Mon propre Soi sous la forme de Mesdames et Messieurs,
Rama ne blâme pas les nations européennes et chrétiennes pour leurs cohortes et leurs armées levées pour conquérir d'autres nations; cela est aussi un stade du développement spirituel d'une nation qui est un jour nécessaire. L'Inde devait passer par ce stade; mais l'Inde étant une nation très ancienne avait pesé les richesses du monde avec la balance et les avait trouvé pauvres; et l'expérience sera la même pour ces nations qui de nos jours sont pour l'accumulation de la prospérité et des richesses matérielles. Pourquoi toutes ces nations tentent-elles de lever des cohortes pour conquérir d'autres nations ? Que recherchent-elles dans tout cela ? La seule chose recherchée est le bonheur, la joie, le plaisir. Il est vrai que quelques personnes disent qu'elles ne recherchent pas le bonheur mais la connaissance. Les autres disent qu'elles ne recherchent pas le bonheur mais l'action. Tout cela est très bien; mais examinons le coeur et l'esprit des hommes ordinaires, ou des mortels ordinaires. Vous verrez que le but final qu'ils placent tous devant eux, le but final qu'ils recherchent tous directement ou indirectement, consciemment ou inconsciemment, c'est le bonheur, rien que le bonheur.
Examinons ce soir où se trouve le bonheur, si le bonheur vit dans le palais ou la chaumière, s'il demeure dans les charmes des femmes ou dans des choses que l'or ou l'argent peuvent acheter. Où se trouve la demeure natale du bonheur ? Le bonheur a aussi une histoire qui lui est propre. Notre époque est une grande époque de voyages; la vapeur et l'électricité ont anéanti le temps et l'espace, c'est une grande époque de voyage, et tout le monde écrit un récit de ses voyages. Le bonheur voyage aussi. Regardons les voyages du bonheur.
Nous commençons avec le premier aperçu du bonheur qu'un enfant a dans son enfance. Tout le bonheur de ce monde se situe pour l'enfant dans les jupes de sa mère ou dans les seins de la chère mère. Tout le bonheur s'y trouve. C'est le premier stade sur la grand route sur laquelle le bonheur doit voyager, les jupes de la mère, les seins de la mère. Pour l'enfant il n'y a rien dans ce monde qui apporte autant de bonheur que le sein maternel. L'enfant cache son visage derrière la jupe de sa mère et dit : "Regarde ! Regarde ! Trouve-moi ! Où suis-je ?" et il rit de bon coeur. Il rit de tout son coeur et de toute son âme. Les livres ne signifient rien pour l'enfant; les trésors lui sont inutiles. Fruits et bonbons n'ont aucun goût pour l'enfant qui n'a pas encore été sevré. C'est là que, pour l'enfant, tout le monde de plaisir est concentré.
Une année passe et le bonheur de l'enfant change de centre; il va vers autre chose. La demeure du bonheur devient alors les jouets, les beaux jouets, les poupées. Au second stade, l'enfant n'aime pas autant la mère qu'il aime ses jouets. L'enfant se querelle quelquefois avec la très chère mère par amour des jouets, par amour des poupées.
Quelques mois ou quelques années de plus et son bonheur n'est plus dans les joujoux ni les poupées; il a encore changé de centre, il ne se situe plus dans ces choses. Au troisième stade, lorsque l'enfant grandit jusqu'à devenir un garçon, le bonheur pour lui se trouve dans les livres, et particulièrement dans les contes. C'est le cas de l'enfant intelligent normal; le bonheur se trouve quelquefois dans d'autres choses, mais nous prenons un cas ordinaire. Les contes absorbent alors tout l'amour et toute l'affection du garçon. Les jouets et les poupées perdent leurs charmes; les contes prennent leur place et il les trouve beaux et attrayants. Mais le bonheur continue de voyager.
L'écolier entre au collège, et dans la vie de collège, il trouve son bonheur dans autre chose, disons dans les livres scientifiques et les oeuvres philosophiques. Il les lit pendant un certain temps, mais son bonheur a voyagé des livres jusqu'à la recherche d'honneurs à l'université; son désir est d'atteindre la demeure de son bonheur, le siège de sa joie. L'étudiant sort de l'université haut la main. Il obtient un poste lucratif et le bonheur de ce jeune homme est centré sur l'argent, sur les richesses. Il veut devenir un grand homme, amasser une grande fortune. Lorsqu'il a obtenu quelque richesse après avoir travaillé au bureau pendant quelques années, son bonheur passe à autre chose. A quoi ? Est-il besoin de le dire ? C'est la femme. Le jeune homme veut maintenant avoir une femme, et pour l'amour d'une femme il est prêt à dépenser ses richesses. Les jupes de la mère ne lui donnent plus aucun bonheur, les jouets n'ont aucun charme pour lui, les contes sont mis de côté et ils ne sont plus lus qu'à ces occasions où ils sont supposés lui donner un aperçu de la nature du rêve de sa vie : la femme. Il est tout sacrifice par amour de sa femme. La richesse difficilement gagnée est jetée aux vents pour de petits caprices de ce qui est maintenant le siège de son bonheur. Le jeune homme vit pendant quelque temps avec la femme et voilà ! le bonheur se voit un peu plus là-bas. Il n'obtient plus maintenant le plaisir qu'il pouvait, au début, tirer de la pensée de sa femme. Si on prend le cas d'un jeune homme ordinaire, d'un jeune homme ordinaire de l'Inde, son bonheur passe de la femme à l'enfant qui arrive. L'enfant devient maintenant le rêve de sa vie. Il veut avoir un enfant chez lui, un ange, un séraphin, un chérubin. Rama ne connaît pas bien l'état des choses dans ce pays; mais en Inde, après s'être mariés, les gens prient Dieu et ont envie d'avoir un enfant. Ils font tout de qui est en leur pouvoir pour rechercher l'aide de médecins et pour invoquer les bénédictions des hommes saints; tout ce qu'ils peuvent faire, il le font pour avoir la bénédiction d'avoir un enfant.
L'espoir de l'enfant concentre tout le bonheur du jeune homme. L'enfant est le sixième stade dans son voyage de bonheur, dans la marche de la joie. Puis le jeune homme a la bénédiction d'obtenir un enfant. Sa joie ne connaît pas de bornes; il est plein de gaieté, il fait des bonds, il est transporté, il est pour ainsi dire élevé de plusieurs mètres au-dessus de la terre; il ne marche pas, il nage dans l'air, en quelque sorte. Son âme est remplie de bonheur lorsqu'il obtient un enfant. Au sixième stade, dans l'enfant au visage de lune, le bonheur du jeune homme qui grandit a, dans un sens, atteint son apogée. Le bonheur le plus intense, c'est lorsqu'il voit le visage de son enfant. Le bonheur d'un homme ordinaire a atteint son zénith. Après cela, le jeune homme commence à voir sa joie diminuer, l'enfant devient un garçon qui grandit et le charme est perdu. Le bonheur de cet homme continuera de voyager d'objet en objet, quelquefois situé dans une chose, parfois dans une autre. Mais, avec un homme ordinaire, l'intensité du bonheur trouvé dans les objets ne sera pas aussi forte qu'elle l'est dans l'amour de son propre enfant.
Voyons maintenant si le bonheur demeure réellement dans des objets comme ceux-là : les jupes de la mère, les jouets et les poupées, les livres, les richesses, la femme, l'enfant, ou tout autre objet ou chose de ce monde. Avant d'aller plus loin, comparons le bonheur qui voyage au Soleil-lumière qui voyage. Le soleil voyage aussi de place en place. A tel moment il brille sur l'Inde, à tel autre sur l'Europe. Il voyage. Lorsque tombent les ombres du soir, voyez à quelle vitesse la lumière du soleil change d'endroit. Elle brille sur l'Amérique orientale et voyage vers l'ouest. Voyez comment la lumière du soleil saute sur la pointe des pieds, glissant de pays en pays, puis on la voit répandre sa clarté sur le Japon et ainsi de suite. La lumière du soleil continue de voyager de place en place. Mais tous ces endroits différents où l'on voit la lumière du soleil ne sont pas la source, ils ne sont pas la demeure de la lumière du soleil. La demeure de la lumière du soleil doit être ailleurs; la demeure de la lumière du soleil est le Soleil. Voyons de même le bonheur qui voyage d'objet en objet comme la lumière du soleil. D'où vient-il ? Où est sa véritable demeure ? Regardons, pour ainsi dire, le Soleil du bonheur.
Prenez le cas de l'homme qui a été béni par l'obtention d'un enfant. Cet homme est assis dans son bureau. Il est occupé à ses affaires officielles et, tout à coup, il entend le ding-ding de la sonnette. Quelle sonnette ? La sonnette du téléphone. Il bondit sur ses pieds et va au téléphone, mais lorsqu'il est sur le point d'entendre ce que peut être le message, son coeur bat. On dit que les drames projettent d'abord leurs ombres. Son coeur bat, il n'a jamais connu cela auparavant. Il prend le combiné et entend un message. Oh, comme çà a du être un message affligeant ! Cet homme est essoufflé et sanglotant, il a perdu toute présence d'esprit, ses joues ont perdu tout leur teint; le visage blême, cadavérique, il est vite allé à sa chaise, a mis son manteau et son chapeau et est sorti du bureau comme s'il avait été frappé par une balle de pistolet. Il n'a même pas demandé la permission à son chef de service. Il n'a même pas échangé un mot avec les employés dans la pièce. Il n'a même pas jeté un oeil sur les papiers qui se trouvaient sur le bureau; il a perdu toute présence d'esprit et est sorti directement du bureau. Tous ces collègues fonctionnaires ont été stupéfiés. Il est arrivé dans la rue et a vu une voiture rouler devant lui, il a couru à la voiture et là il a rencontré le facteur qui lui a donné une lettre. Cette lettre lui apportait la bonne nouvelle (si dans ces circonstances on peut appeler çà une bonne nouvelle du point de vue matériel) d'une grande fortune qui lui était tombée dessus. L'homme avait acheté un billet de loterie, et environ 10.000 dollars lui étaient tombés dessus. La nouvelle aurait du lui remonter le moral, aurait du le remplir de joie, mais non, non. Le message qu'il avait reçu par téléphone lui pesait lourdement sur le coeur. Cette nouvelle ne lui procurait aucun plaisir. Il trouva dans la même voiture l'un des plus grands fonctionnaires de l'Etat, assis juste en face de lui. C'était un fonctionnaire tel que d'avoir un entretien avec lui avait été le seul rêve de sa vie. Mais voyez plutôt. Cet homme n'échangea pas de regards avec le fonctionnaire; il détourna la tête. Il remarqua aussi le doux visage d'une amie. C'avait été l'ambition de la vie de cet homme que de la rencontrer et de parler avec elle, mais il était maintenant insensible à ses sourires radieux. Bon, Rama ne doit pas le laisser si longtemps dans le suspense, et vous ne devez pas non plus être tenus plus longtemps dans le suspense. Il parvint à la rue dans laquelle se trouvait sa maison et il y avait là un grand bruit et un grand tumulte, et il vit des nuages de fumée monter dans le ciel et voiler le soleil. Il vit des langues de feu monter jusqu'aux cieux; il vit sa femme, sa grand-mère et d'autres parents pleurer et se lamenter sur l'incendie qui consumait leur maison. Il vit là tous ses parents mais il manquait quelque chose; il lui manquait la métropole d'alors de son bonheur; il lui manquait le cher petit bébé, il lui manquait le doux petit enfant. Çà n'était pas là. Il posa des questions sur l'enfant, et la femme ne put faire aucune réponse. Elle répondit simplement en sanglotant et en pleurant; elle ne pouvait faire aucune réponse articulée. Il trouva la vérité. Il parvint à savoir qu'on avait laissé l'enfant dans la maison. L'enfant était avec la bonne au moment où le feu avait pris; la bonne avait mis l'enfant dans le berceau, l'enfant dormait et la bonne avait quitté la maison. Les habitants de la maison, alors pris de panique à la vue du feu qui la brûlait, l'avaient quittée en hâte, chacun pensant que l'enfant devait être avec un autre habitant. Tous étaient sortis, et ils voyaient maintenant qu'on avait laissé l'enfant dans la pièce qui était alors enveloppée par le feu. Il y avait des pleurs et des grincements de dents, des coupures de lèvres, des battements de poitrine, mais aucune aide. Cet homme, sa femme, sa mère, ses amis et la bonne poussaient de grands cris vers les gens, vers ceux qui passaient, aux policiers, leur demandant de sauver leur enfant, de secourir leur cher petit bébé. "Sauvez notre cher petit de n'importe quelle manière. Nous ferons cadeau de toute notre propriété, nous donnerons toute la fortune que nous pourrons rassembler dans les 10 années à compter d'aujourd'hui, nous abandonnerons tout; sauvez notre enfant, sauvez notre enfant." Ils veulent tout abandonner par amour de l'enfant. En vérité, l'enfant est une chose douce, le cher petit bébé est une chose très douce, et cela vaut la peine de sacrifier toute notre fortune, toute notre richesse et tout notre intérêt par amour de l'enfant. Mais Rama demande une chose : "L'enfant est-il la source du bonheur, la chose la plus douce du monde, ou la source du bonheur se trouve-t-elle ailleurs ?" Notez. Tout est sacrifié pour l'enfant, mais l'enfant n'est-il pas sacrifié lui-même pour quelque chose de plus élevé ou pour quelque chose d'autre ? La fortune est donnée, les richesses sont données, la propriété est donnée pour l'enfant, mais l'enfant est donné pour quelque chose d'autre. Même la vie de ces gens qui peuvent s'aventurer à sauter dans le feu peut être perdue. Mais même ce cher petit enfant est sacrifié pour quelque chose d'autre, pour quelque chose de plus élevé, et ce quelque chose d'autre doit être par nécessité plus doux que l'enfant, ce quelque chose d'autre doit être le centre réel du bonheur, ce doit être la source véritable du bonheur, et quel est ce quelque chose ? Voyez seulement. Ils ne sautent pas eux-mêmes dans le feu. Ce quelque chose, c'est le Soi. S'ils sautent eux-mêmes dans le feu, ils se sacrifient et ils ne sont pas préparés pour le faire. Tout le reste est sacrifié pour l'enfant, et l'enfant est sacrifié pour ce Soi.
Nous voyons maintenant le stade le plus haut de bonheur, l'enfant n'a pas de bonheur en lui-même. L'enfant est beau, charmant et source de bonheur, parce que l'enfant est béni du fait de la lumière du Soleil qui procède du Soi; cette lumière du soleil n'était pas inhérente à l'enfant. Si cette lumière du soleil du bonheur avait été inhérente à l'enfant, elle aurait duré à jamais dans la personne de l'enfant. Notez que la lumière du soleil qui faisait briller le visage de l'enfant procédait de la source à l'intérieur. La source était à l'intérieur du Soi.
Nous arrivons ici à quelque chose de plus proche de la source du bonheur, de la demeure du bonheur. Ce n'est pas par amour de l'enfant que l'enfant est cher, l'enfant est cher par amour du Soi. Ce n'est pas par amour de la femme que la femme est chère, ni par amour du mari que le mari est cher; la femme est chère par amour du Soi, le mari est cher par amour du Soi. (1) C'est la vérité. Les gens disent qu'ils aiment une chose pour cette chose même. Mais cela ne peut être; cela ne peut être. Ce n'est pas non plus par amour de la richesse que la richesse est chère, la richesse est chère par amour du Soi. Lorsque la femme qui était chère un moment ne sert plus les intérêts du mari, on en divorce; lorsque le mari qui était cher un temps ne sert plus les intérêts de la femme, on en divorce. Lorsque la richesse ne sert plus le but, on l'abandonne. Vous connaissez le cas de Néron. Il n'a pas vu que la belle Rome, cette métropole qui était la sienne, était pour lui d'un grand intérêt, d'une grande utilité. Il était pour lui d'un plus grand intérêt de voir un incendie . Il était d'un plus grand intérêt pour lui de voir un grand feu. Voyez. Il est monté au sommet d'une colline proche et il a demandé à ses amis d'aller mettre le feu à la ville entière pour qu'il puisse jouir de la vue d'un grand incendie. Il jouait pendant que Rome brûlait. Nous voyons ainsi qu'on divorce même de la richesse, qu'on l'abandonne, lorsqu'elle ne sert pas nos intérêts.
Rama a été le témoin d'un phénomène très étrange, un phénomène très curieux. Il y avait un grand débordement, une grande inondation de la Ganga, et le fleuve continuait de monter. Plusieurs singes étaient assis sur les branches d'un arbre; il y avait une femelle et quelques-uns de ses enfants. Tous ces enfants montèrent jusqu'au singe. L'eau monta jusqu'à l'endroit où le singe était assis. La femelle sauta alors sur une branche plus haute; l'eau monta jusqu'à cet endroit. La femelle monta jusqu'à la branche la plus haute, et l'eau parvint même jusque là. Tous les enfants s'accrochaient au corps de cette femelle. L'eau atteignit ses pattes; alors elle prit un enfant, un bébé-singe, et elle le mit sous sa patte. L'eau monta encore plus haut, la femelle prit alors un autre enfant et le mit sous sa patte. L'eau monta encore, et elle prit le troisième enfant et le mit sans pitié sous sa patte pour se sauver elle-même. Cà se passe exactement comme cela. Les gens et les choses nous sont chères aussi longtemps qu'elles servent nos intérêts, nos objectifs. Au moment même où nos intérêts sont en jeu, nous sacrifions tout.
Nous en venons ainsi à la conclusion que le siège du bonheur, que la source du bonheur est quelque part dans le Soi. La demeure du bonheur est quelque part dans le Soi, mais où ? Dans les pieds ? Les pieds supportent le corps entier, ce peut être dans les pieds, mais non, ça n'est pas dans les pieds. C'eût été dans les pieds, les pieds auraient du être la chose la plus chère du monde. Bien entendu, les pieds sont plus chers que tout autre chose à l'extérieur, mais ils ne sont pas si chers que les mains. La demeure du bonheur se trouve-t-elle dans les mains ? Les mains sont plus chères que les pieds, mais elles ne sont pas la demeure du bonheur. Alors, le bonheur est-il situé dans le nez ou dans l'oeil ? Les yeux sont plus chers que les mains ou que le nez, mais le bonheur ne s'y trouve pas. Pensez à quelque chose de plus cher que les yeux mêmes. Vous pouvez dire que c'est la vie. Rama dit : prenez d'abord le corps entier. Le corps entier n'est pas la demeure du bonheur. Nous voyons que le corps entier change à chaque instant. En plusieurs années, chaque particule du corps est remplacée par une nouvelle particule. Ce peut être dans l'intellect, dans le cerveau, dans le mental. ce peut être là. Mais voyons s'il y a quelque chose de plus cher que l'intellect même. Examinons cela. S'il y a quelque chose de plus cher et de plus doux que l'intellect même, alors ce peut être la demeure du bonheur.Nous disons que la vie, ou comme les Hindous l'expriment, le prana peut être la source du bonheur, parce que les gens veulent souvent vivre, même au sacrifice de leur pouvoir de raisonnement. C'est un choix entre deux alternatives : mourir tout à fait ou vivre comme un homme fou, comme un aliéné. Tout le monde choisira l'alternative de la vie, même dans une maison de fous, d'aliénés. Nous voyons ainsi que l'intellect ou l'intelligence est sacrifiée sur l'autel de la vie. Alors la vie, la vie personnelle, ce peut être la demeure du bonheur, le soleil d'où émane tout bonheur. Voyons simplement si la vie est réellement la demeure du bonheur ou non. Le Vedanta dit : Non, non ! Même la vie n'est pas la demeure du bonheur. La demeure du bonheur, le Ciel au-dedans est encore plus élevé; au-delà même de la vie individuelle, personnelle. Où est-ce alors ?
Un jour, Rama a vu un jeune homme sur le point de mourir. Il souffrait d'une très mauvaise maladie. Il y avait dans son corps une souffrance atroce. La douleur avait commencé dans les doigts de pied. Elle n'était d'abord pas si importante, mais après un moment elle commença à augmenter, et le corps subit alors un mouvement hystérique. Petit à petit la douleur monta aux genoux, puis plus haut, jusqu'à ce que cette souffrance atroce atteigne l'estomac, et lorsqu'elle parvint au coeur, l'homme mourut. Les dernières paroles que ce jeune homme prononça furent celles-ci : "Oh, quand donc cette vie me quittera-t-elle, quand donc ces pranas me quitteront-ils !" Ce furent les paroles de ce jeune homme. Vous savez, vous dites dans ce pays qu'il a rendu l'esprit. En Inde nous disons qu'il a rendu le corps. Cela montre la différence. Ici on voit le corps comme le Soi et l'esprit comme quelque chose qui y est greffé. En Inde lon voit le corps comme quelque chose d'étranger à l'esprit; le Soi véritable est vu comme la réalité. Là, lorsque le corps meurt, personne ne croit qu'il meurt; le corps change, il ne périt pas. Et ainsi, les paroles qui se sont échappées des lèvres de ce jeune homme étaient : "Oh, quand donc vais-je abandonner cette vie; quand ce prana va-t-il donc me quitter !"
Nous avons ici quelque chose de plus élevé que la vie même; quelque chose de supérieur au prana, quelque chose qui dit : "Ma vie", quelque chose qui dit : "Mon prana", quelque chose qui possède le prana et qui est au-delà du prana ou de la vie, et ce quelque chose est de loin plus doux que la vie ou que le prana individuel, personnel. Nous voyons ici que le prana ou vie dans ce corps particulier ne servait pas les intérêts du Soi plus élevé, du soi plus haut que le prana, et le prana ou vie a été sacrifié; le prana ou vie a été jeté. Nous voyons ici quelque chose de supérieur au prana ou vie, pour lequel la vie est sacrifiée. Ce doit être certainement de loin plus doux que la vie même et ce doit être la demeure de l' 'anand' ou bonheur; cela doit être la source, l'origine de notre joie. Nous voyons maintenant pourquoi le prana ou vie est plus doux que l'intellect; parce que les pranas sont plus proches du Soi réel, le Soi au-dedans. Pourquoi l'intellect est-il plus doux que les yeux ? Parce que l'intellect est plus proche du Soi réel que les yeux. Et pourquoi les yeux sont-ils plus chers que les pieds ? Parce que les yeux participent plus au Soi réel que les pieds. Comment se fait-il que tout le monde voie son enfant bien plus beau que l'enfant d'un autre, que l'enfant de son voisin ? Le Vedanta dit : "Parce que cet enfant particulier que vous appelez "mien", vous l'avez doré un peu avec l'or de votre Soi réel." Tout livre dans lequel vous pouvez écrire une ligne par vous-mêmes, toute oeuvre qui contient quelque chose à laquelle votre stylo a contribué vous apparaît de loin plus digne que tout autre livre, même s'il est de la plume de Platon. Pourquoi ? Parce que ce livre que vous appelez "mien" a en lui la lumière du soleil de votre Soi réel. Il est béni de la lumière du Ciel au-dedans. L'hindou dit ainsi que la béatitude, la véritable métropole du bonheur est en vous. Tout le Ciel est en vous, la source de tout plaisir est en vous. Cela étant, il n'est vraiment pas raisonnable de rechercher le bonheur ailleurs !
En Inde, nous avons cette histoire sur un amoureux. Il languissait pour sa bien-aimée; son corps entier était réduit à l'état d'un véritable squelette; toute sa chair était en quelque sorte desséchée. Le roi du pays où vivait ce jeune homme le fit apporter un jour à la cour, et il y fit aussi apporter la femme, objet de l'amour du jeune homme. Le roi vit que la femme était très laide. Le roi amena alors devant cet amoureux toutes les jolies demoiselles qui ornaient sa cour, et il demanda à cet amoureux d'en choisir une. Cet homme dit : "O Shah ! O roi ! O roi ! Ne te ridiculise pas. Roi, tu sais, l'amour rend l'homme très aveugle. Roi, tu n'as pas d'yeux pour voir. Regarde-la avec mes yeux et dis alors si elle est belle ou laide. Regarde la avec mes yeux." C'est tout le secret des charmes de ce monde. C'est tout. C'est le secret de toute la fascination des objets attrayants du monde; ô homme ! tu rends toi-même les objets attrayants par la manière dont tu les regardes. En regardant un objet avec ces yeux, tu verses toi-même ton éclat sur l'objet et tu en tombes alors amoureux. Nous lisons l'histoire d'Echo dans la mythologie grecque. Elle est tombée amoureuse de sa propre image. Ainsi en est-il de tous les charmes; ils ne sont que l'image du Soi en nous, du Ciel en nous. Ils ne sont que notre ombre. Rien d'autre. Cela étant, il n'est vraiment pas raisonnable de chasser votre propre ombre.
Rama connaît le cas d'un petit enfant, un petit bébé qui avait juste appris à ramper, à marcher à quatre pattes. L'enfant vit son ombre et il pensa que c'était quelque chose d'étrange, de remarquable. L'enfant voulu attraper la tête de l'ombre; il commença à ramper vers la tête de l'ombre et l'ombre rampa aussi. L'enfant bougeait et l'ombre bougeait aussi. L'enfant commença à pleurer parce qu'il ne pouvait pas attraper la tête de l'ombre. L'enfant tombe, l'ombre est avec lui; l'enfant se lève et commence à chasser l'ombre. Entre-temps, la mère, prenant pitié de l'enfant, lui fit toucher sa propre tête, et paf ! la tête de l'ombre fut aussi attrapée. Attrapez votre propre tête et l'ombre sera prise elle aussi. Ciel et enfer sont en vous. La source du pouvoir, de la voie et de la vie est en vous. Le Dieu des hommes, de la nature et des nations est en vous. Ô Peuple du monde ! Ecoute, écoute. C'est une leçon digne d'être proclamée sur les toits, à tous les carrefours des grandes villes, dans toutes les rues. C'est une leçon digne d'être proclamée à tue-tête. Si vous voulez réaliser un objet, si vous voulez obtenir quelque chose, ne chassez pas l'ombre. Touchez votre tête. Allez en vous. Réalisez ceci et vous verrez que les étoiles sont votre oeuvre, vous verrez que tous les objets d'amour, toutes les choses ravissantes et fascinantes ne sont que votre propre reflet ou votre propre ombre. Il n'est vraiment pas raisonnable que :
Il y a une belle histoire sur une femme, en Inde. Elle avait perdu son aiguille dans sa maison. Elle était trop pauvre pour être en mesure d'avoir la lumière dans sa maison, alors elle était sortie de chez elle et s'était mise à chercher dans les rues. Quelqu'un lui demanda ce qu'elle cherchait dans les rues. Elle dit qu'elle cherchait son aiguille. L'homme demanda : "Où avez-vous perdu l'aiguille ?". Elle dit : "Dans la maison." Il dit : "Il n'est vraiment pas raisonnable de chercher dans la rue quelque chose qu'on a perdu dans la maison !" Elle dit qu'elle n'avait pas les moyens d'avoir de la lumière et qu'il y avait une lanterne dans la rue. Comme elle ne pouvait pas chercher dans la maison et qu'elle devait faire quelque chose, alors elle devait chercher dans la rue.
C'est exactement la même chose avec les gens. Vous avec le Ciel en vous; et pourtant vous recherchez les plaisirs dans les objets dans les rues; cherchant cette chose dehors, dehors dans les objets des sens. Comme c'est étrange !
Il y a une autre histoire très belle qui existe aussi en Inde sur un homme fou. Il était venu voir des garçons de la rue et leur avait dit que le maire de la ville préparait une grande fête, une fête royale, et qu'il invitait tous les enfants à y participer. Vous savez, les enfants aiment les confiseries et les bonbons. Les enfants, assurés par ce fou que le maire donnait une fête, coururent à la maison du maire, mais il n'y avait pas de fête du tout, rien de la sorte. Les enfants furent déconcertés; ils furent décontenancés un moment, et ce fut hansi (rire), et les enfants lui dirent : "Comment se fait-il, Monsieur, que vous ne soyez pas venu alors que vous saviez que l'histoire que vous nous avez racontée était fausse ?". Il dit : "De peur qu'il y ait une vraie fête, de peur que l'histoire soit vraie et que je la manque." Pour cette raison, parce qu'il ne souhaitait pas la manquer, il avait aussi suivi les garçons.
C'est exactement le cas de ceux qui, par leur imagination, par leur propre bénédiction pourriez-vous dire, rendent les fleurs belles, rendent toutes choses désirables par leur propre imagination et, comme le fou ils veulent alors courir après afin de ne pas les manquer.
Réalisez le Ciel en vous, et d'un seul coup tous les désirs seront comblés, toute misère et toute souffrance prendront fin.
Oh, le Ciel est en vous, ne cherchez pas le Bonheur dans les objets des sens; prenez conscience que ce Bonheur est en vous-mêmes.
Tiré de la Brhadaranyaka Upanishad (NdT).