Sarvopanishad
(ou Sarvasaropanishad)
(traduction avec notes de C.C. Krishna)

L'un des objets du Bhavan, et, comme écrit dans ses statuts, de l'Ashram tout récemment fondé, est la traduction en français d'oeuvres sanscrites, plus particulièrement vedantiques. Les Upanishads contenant l'essence du Vedanta, il nous a semblé prioritaire d'en traduire et d'en faire paraître certaines, de dimension réduite, dans RAMA NAMA.

Les lecteurs de RAMA NAMA, pour autant qu'ils ont étudié la partie nommée 'HAMSA', sont maintenant à même d'en comprendre les 'concepts' et donc la teneur hautement spirituelle, la plus élevée que l'esprit humain ait jamais atteinte.

Après l'Amrtabindu Upanishad, parue dans le n° 53 d'avril 1998, voici la Sarvopanishad, dont on dit qu'elle est la quintessence des Upanishads. Elle définit d'abord 23 sujets en ordre consécutif, jusqu'au Parabrahman.

Pour cette traduction, nous nous sommes servis de 2 textes sanscrits, ayant entre eux quelques différences véritablement mineures. Les différences très minimes n'ont pas été signalées; celles un tout petit peu plus importantes, dans les mots, mais qui n'altèrent pas le sens, l'ont été en notes ('V2 pour 'version 2''). La différence majeure réside en un sloka qui diffère quelque peu, ainsi qu'en d'autres slokas figurant dans certains textes à la fin de l'upanishad et qui semblent avoir été rajoutés plus tardivement, mais que nous faisons paraître ici, afin d'être complets. Nous avons, comme pour l'Amrtabindu Upanishad, donné la translittération du sanscrit en lettres romaines (avec des signes diacritiques cette fois au complet) selon les règles standardisées en juin 1988 par la Librairie Nationale de Calcutta mais déjà utilisée auparavant.

La seule traduction française de cette upanishad semble être celle de B. Tubini, parue chez Adrien Maisonneuve en 1952 et très certainement disparue de la circulation.

 


Om. Qu'est-ce que le lien (1) ? Qu'est-ce que la libération ? Qu'est-ce que l'Ignorance ? Qu'est-ce que la Connaissance ? Que sont les états de veille, de rêve, de sommeil profond et Turiya (2)?

Que sont annamaya, pranomaya, manomaya, vijnanamaya et Anandamayakoshas ? (3) Qu'est-ce que l'agent, qu'est-ce que le jiva, le connaisseur du champ, le Témoin, le Kutastha (4), l'Antaryamin (5)? Qu'est-ce que l'atman interne, qu'est-ce que le Paramatman, l'Atman, Maya ?

Le seigneur de l'atman voit le corps et autres choses de même nature comme des choses autres que l'atman : cet égoïsme est l'esclavage de l'atman. Sa cessation est la libération. Ce qui cause cet égoïsme est l'Ignorance. Ce par quoi cet égoïsme est complètement repoussé est la Connaissance.

Lorsque l'atman, au moyen de ses quatorze organes des sens (6) commençant avec le manas (mental) et favorablement influencé par le soleil (Aditya) et le reste (7) qui apparaissent à l'extérieur, perçoit les objets grossiers tels que le son etc... (8), alors c'est l'état de veille de l'Atman. Lorsque, même en l'absence de son etc... (7), il n'est pas dénué de pensée envers eux (7), il expérimente le son et le reste sous forme de désir par le moyen des quatre organes (9), c'est l'état de rêve de l'Atman. Lorsque les quatorze organes cessent leur activité et qu'il y a absence de connaissance différenciée (10), c'est l'état de sommeil profond de l'Atman.

Lorsque l'essence de la conscience qui se manifeste sous forme des trois états est un témoin des états, elle-même dépourvue d'état, positif ou négatif, et demeure dans l'état de non-séparation et d'unité, alors on l'appelle Turiya.

L'ensemble des six enveloppes formées par la nourriture (11) est appelé Annamayakosha (enveloppe formée de nourriture). Lorsque les quatorze sortes de Vayu (12), qui commencent avec le Prana, sont dans l'enveloppe formée de nourriture, on l'appelle alors Pranamayakosha (enveloppe formée de prana, enveloppe vitale).

Lorsque l'Atman, uni à ces deux enveloppes, accomplit, au moyen des quatre organes qui commencent avec le manas (6), les fonctions de désir et autres qui ont comme objets le son et les autres, on l'appelle Manomayakosha (enveloppe mentale)

Lorsque l'Atman, uni à ces trois enveloppes et en connaissant les différences et les non-différences, brille, il est alors appelé Vijnanamayakosha (enveloppe de connaissance, enveloppe intellectuelle).

Lorsque ces quatre enveloppes demeurent dans leur propre cause qui est Connaissance, de la même manière que le banyan demeure dans la graine de banyan, on l'appelle alors Anandamayakosha (enveloppe formée de béatitude).

Lorsqu'il demeure dans le corps comme siège de l'idée de plaisir et de peine, il est alors appelé Karta (l'agent). L'idée de plaisir est celle qui appartient à 'celui qui désire les objets' et l'idée de peine aux objets indésirables.Le son, le toucher, la vue, le goût et l'odorat sont les causes du plaisir et de la peine.

Lorsque l'Atman, suivant les actions bonnes et mauvaises, s'est lié au corps actuel et est vu effectuer une union avec le corps non encore reçu, il est alors appelé Jiva (âme individuelle), du fait qu'il est limité par des upadhis (adjonctions limitantes) (13).

Les cinq groupes sont ceux qui commencent avec le mental (6), ceux qui commencent avec le prana (14), ceux qui commencent avec Sattva (15), ceux qui commencent avec la volonté (16), et ceux qui commencent avec le mérite et le démérite (17). L'ego possédant les attributs de ces cinq groupes ne périt pas sans la connaissance de l'Atman toujours atteint.

Ce qui, du fait de sa proximité avec l'Atman, apparaît impérissable et est attribué à l'Atman, est appelé Lingasharira (corps subtil), le noeud du coeur. La Conscience qui s'y manifeste est appelée le Connaisseur du champ (18).

 

Celui qui est le connaisseur de la manifestation et de la disparition du connaisseur, de la connaissance et de l'objet qui peut être connu, mais qui est lui-même dépourvu d'une telle manifestation et d'une telle disparition, est appelé le Témoin.

Quand, étant perçu d'une manière indifférenciée dans la conscience de tous les êtres, à commencer par Brahma jusqu'à la fourmi, il demeure dans la conscience de tous les êtres, il est alors appelé le Kutastha (celui qui réside dans l'irréel).

Quand, se tenant comme moyen de réaliser la nature réelle du Kutastha et autres, qui sont des différenciations du fait qu'ils possèdent des adjonctions limitantes, l'Atman se révèle comme tissé en tous les corps comme le fil dans un collier de perles, il est alors appelé l'Antaryamin (le Seigneur intérieur).

Quand l'Atman brille, libre de toutes les adjonctions limitantes, comme une entièreté homogène de conscience dans son essence de pure Conscience, alors on l'appelle "Toi", et l'Atman intérieur (pratyagatman).

(A la place du shloka précédent, la V2 donne celui-ci :)

Vérité, Connaissance, Béatitude, Infini, libre d'adjonctions limitantes, de la même manière qu'un lingot d'or est libre des adjonctions limitantes que sont bracelets, diadèmes et autres choses, lorsque l'Atman brille ainsi dans son essence, faite entièrement de Connaissance et d'esprit, il est alors appelé 'Toi'.

La Vérité, la Connaissance, l'Infini, la Béatitude, c'est Brahman. La Vérité est impérissable; ce qui, lorsque nom, espace, temps, substance, et cause sont détruit, ne meurt pas, c'est l'Impérissable; et c'est appelé la Vérité.
Et la Connaissance, cette essence de Conscience qui n'a ni commencement ni fin, on l'appelle Connaissance. (3) (V2 : "Ce qui n'a ni naissance, ni déclin, ni différenciation est appelé Connaissance.")

 

Ce qui est nommé Infini est ce qui est, comme l'argile dans les transformations de l'argile, comme l'or dans les transformations de l'or, comme le fil dans les fabrications de fil, permanent; la Conscience omnipénétrante qui est en tous les phénomènes de création à commencer par le Non-Manifesté, est appelée Infini. Ananda (béatitude) est le nom de l'essence de la Conscience, océan de béatitude sans mesure, état de bonheur indifférencié. Cela, dont la nature quadruple est une indication, et qui est permanent en espace, temps, substance et cause, est appelé l'être de Cela , Paramatman, Parabrahman.

Distingué de l'être de "Tu" (tvam) qui est doué d'attributs aussi bien que de l'être de "Cela" (Tat) doué d'attributs, ce qui pénètre tout comme le ciel, subtil, entièreté par lui-même, pure Existence, être de "Es" (Asi) (19). Lumineux par lui-même, on en parle comme de l'Atman; l'être du "pas Cela" est aussi appelé Atman.

Ce qui est sans commencement, fécond, ouvert à la fois à la preuve et à la preuve du contraire, ni réel ni irréel, ni réel-irréel, non existant lorsque, du fait de l'immuabilité de sa propre essence, la cause du changement est constatée , existant lorsqu'elle n'est pas constatée, qui est indéfinissable, est appelée Maya.


Ici se termine la Sarvopanishad, qui fait partie de l'Atharvaveda.

 

(Alors que le premier texte s'arrête ici comme dans beaucoup de textes,
on trouve quelquefois cette partie, qui semble être d'un autre auteur :)

 

L'esprit empirique des profanes, inférieur, ne subsistant pas dans les trois temps, habitant ceux qui sont vulgaires, ne valant pas d'être mentionné, est incapable de parler de cette ignorance. Je ne suis pas ce moi, je suis Dieu et ni les sens ni la buddhi ni le manas, ni l'ahamkara ne sont éternels.

Sans prana, sans manas, sans buddhi et autres, je suis toujours pur. Je suis toujours témoin, je suis , sans nul doute, pure Existence éternelle.

Je ne suis ni l'agent ni sujet qui jouit mais témoin de la Nature (naturante, prakrti); ma proximité fait mouvoir le corps et les autres.

Immuable, éternel, béatitude éternelle, je suis pur, fait de Connaissance, sans tâche. Je suis l'Atman de tous les êtres, omniprésent, témoin, il n'y a pas de doute.

Je suis le Brahman qui doit être connu par tous les vedanta(s). Je ne dois pas être connu sous les formes d'éther (espace), de vent (air) etc. Je n'ai pas de forme ni de nom ni d'action. Je suis Brahman, fait d'Existence-Conscience-Béatitude.

Je ne suis pas le corps, comment naissance et mort m'affecteraient-elles ? Je ne suis pas le prana, comment faim et soif m'affecteraient-elles ? Je ne suis pas intelligence, comment la peine et l'attachement m'affecteraient-ils ? Je ne suis pas agent, comment servitude et libération m'affecteraient-elles ?

 


Quelques notes parmi celles parues dans RAMA NAMA

(a) La V2 précise ici 'kosha' - enveloppes).
(k) En revanche, elle ne porte pas ici le 'iccha' (désir).
(11) A savoir : nerfs, os, moëlle, peau, chair et sang.
(12) 'Vent, air'. Les 14 sont les pranas et les vayu secondaires : prana, apana, vyana, udana, samana, naga, kurma, krkara, devadatta dhananjaya, vairambhana, sthanamukhya, pradyota et prakrta.
(13) Lorsque l'Atman, selon les bonnes et mauvaises actions, est lié avec le corps actuel et qu'il établit une connexion avec le corps futur....
(14) V. 'HAMSA' : udana, prana, vyana, samana, apana.
(15) d° : sattva, rajas, tamas, les trois guna.
(16) Le groupe Iccha, à savoir, volonté, désir, résolution, doute, envie, incrédulité, satisfaction, désir de satisfaction, honte, peur et imagination.
17) Le groupe Punya : mérite, démérite, savoir et samskaras.
(18) Le champ est le corps : les fruits de l'action y sont produits et récoltés comme dans un champ.
(n) La V2 porte, ici, en plus : 'vfoukf'k' (avin¡¿i) : impérissable.
((r) La V2., au lieu de 'param¡tm¡ paraÆ brahmetyucyate', a 'ijekResR;qP;rs' -param¡tmetyucyate) : donc simplement : 'est appelé Paramatma', sans ajouter 'Parabrahman'.
(s) Et c'est ici qu'elle parle de Parabrahman, avec ici une différence sensible entre les 2 upanishads. La V2, au lieu de 'satt¡m¡tro.... atmetyucyate' porte simplement 'lÙkkek=LoHkkoa ija czãsr;qP;ess' - satt¡m¡trasvabh¡vaÆ paraÆ brahmetyucyate' - dont l'essence est réalité, est appelé Parabrahman.
(t) Dans ce shloka encore quelques différences, la première : ici au début du shloka, laV2
ajoute :'ek;k uke' - m¡y¡ n¡ma : "Le nom 'Maya'"
(u) Ici la V2 n'ajoute pas 'anir£pyam¡¸e sat¢ ', elle porte simplement, après 'nir£pyam¡¸e' sat¢' le suffixe de comparatif 'rj' - tara'. Différence minime encore.
(19) Cela se rapporte à l'une des Mahavakyas : "Tat tvam asi" : (Toi aussi) "Tu es Cela".