je' est le premier nom de Dieu et qu'il est en nous comme le coeur de notre être et qu'en tant que tel personne n'était ignorant. Asseyez-vous silencieusement sans rien faire tout en restant vigilant et conscient et réalisez que le 'Je suis Conscience' dépourvu de pensée est la Vérité. Si nous sommes vigilants et attentifs, nous pouvons sans effort empêcher le mental d'être extraverti. Ainsi, lorsque nous réfléchissons sur le 'Je', nous dénudons le Je des pensées. Ainsi, le 'Je', libéré de l'étreinte des pensées, ne peut ni aller vers le monde ni exister dans le cerveau ni aller de lui-même au-dedans à la recherche du Soi. C'est à ce moment que le Maître qui est au-dehors pousse le 'Je' à l'intérieur et que le Maître qui est au-dedans tire le 'Je'. Il est important qu'à ce stade nous nous abandonnions entièrement à ce pouvoir silencieux de la Grâce. Cet abandon est vital et important. La méditation nous arrive par la Grâce et nous devons être assez sages pour l'accepter de plein gré. Mais si nous ne sommes pas dotés de calme et de discrimination, nous pouvons avoir peur et réagir et par là manquer l'illumination au mêment-même où nous l'atteignons, car la méditation ou la Grâce ne se forcent pas elles-mêmes. Aussi est-il très important de reconnaître la Grâce et de s'y abandonner au moment opportun et obtenir la Connaissance du Soi.

 

Ainsi, par la grâce du Maître qui est en nous comme le Soi, la Vérité nous est révélée et nous demeurons en tant que Soi. Ce qui se passe alors, c'est que notre mental perd son individualité et la partie devient le tout. Un tel mental fonctionne différemment et il commence à percevoir les choses sans les colorer, sans les distordre et sans y réagir. Une fois que nous avons l'expérience du Soi, nous savons que le Soi est la seule Réalité existante. Nous ne regardons plus les gens comme différents de nous. Nous réalisons que le même Soi qui est en nous est aussi en chacun d'autre. Les différences ne sont qu'apparentes. Elles ne sont pas la Vérité. Ainsi, lorsque nous voyons l'unité dans toute la création, nous sommes naturellement en harmonie avec elle. Ainsi, en nous harmonisant au Soi, au Silence, nous pouvons aussi fonctionner de manière plus efficace, plus harmonieuse, plus paisible et avec une meilleure compréhension. Le silence apporte un sens à la vie, et il apporte un sens à notre relation à la vie.

Comment s'harmoniser avec le Soi, avec le "Je suis Conscience" ? Ramana explique comment s'harmoniser à lui par des analogies simples. Il avait l'habitude de donner l'exemple d'un concert de musique classique carnatique. Sur la scène, celui qui joue le tampura (instrument à cordes) s'installe derrière le chanteur alors que le violoniste et le joueur mridangam (tambour) s'assoient de l'autre côté. Au début, le joueur de tampura commence à jouer de l'instrument et les notes produites sont appelées 'sruthi'. Sruthi est la note fondamentale ou octave qui se répète constamment sans changer. Le chanteur s'éclaircit la gorge et met sa voie en harmonie avec la sruthi. De même tous les autres accordent leurs instruments à la sruthi. Lorsque la sruthi est établie et que l'accord est fait, l'exécution commence. Bientôt, tous les sapta svaras avec de nombreux ragas (notes différentes avec leurs combinaisons) s'expriment harmonieusement, captivant l'audience. La sruthi demeure toujours la même sans aucun changement alors qu'elle laisse pourtant le champ libre à tous les changements qui peuvent intervenir de manière harmonieuse. De la même manière, si nous accordons notre corps, notre mental et notre intellect au Soi (Je suis Conscience), à la sruthi, nous pouvons vivre harmonieusement au milieu de toutes les vicissitudes de la vie. De la même manière qu'il ne vous est pas possible d'entendre la sruthi pendant le concert, la Pure Conscience demeure comme le substratum non remarqué et c'est pourtant grâce à elle que toutes les actions peuvent prendre place d'une manière ordonnée et il y a alors Paix et Bonheur. Le concert débute avec la sruthi et se termine avec elle. Ce qui est au commencement et à la fin se trouve aussi au milieu. Ainsi aussi depuis le réveil le matin jusqu'à ce que nous allions nous coucher le soir la pure conscience est toujours là. Si nous ne nous accordons pas au 'Je suis Conscience', le mental domine et la Vérité est perdue de vue alors même qu'elle existe.

Les 50 ans de séjour de Bhagavan à Arunachala ont été célébrés en grande joie en 1946 au Sri Ramanashramam. D'éminentes personnes lurent des articles. Le soir, Ariyakudi Ramanuja Iyengar, l'un des plus grands interprètes de musique classique carnatique captiva l'audience par un concert. Tout le monde écoutait, fasciné, et tout le monde apprécia le programme. Un dévot s'approcha de Bhagavan et souhaitait savoir comment il avait trouvé la réunion. Bhagavan dit : "J'ai juste entendu le début et la fin. Il y a quelqu'un à l'intérieur qui avale tout." Alors que Bhagavan se perdait en écoutant la sruthi (silence) nous nous perdions en écoutant les différentes notes de musique. Bhagavan vit dans le monde, totalement détaché. A cause de nos attachements, nous ne reconnaissons pas la Vérité. Dans une autre analogie, Bhagavan dit que la scène d'un théâtre où le danseur joue son rôle est stable et immobile comme le Soi. La scène est ferme et permet au danseur de danser rythmiquement. Demeurez comme le Soi et accomplissez vos devoir dans le monde de manière rythmique.

Dans une autre analogie, Bhagavan dit que le Soi est comme un écran blanc de cinéma. L'écran est blanc et bien tendu. Il ne bouge pas. Lorsque le film commence, diverses scènes sont projetées sur l'écran, pourtant l'écran n'est pas affecté par les projections. L'écran blanc reste blanc en dépit des couleurs diverses qui lui sont surimposées. De la même manière, laissez le Soi être COMME IL EST en dépit de sa relation avec le mental. En étant dans le Soi on peut fonctionner sans attachement et ainsi les actions ne laissent aucun résidu derrière elles.

Pour réaliser et demeurer dans le Soi, Viveka (la discrimination) et vairagya (le renoncement) sont essentiels. Un homme qui marche en plein soleil réalise combien il est difficile d'être au-dehors en plein soleil et il recherche l'abri d'un arbre. A l'ombre, il peut se reposer. Si c'est un homme sage, il ne quittera pas l'ombre. Comme le soleil brûlant, le monde est rempli de souffrances et il ne s'y trouve aucun bonheur. Tout comme l'homme brûlé en plein soleil recherche l'ombre d'un arbre, l'homme qui souffre dans ce monde illusoire cherche refuge dans la présence d'un Maître. Le Maître, comme l'arbre, est dans le monde mais, de la même manière que la chaleur ne brûle pas l'arbre, le Maître n'est pas affecté par le monde et il nous enseigne l'art de vivre dans le monde sans être affecté. Alors que le sage reste de manière permanente à l'ombre (le Coeur), l'imprudent, après avoir joui de l'ombre, retourne en plein soleil (le monde). Il oublie la souffrance qu'il a vécue en plein soleil dans le passé et s'en va sans discrimination rechercher le bonheur là où il n'existe pas. Ainsi le mental bouge-t-il sans repos, tour à tour sortant du Soi et y retournant. Un homme sage reste à l'ombre de manière permanente. De même, le mental de celui qui connaît la vérité ne quitte pas le Soi. Au contraire, le mental de l'ignorant retourne dans le monde, se sentant misérable et revient au Soi pendant un court instant. On l'appelle 'aviveki', celui qui n'a pas de discrimination.

Ainsi la discrimination est-elle importante. Il n'y a pas de bonheur dans le monde. C'est le mental qui projette le bonheur et qui tire le cherchant vers le monde. Mais peut-on trouver un bonheur permanent, éternel dans quoi que ce soit dans le monde ? Tout change et rien n'est permanent. Aussi les sages ne recherchent-ils pas le bonheur dans le monde. Ils ont la discrimination, la bonne compréhension que le bonheur ne se trouve pas dans le monde, que le bonheur ne se trouve pas dans le plaisir. Le Bonheur est fixé dans la Béatitude, dans le Coeur, dans la méditation silencieuse.

Ainsi, réalisant que la Vérité est à l'intérieur de notre propre Soi et que la nature du Soi est Sat-Chit-Ananda, on demeure dans le Soi. Sat (l'Existence) est aussi Chit (la Connaissance) et Ananda (la Béatitude). Aussi le Maître dit-il au cherchant : "Tu es Satchidananda svarupi". Tu es, par nature, les trois en un. Demeure comme le Soi. Jouis de la béatitude du Soi et irradie cette béatitude. Le bonheur repose à l'intérieur et 'viveka', la compréhension juste, n'est pas au-dehors. La simple viveka n'est pas suffisante, le renoncement est aussi nécessaire. Le renoncement signifie cesser de rechercher le bonheur à partir du monde. Ainsi viveka et vairagya sont-ils essentiels pour demeurer dans le Soi.

Le chercheur doué de renoncement et de discrimination peut s'asseoir en silence en présence d'un Sage et percevoir immédiatement le Silence et la Grâce. D'autres qui ne peuvent attraper la longueur d'onde du silence voient leurs doutes éclaircis par le Maître. Ramana, avec une grande compassion, éclaircit les doutes avec grâce.

Généralement, lorsqu'un chercheur pose une question à Ramana, au lieu d'y répondre, Ramana pose une contre-question : "De qui vient la question ?" Enquêtez. Bhagavan ouvre ainsi la voie de l'Enquête sur le Soi. L'Enquête sur le Soi est la Voie Royale et Ramana a ouvert cette voie directe. Ramana Maharshi cherchait à questionner le questionneur, car qu'est-ce qui est important, la question ou celui qui questionne ? La question vient de celui qui questionne. Le questionneur est plus important que la question.

Par l'enquête "Qui suis-je ?", le mental s'apaise. L'enquête "Qui suis-je ?" détruira toutes les autres pensées, et comme le bâton que l'on utilise pour remuer le bûcher, il sera lui-même détruit à la fin. Il y aura alors réalisation.

Lorsque d'autres pensées montent, on ne doit pas les poursuivre, mais se demander : "De qui viennent-elles ?" La manière dont de nombreuses pensées arrivent n'a pas d'importance. Alors que chaque pensée monte, on doit se demander avec application : "Pour qui cette pensée est-elle venue ?". La question qui émergera sera "Pour moi". Là-dessus, si l'on enquête : "Qui suis-je ?", le mental retournera à sa source, et la pensée qui est venue s'apaisera. Avec une pratique répétée de la sorte, le mental développera l'aptitude à rester à sa source. Lorsque le mental qui est subtil sort par le cerveau et les organes des sens, les noms et les formes grossières apparaissent. Ne pas permettre au mental de sortir mais le retenir dans le Coeur est ce que l'on appelle "intériorité". Laisser le mental sortir du Coeur est connu comme extériorisation. Ainsi, lorsque notre mental demeure dans le Coeur, le 'Coeur', le 'Je' qui est la source de toutes les pensées partira, et le Soi, qui toujours existe, resplendira.

Généralement le chercheur qui pratique la Voie Royale de l'Enquête sur le Soi se plaint que la pratique est très difficile. La réponse de Bhagavan est : "Ce n'est pas aussi difficile que vous l'imaginiez". Le mental par son pouvoir d'illusion grossit le problème au-delà de toutes proportion. Ne soyez pas distrait par les obstacles créés par le mental mais poursuivez l'enquête avec diligence, et le succès viendra en toute certitude.

Bhagavan recommande deux voies, à savoir l'Enquête sur le Soi et l'Abandon. Toutes les autres voies, d'une manière ou d'une autre, sont un supplément à ces voies principales. Pour ceux qui sont doués de dévotion, le conseil de Bhagavan est de s'abandonner à Dieu. Dieu étant le Pouvoir Supérieur, s'il est invoqué avec dévotion, Il viendra au secours du chercheur et le libérera de l'esclavage. Cependant, Dieu ou le Guru ne feront que montrer la voie de la libération. Ils ne conduiront pas eux-mêmes l'âme à l'état de libération. En vérité, Dieu, Guru et Soi sont une seule et même chose.

Lorsque des chercheurs trouvent l'Enquête sur le Soi impossible à poursuivre à cause de nombreuses pensées et demandent l'aide qui convient Bhagavan, pour répondre à leur demande, il leur conseille de pratiquer le Nama Jama (répétition du Nom d'une déité choisie). Le mental errera toujours. Tout comme l'éléphant bouge constamment sa trompe d'un côté ou de l'autre, le mental errera ici et là sans but. Tout comme le dresseur met une chaîne et qu'en la tenant l'éléphant laisse sa trompe tranquille, de même on donne un mantra grâce auquel le mental sans repos se calme et demeure tranquille. Et quel meilleur mantra peut-on trouver qu'Arunachala Shiva. N'est-ce pas Arunachala qui nous a tous amenés ici ?

Arunachala Shiva !Arunachala Shiva !
Arunachala Shiva ! Arunachala !
Arunachala Shiva ! Arunachala Shiva !
Arunachala Shiva ! Arunachala !

C'est le refrain de la guirlande de lettres que Bhagavan composa sur Arunachala à la demande des dévots. Qu'est-ce qui peut être plus grand que ce mantra ? Bhagavan dit qu'Arunachala est à l'intérieur comme le Soi et qu'en méditant sur ce nom le mental devient calme.

Quelle est la signification de ce mantra ? Arunachala a deux syllabes. Aruna et Achala. La première syllabe Aruna peut être divisée en deux : "A" et "runa". "Runa" veut dire : les tendances latentes du mental qui nous attachent. Ce qui enlève cet esclavage est "Aruna". Aruna est l'Energie Divine. En l'invoquant, les tendances latentes sont détruites et, avec leur destruction nous faisons l'expérience d'"achala". Achala signifie 'calme, silence.' Et cette expérience est véritablement Shiva. En comprenant la signification du mantra et en le répétant avec dévotion notre mental se purifie et le mental purifié est apte à percevoir la Vérité.

Comme le japa, le pranayama est aussi une aide. Ici, dans le pranayama, Bhagavan ne nous conseille pas de contrôler la respiration de force. Il conseille simplement d'observer l'inspiration et l'expiration. Ce faisant, la respiration est régulée et lorsque le prana devient calme, le mental le devient aussi, car la source du prana et du mental est la même. Il s'ensuit que lorsque l'un est contrôlé, l'autre le devient aussi. Plus que toutes ces aides, la modération, en prenant de la nourriture sattvique, la modération en parole, en activité et en sommeil aide le mental à rester calme. Un mental calme et paisible est appelé mental sattvique. Bhagavan nous conseille de méditer sur le Soi aussi longtemps que possible lorsque le mental est sattvique. On ne doit pas alors quitter la méditation. Lorsque le mental est rajasique (actif), faites de votre mieux pour pratiquer. Lorsque le mental est en tamas (lourd et enveloppé d'une obscurité dense), ne méditez pas. Engagez-vous dans le service actif et faites venir le mental de tamas à rajas et par un effort acharné amenez le mental de rajas à sattva et, en sattva, prolongez la méditation et, en transcendant les trois gunas, demeurez en tant que Soi.

Faisons notre sadhana ensemble selon l'enseignement de Bhagavan. Avoir foi dans les paroles du Maître s'appelle Shradda. Avec shraddha la réalisation la plus haute est à notre portée. Par la Grâce du Maître, percevons la Vérité au-dedans comme Sat-Chit-Ananda.