Avant d'entrer dans le sujet de cet après-midi, me permettrez-vous de dire quelques mots de remerciements, maintenant que j'ai cette occasion ? J'ai vécu trois ans parmi vous. J'ai voyagé à travers presque toute l'Amérique, et d'ici je retourne dans mon pays, il convient que je saisisse cette occasion pour exprimer ma gratitude dans cette Athènes de l'Amérique. Quelques jours après être arrivé d'abord dans ce pays, j'ai pensé que je pourrais écrire un livre sur la nation. Mais après trois années passées ici, je me vois incapable d'écrire une seule page. D'un autre côté, je trouve en voyageant dans divers pays que sous les différences de surface que nous voyons dans l'habillement, la nourriture et les petits détails de manières, l'homme est homme où que ce soit dans le monde; la même nature humaine merveilleuse est représentée partout. Il y a cependant certaines caractéristiques et je voudrais résumer en quelques mots toutes mes expériences ici. Dans ce pays qu'est l'Amérique, on ne pose aucune question sur les particularités de l'homme. Si un homme est homme, c'est assez, et on le prend dans notre cur, et c'est une chose que je n'ai jamais vue dans aucun autre pays au monde.
Je suis venu ici pour représenter une philosophie de l'Inde, que l'on appelle la philosophie Vedanta. Cette philosophie est très, très ancienne ; elle est le résultat de cette quantité de littérature Aryenne connue sous le nom de Védas. C'est pour ainsi dire la fleur même de toutes les spéculations et de toutes les expériences et analyses, incarnée dans cette masse de littérature - collectée et choisie à travers les siècles. Cette philosophie Vedanta a certaines particularités. Elle est d'abord parfaitement impersonnelle; elle ne doit son origine à aucune personne ou prophète : elle ne se construit pas autour d'un homme qui est au centre. Elle n'a pourtant rien à dire contre les philosophies qui se construisent autour de certaines personnes. Dernièrement en Inde, d'autres philosophies et d'autres systèmes ont vu le jour, construits autour de certaines personnes, comme le Bouddhisme ou beaucoup de nos sectes actuelles. Chacune d'elles a un leader à qui elle doit allégeance, de la même manière que les Chrétiens et les Mahométans. Mais la philosophie Vedanta se tient en arrière-plan de toutes ces différentes sectes, et il n'y a aucun combat ni aucun antagonisme entre le Vedanta et n'importe quel autre système qui existe dans le monde.
Elle pose un principe, et cela, clame le Vedanta, doit se trouver dans toute religion du monde, c'est que l'homme est divin, que tout ce que nous voyons autour de nous est le résultat de cette conscience du divin. Tout ce qui est fort, bon et puissant dans la nature humaine est le résultat de cette divinité, et quoique potentielle en beaucoup, il n'y a essentiellement aucune différence entre un homme et un autre, tous étant semblablement divins. Il y a derrière, pour ainsi dire, un océan infini, et vous et moi sommes autant de vagues sui sortent de cet océan infini; et chacun d'entre nous fait de son mieux pour manifester cet infini à l'extérieur. Ainsi, potentiellement, chacun d'entre nous a cet océan infini d'Existence, de Connaissance et de Béatitude comme droit de naissance, notre nature réelle; et la différence qui existe entre nous est due au le pouvoir plus ou moins grand de manifester ce divin. C'est pourquoi le Vedanta pose que tout homme doit être traité non pour ce qu'il manifeste, mais pour ce qu'il représente. Chaque être humain représente le divin, et c'est pourquoi tout enseignant doit être utile, non en condamnant l'homme, mais en l'aidant à manifester la divinité qui est en lui.
Il enseigne aussi que toute la vaste quantité d'énergie que nous voyons manifestée dans la société et dans tout plan d'action va réellement de l'intérieur vers l'extérieur; et c'est pourquoi ce que les autres sectes appellent inspiration, le Vedantin demande la liberté de l'appeler l'expiration de l'homme. En même temps il ne se querelle pas avec les autres sectes; le Vedanta n'a aucune dispute avec ceux qui ne comprennent pas cette divinité de l'homme. Consciemment ou inconsciemment, tout homme essaie de révéler cette divinité.
L'homme est comme un ressort infini, enroulé dans une petite boîte, et ce ressort essaie de se déployer; et tous les phénomènes sociaux que nous voyons sont le résultat de cette tentative de déploiement. Toutes les compétitions, toutes les luttes et tous les maux que nous voyons autour de nous ne sont ni les causes ni les effets de ces déploiements. Comme l'un de nos grands philosophes le dit : dans le cas de l'irrigation d'un champ, le réservoir se trouve quelque part à un niveau plus élevé, l'eau essaie de se précipiter dans le champ et elle en est empêchée par un sas. Mais dès que la sas s'ouvre, l'eau se précipite de par sa propre nature; et s'il y a de la poussière ou de la saleté sur le chemin, l'eau roule au-dessus. Mais poussière et saleté ne sont ni le résultat ni la cause de ce déploiement de la nature divine de l'homme. Elles sont des circonstances cxistantes, et c'est pourquoi il est possible d'y remédier.
Maintenant, clame le Vedanta, on doit trouver cette idée dans toutes les religions, que ce soit en Inde où en-dehors de l'Inde ; seulement, chez certaines d'entre elles, l'idée est exprimée au travers de la mythologie, et dans d'autres au travers de la symbologie. Le Vedanta clame qu'il n'y a pas eu une inspiration religieuse, une manifestation de l'homme divin, si grand soit-il, mais qu'elle a été l'expression de cette unité infinie dans la nature humaine ; et tout ce que nous appelons morale et moralité et le fait de faire le bien aux autres n'est aussi que ola manifestation de cette unité. Il y a des moments où tout homme ressent qu'il est un avec l'univers, et il se précipite pour l'exprimer, qu'il le sache ou non. Cette expression d'unité est ce que nous appelons amour ou sympathie, et elle est la vase de note notre morale et de toute notre moralité. Cela est résumé dans la philosophie Vedanta par l'aphorisme célèbre : Tat Tvam Asi, "Tu es Cela".
Ceci est enseigné à chaque homme : Tu es un avec cet Être Universel et, en tant que telle, chaque âme qui existe est votre âme; et tout corps qui existe est votre corps ; et en blessant quelqu'un, vous vous blessez vous-mêmes, en aimant quelqu'un, vous vous aimez vous-même. Dès que le courant de haine est lancé au dehors, qui que ce soit d'autre qu'il blesse, ilo vous blesse aussi, et si l'amour sort de" vous il est oblige de revenir vers vous. Car je suis l'univers ; cet univers est mon corps. Je suis l'Infini, seulement je n'en suis pas conscient maintenant, mais je m'efforce pour obtenir cette conscience de l'Infini, et la perfection sera atteinte lorsque la pleine conscience de cet Infini viendra.
Une autre idée particulière du Vedanta est que
nous devons permettre cette variation infinie dans la pensée
religieuse et ne pas essayer d'amener tout le monde à la
même opinion, parce que le but est le même. Tout comme
le Védantin le dit dans son langage poétique : "De
même que de nombreuses rivières, avec leur source
dans des montagnes différentes, coulent, serpentines ou
droites, et finissent par atteindre l'océan, toutes ces
différentes croyances et ces différentes religions,
partant de points de vue différents et vont à travers
des chemins sinueux ou droits, finissent par venir à TOI
. "
Comme manifestation de cela, nous trouvons que cette philosophie
la plus ancienne a, par son influence, inspiré directement
le Bouddhisme, la première religion missionnaire du monde,
et indirectement elle a aussi influencé le Christianisme,
au travers des Alexandrins, des Gnostiques et des philosophes
européens du Moyen-Age. Et plus tard, influençant
la pensée allemande, elle a pratiquement produit une révolution
dans les domaines de la philosophie et de la psychologie. Pourtant
toute cette influence a été donnée au monde
de manière pratiquement imperceptible. De même que
la douce tombée de la rosée de la nuit porte vie
à toute la vie végétale, doucement et imperceptiblement
cette philosophie divine s'est répandue à travers
le monde pour le bien de l'humanité. Aucune armée
en marche n'a été utilisée pour prêcher
cette religion. Dans le Bouddhisme, une des religions les plus
missionnaires du monde, nous trouvons des inscriptions qui nous
rappellent le grand empereur Asoka, relatant comment des missionnaires
ont été envoyés à Alexandrie, à
Antioche, en Perse, en Chine et dans divers autres pays du monde
civilisé de l'époque. Trois cents ans avant Christ,
des instructions leur ont été données de
ne pas rabaisser les autres religions : " La base de toutes
les religions est la même, quelles qu'elles soient ; essayez
de les aider au mieux que vous pouvez, enseignez leur tout ce
que vous pouvez, mais n'essayez pas de les blesser. "
Il n'y a ainsi jamais eu en Inde de persécutions religieuses
du fait des Hindous, mais seulement ce respect merveilleux qu'ils
ont eu pour toutes les religions du monde. Ils ont donné
asile à une partie des Hébreux lorsqu'ils ont été
chassés de leur propre pays et les Juifs de Malabar en
sont le résultat. A une autre époque ils ont reçu
le reste des Perses alors qu'ils étaient pratiquement annihilés
et ils demeurent jusqu'à aujourd'hui comme une partie d'entre
nous et nous les aimons comme les Parsis de Bombay d'aujourd'hui.
Il y a eu des Chrétiens qui clamaient être venus
avec St. Thomas, le disciple de Jésus Christ; et on leur
a permis de s'installer en Inde et d'avoir leur propres opinions,
et une colonie existe même actuellement en Inde. Et cet
esprit de tolérance n'est pas mort. Il n'y mourra pas et
ne peut y mourir.
Cela est l'une des grandes leçons que le Vedanta doit nous enseigner. Sachant, consciemment ou inconsciemment, que nous nous efforçons d'atteindre le même but, pourquoi devrions-nous être impatients ? Si un homme est plus lent qu'un autre, nous ne devons pas être impatients, nous ne devons pas le maudire ni le rabaisser. Lorsque nos yeux sont ouverts et que notre cur est purifié, le travail de la même influence divine, le déploiement de la même divinité dans le cur de tout homme se manifestera, et alors seulement nous serons en position de clamer la fraternité de l'homme.
Ni homme ni femme, ni secte ni croyance, ni couleur, ni naissance, ni aucune autre de ces différenciations, mais qu'il va au-delà et trouve cette divinité qui est l'homme réel derrière tout être humain, alors seulement il a atteint la fraternité universelle, et seul cet homme est un Védantin.
Tels sont quelques résultats historiques pratiques du Védanta.