Swami VIVEKANANDA

Pourquoi l'Inde vit encore

(Conférence faite en réponse à l'allocution publique
de bienvenue à Ramnad le 25 janvier 1897)

(traduction : Gaura Krishna)

 

"Vivekananda, mon Vivekananda !" disait Yogiji !
Et tous, en lisant les paroles de Swamiji, le sentons près de nous,
en nous-mêmes, et disons "Mon Vivekananda !"

La nuit la plus longue semble s'en aller, la peine la plus douloureuse semble enfin se terminer, le cadavre apparent semble se réveiller et une voix vient vers nous - de loin en arrière, là où l'histoire et même la tradition n'arrivent pas à voir dans la brume du passé, elle en descend, pour ainsi dire réfléchie à partir des pics de l'Himalaya infini de connaissance, d'amour et de travail, l'Inde, cette mère qui est la nôtre - une voix vient vers nous, douce, ferme et pourtant claire dans ses propos, et elle gagne en volume au fur et à mesure que les jours passent, et voyez, le dormeur se réveille ! Comme une brise qui vient des Himalayas, elle apporte la vie dans presque tous les os et les muscles morts, la léthargie disparaît, et seul l'aveugle ne peut pas voir, ou le perverti ne veut pas voir, qu'elle se réveille, cette terre maternelle qui est la nôtre, de son long et profond sommeil. Nul ne peut plus lui résister, et elle ne dormira plus jamais; aucun pouvoir extérieur ne peut plus la faire revenir en arrière, car le géant infini se met sur ses pieds.

Votre Excellence, et vous, gentlemen de Ramnad, acceptez mes remerciements chaleureux pour la cordialité et la gentillesse avec lesquelles vous m'avez reçu. Je sens que vous êtes cordiaux et doux, car le coeur parle mieux au coeur que n'importe quelle langage qui vient des lèvres; l'esprit parle en silence à l'esprit, et pourtant dans une langue qui est claire, et je le ressens au plus profond de mon coeur. Votre Excellence de Ramnad, si mon humble soi a accompli quelque travail dans les pays occidentaux pour la cause de la religion et de notre terre maternelle, si un peu de travail a été accompli en éveillant la sympathie de notre propre peuple, en attirant son attention sur les joyaux inestimables qui, sans qu'il le sache, sont restés longtemps enterrés autour de sa propre maison - si au lieu de mourir de soif et d'aller boire ailleurs de l'eau sale des fossés du fait de l'aveuglement de l'ignorance, ils sont appelés à aller boire à la fontaine éternelle qui coule éternellement près de leurs propres demeures - si quelque chose a été fait pour inciter notre peuple à agir, pour lui faire comprendre que dans tout, la religion et la religion seule est la vie de l'Inde et que si elle disparaît l'Inde mourra, malgré la politique, malgré les réformes sociales, malgré la richesse de Kubera déversée sur la tête de chacun de ses enfants - si quelque chose a été fait dans ce but, l'Inde et tout pays où du travail a été fait le doit beaucoup à vous, Rajah de Ramnad. Car c'est vous qui m'avez le premier donné l'idée, et c'est vous qui m'avez constamment poussé au travail. Vous avez pour ainsi dire intuitivement compris ce qui allait se passer et vous m'avez pris par la main, m'avez toujours aidé et vous n'avez jamais cessé de m'encourager. Aussi est-ce bien que vous soyez le premier à vous réjouir de mon succès et il convient que je débarque d'abord dans votre territoire lors de mon retour en Inde. Il y a de grands travaux à faire, il y a de merveilleuses énergies à organiser, nous devons apprendre beaucoup de choses aux autres nations comme cela a déjà été dit par votre Excellence. Ce pays est la Matrie de la philosophie, de la spiritualité, et de la morale, de la douceur, de la gentillesse et de l'amour. Elles existent encore, et mon expérience du monde me conduit à me tenir sur un sol ferme et à affirmer hardiment que l'Inde est encore la première et la plus avancée de toutes les nations du monde à ces égards. Il y a eu d'immenses changements politiques ces quatre ou cinq dernières années. Des organisations gigantesques qui ont entrepris de renverser la totalité des institutions existantes des différents pays et qui ont rencontré un certain succès ont travaillé dans tout le monde occidental. Demandez à notre peuple s'il a entendu quelque chose sur elles. Il n'en a pas entendu un seul mot. Mais qu'il y a eu un Parlement des Religions à Chicago, qu'il y avait un Sannyasi envoyé à ce Parlement par l'Inde, qu'il a été très bien reçu et qu'il a travaillé depuis en Occident, le mendiant le plus pauvre l'a su. J'ai entendu dire que nos masses étaient stupides, qu'elles ne voulaient aucune éducation, et qu'elles ne se souciaient pas de l'information. J'ai moi-même eu un penchant fou pour cette opinion, mais je trouve que l'expérience est un maître bien plus glorieux que n'importe quelle quantité de spéculation ou que n'importe quel tas de livres écrits par des globetrotters et des observateurs sommaires. Cette expérience m'enseigne qu'elles ne sont pas stupides, qu'elles ne sont pas lourdes, qu'elles ont aussi faim et soif d'information que toute race qui existe sous le soleil; mais chaque nation a son propre rôle à jouer, et chaque nation a naturellement sa propre particularité et sa propre individualité avec laquelle elle est née. Chacune représente, pour ainsi dire, une note particulière dans cette harmonie des nations, et cette note est sa vie même, sa vitalité. C'est l'épine dorsale, la base et le fondement de la vie nationale, et ici dans cette terre bénie, la base, l'épine dorsale, le centre de la vie est la religion et la religion seule. Laissez les autres parler de politique, de la gloire de l'acquisition d'une richesse immense engrangée par le commerce, du pouvoir et de la vitesse du mercantilisme, de la glorieuse source de la liberté physique , mais l'esprit Hindou ne comprend pas ces choses et ne veut pas les comprendre. Effleurez-le sur la spiritualité, sur la religion, sur Dieu, sur l'âme, sur l'Infini, sur la liberté spirituelle et je vous assure que le paysan le plus vil de l'Inde est mieux informé sur ces sujets que plus d'un soi-disant philosophe des autres pays. Gentlemen, j'ai dit que j'avais encore quelque chose à enseigner au monde. C'est la raison même, la raison d'être pour laquelle cette nation a continué de vivre, en dépit de centaines d'années de persécution, en dépit de presque mille ans d'autorité étrangère et d'oppression étrangère. Cette nation vit encore; la raison d'être est qu'elle reste attachée à Dieu, au trésor de la religion et de la spiritualité.

Dans ce pays se trouvent, encore, la religion et la spiritualité, les sources qui auront à inonder et à noyer le monde, à apporter une vie nouvelle et une vitalité nouvelle aux nations occidentales et aux autres nations qui sont actuellement pratiquement accablées, à moitié mortes et dégradées par les ambitions politiques et les machinations sociales. Des multiples voix, consonnantes et dissonnantes, de la confusion des sons qui remplissent l'atmosphère indienne s'élève, suprême, frappante et pleine, une seule note, et c'est celle de la renonciation. Abandonnez ! C'est le mot d'ordre des religions indiennes. Ce monde est une illusion de deux jours. La vie actuelle dure cinq minutes. Au-delà se trouve l'Infini, par-delà ce monde d'illusion,recherchons cela. Ce continent est éclairé par des esprits et des intelligences courageux et colossaux qui pensent même au soi-disant univers infini comme à une simple flaque de boue, et ils vont pourtant au-delà et encore au-delà. Le temps, même le temps infini, n'est pour eux qu'une non-existence. Par-delà et par-delà le temps ils vont. L'espace n'est rien pour eux : il veulent aller au-delà; et ce fait d'aller au-delà du pénoménal est l'âme même de la religion. La caractéristique de mon pays est ce transcendentalisme, cette lutte pour aller au-delà, cette audace pour déchirer le voile de la face de la nature et d'avoir, à n'importe quel risque, à n'importe quel prix, un coup d'oeil sur l' 'au-delà'. Tel est notre idéal, mais tous les gens d'un pays ne peuvent bien entendu pas abandonner entièrement. Voulez-vous les passionner ? Alors voici le moyen de le faire. Vos discours sur la politique, sur la régénération sociale, vos discours sur la manière de se faire de l'argent et sur le mercantilisme, tous ces discours tomberont comme l'eau tombe du dos d'un canard. Cette spiritualité, c'est ce que vous devez enseigner au monde. Avons-nous à apprendre quelque chose d'autre ? Avons-nous à apprendre quelque chose du monde ? Peut-être avons-nous à obtenir un peu de connaissance matérielle, de pouvoir d'organisation, sur la manière d'obtenir les meilleurs résultats des causes les plus petites. Peut-être pouvons-nous l'apprendre de l'Occident jusqu'à un certain point. Mais si quelqu'un en Inde prêche l'idéal du manger, du boire et de l'amusement, si quelqu'un veut 'apothéoser' le monde en Dieu, cet homme est un menteur; il n'a aucune place sur cette terre bénie, l'esprit indien ne veut pas l'écouter. Oui, en dépit de l'éclat et du scintillement de la civilisation occidentale, en dépit de tout son poli et de sa merveilleuse manifestation de puissance, en me tenant sur cette estrade, je leur dis en face que tout cela est vain. C'est vanité des vanités. Dieu seul vit. Seule l'âme vie. Seule la spiritualité vit. Tenez-vous y.

Pourtant peut-être qu'une sorte de matérialisme, modéré à nos propres exigences, pourrait être une bénédiction pour beaucoup de nos frères qui ne sont pas encore murs pour les vérités les plus élevées. C'est l'erreur que l'on fait dans tous les pays et dans toutes les sociétés, et c'est une chose fortement regrettable qu'en Inde, où elle a toujours été comprise, la même erreur qui consiste à forcer les gens aux vérités les plus élevées alors qu'ils n'y sont pas prêts a été faite récemment. Ma méthode n'est pas nécessairement la vôtre. Le Sannyasi est, comme vous le savez, l'idéal de la vie de l'Hindou, et par nos Shastras chacun est contraint de renoncer. Tout Hindou qui a goûté aux fruits du monde doit renoncer dans la dernière partie de sa vie, et celui qui ne le fait pas n'est pas un Hindou, et il n'a plus le droit de se dire Hindou. Nous savons que c'est l'idéal : renoncer après avoir vu et expérimenté la vanité des choses. Après avoir découvert que le coeur du monde matériel n'est qu'un creux qui ne contient que des cendres, abandonnez le et retournez en arrière. Le mental tournoie vers l'avant, pour ainsi dire, vers les sens, et ce mental doit tournoyer vers l'arrière, la Pavritti doit s'arrêter et la Nivritti doit commencer. Tel est l'idéal. Mais cet idéal ne peut être réalisé qu'après une certaine somme d'expérience. Nous ne pouvons pas enseigner à l'enfant la vérité de la renonciation; l'enfant est un optimiste-né; toute sa vie se trouve dans ses sens; toute sa vie est une masse de jouissance des sens. Il y a de même des hommes enfantins dans toute société, qui ont besoin d'une certaine somme d'expérience, de plaisir, pour en voir la vanité, et alors la renonciation leur viendra. De grandes dispositions ont été faites pour eux dans nos Livres; mais malheureusement dans les temps récents il a existé une tendance à lier tout le monde par les mêmes lois que celles par lequelles le Sannyasi est lié, et c'est une grande erreur. Sans cela une grande qualité de pauvreté et de misère que vous voyez en Inde n'aurait pas existé. La vie d'un pauvre homme est bordée et limitée par des lois spirituelles et morales dont il n'a que faire. Bas les pattes ! Laissez le pauvre homme se réjouir un peu et alors il s'élèvera et la renonciation lui viendra d'elle-même. Peut-être que dans cette direction nous pouvons apprendre quelque chose des occidentaux, mais nous devons être très prudents en apprenant ces choses. Je suis désolé de dire que la plupart des exemples que l'on rencontre de nos jours d'hommes qui se sont imbibés des idées occidentales sont plus ou moins des échecs. Il y a en Inde deux grands obstacles sur le chemin, le Scylla de la vieille orthodoxie et le Charybe de la civilisation moderne européenne. De ces deux, je vote pour la vieille orthodoxie, et non pour le système européanisé, car le vieil homme orthodoxe peut être ignorant, il est peut être primitif, mais c'est un homme, il a une foi, il a de la force, il se tient sur ses pieds; tandis que l'homme européanisé n'a pas de colonne vertébrale, c'est une masse d'idées hétérogènes ramassées au hasard à n'importe quelle source, et ces idées ne sont pas assimilées, elles ne sont pas digérées, elles ne sont pas harmonisées. Il ne se tient pas sur ses pieds et il a la tête qui tourne sans arrêt. Où se trouve le pouvoir moteur de son travail ? Dans quelques petites tapes condescendantes des Anglais. Son système de réformes, ses vitupérations véhémentes contre les maux de certaines habitudes sociales ont, comme ressort moteur, un patronage européen. Pourquoi certaines de nos coutumes sont-elles appelées des maux ? Parce que les Européens le disent. C'est à peu près la raison qu'il donne. Je ne m'y soumettrais pas. Tenez-vous et mourrez dans votre propre force; s'il y a un péché dans le monde, c'est la faiblesse; évitez toute faiblesse, car la faiblesse est péché, la faiblesse est mort. Ces créatures déséquilibrées ne sont pas encore devenues des personalités distinctes; que sommes-nous pour les appeler des hommes, des femmes ou des animaux ? Mais ces vieilles personnes orthodoxes ont été sures et ont été des hommes. Il y a encore d'excellents exemples et celui que je veux maintenant vous présenter est celui de votre Raja de Ramnad. Vous avez ici un homme à côté duquel il n'y a pas dans le pays entier d'hindou plus zélé; vous avez ici un prince à côté duquel il n'y a pas dans ce pays de prince plus informé de toutes les affaires, à la fois orientales et occidentales, qui ne prenne de chaque nation tout ce qu'il peut qui est bon. "Apprenez la bonne connaissance de la caste la plus basse avec une totale dévotion. Apprenez le chemin de la liberté, même s'il vient d'un pariah, en le servant. Si une femme est un joyau, prenez-la en mariage même si elle vient de la plus basse des castes." Telle est la loi établie par notre grand législateur sans pareil, le divin Manu. Cela est vrai. Tenez-vous sur vos pieds et assimiliez ce que vous pouvez; apprenez de tout pays, prenez ce qui vous est utile. Mais rappelez-vous qu'en tant qu'Hindous, tout le reste doit être subordonné à nos propres idéaux nationaux. Chaque homme a une mission dans la vie qui est le résultat de tout son karma infini passé. Chacun de vous est né avec un héritage splendide qui est la totalité de la vie infinie passée de votre glorieuse nation. Des millions de vos ancêtres regardent, pour ainsi dire, chacune de vos actions, alors soyez alertes. Et quelle est la mission avec laquelle est né tout enfant hindou ? N'avez-vous pas lu la fière déclaration de Maru en ce qui concerne le brahmane quand il dit que la naissance d'un Brahmane a lieu "pour la protection du trésor de la religion". Je dois dire que c'est la mission non seulement du Brahmane, mais de tout enfant, garçon ou fille, qui est né dans ce pays béni : "pour la protection du trésor de la religion." Et tout autre problème de la vie doit être subordonné à cet unique thème principal. C'est aussi la loi de l'harmonie en musique. Il peut y avoir une nation dont le thème de la vie est la suprématie politique; la religion et tout le reste doivent être subordonnés à ce grand thème unique de sa vie. Mais c'est ici une autre nation dont le grand thème de vie est la spiritualité et la renonciation, dont l'unique mot d'ordre est que ce monde est toute vanité et une illusion de trois jours, et que le reste, que ce soit la science ou la connaissance, les plaisirs ou les pouvoirs, la richesse, la réputation ou la renommée, doit être subordonné à ce thème unique. Le secret du caractère d'un véritable hindou repose dans la subordination de sa connaissance des sciences et de l'érudition européennes, de sa richesse, de sa position, de sa réputation, à cet unique thème principal qui est inné en tout enfant hindou : la spiritualité et la pureté de la race. C'est pourquoi, entre ces deux : le cas de l'homme orthodoxe qui a l'entièreté de ce ressort de vie de la race qu'est la spiritualité, et l'autre homme dont les mains sont remplies de bijoux d'imitation européens mais qui n'a aucune prise sur ce principe donateur de vie qu'est la spiritualité, il ne fait aucun doute pour moi que tout le monde ici sera d'accord que nous devons choisir le premier des deux, l'orthodoxe, parce qu'il y a en lui de l'espoir. Il a le thème national, quelque chose à quoi se tenir , et de ce fait il vivra, tandis que l'autre mourra. Tout comme dans le cas d'individus, si le principe de vie n'est pas perturbé, si la fonction principale de cette vie individuelle est présente, toutes les blessures reçues relatives aux autres fonctions ne seront pas sérieuses : elles ne tueront pas l'individu; aussi, tant que cette fonction principale de notre vie n'est pas perturbée, rien ne peut détruire notre nation. Mais notez, si vous abandonnez cette spiritualité, en la laissant de côté pour courir après la civilisation matérielle de l'Occident, le résultat sera qu'en trois générations vous serez une race éteinte; parce que la colonne vertébrale de la nation sera brisée, la base sur laquelle l'édifice national a été construit sera sapée, et le résultat sera l'annihilation générale.

Aussi, mes amis, la sortie consiste en ce que nous devons d'abord et surtout nous en tenir fermement à la spiritualité, ce cadeau inestimable que nous ont légué nos lointains ancêtres. Avez-vous jamais entendu parler d'un pays où les plus grands rois ont essayé de faire remonter leur descendance, non pas à des rois, non pas à des barons voleurs qui vivaient dans de vieux châteaux et qui dépouillaient les pauvres voyageurs, mais à des sages demi-nus qui vivaient dans la forêt ? Avez-vous jamais entendu parlé d'un tel pays ? Le voici, ce pays. Dans les autres pays de grands prêtres tentent de faire remonter leur descendance à un roi, mais ici, les rois les plus grands font remonter leur descendance à un ancien prêtre. Aussi, que vous croyiez ou non dans la spiritualité, par amour pour la vie nationale, vous devez vous tenir à la spiritualité et vous y maintenir. Tendez ensuite l'autre main et obtenez des autres races tout ce que vous pouvez, mais tout doit être subordonné à cet unique idéal de vie; et à partir de là apparaîtra une Inde future merveilleuse, glorieuse - je suis sur qu'elle arrive - une Inde plus grande que jamais. Des sages se lèveront plus grands que tous les anciens sages, et vos ancêtres ne seront pas seulement satisfaits, mais, j'en suis sur, ils seront fiers, à partir de leurs positions dans les autres mondes, de regarder en bas leurs descendants, si glorieux et si grands. Travaillons tous dur, mes frères, çà n'est pas le moment de dormir. De notre travail dépend la venue de l'Inde de l'avenir. Elle est là qui attend déjà. Elle ne fait que dormir. Levez-vous, réveillez-vous et voyez la, elle est assise ici, sur son trône éternel, rajeunie, plus glorieuse qu'elle n'a jamais été - cette Terre maternelle qui est la nôtre. L'idée de Dieu n'a jamais été ailleurs aussi pleinement développée que dans cette Terre maternelle qui est la nôtre, car la même idée de Dieu n'a jamais existé ailleurs. Peut-être êtes-vous étonnés de mon affirmation, mais montrez-moi une idée de Dieu tirée d'autres Ecritures qui soit égale à la nôtre; ils n'ont que des Dieux de clans, le Dieu des Juifs, le Dieu des Arabes, celui de telle ou telle race, et leur Dieu se bat contre les dieux des autres races. Mais l'idée de ce Dieu bienfaisant, très miséricordieux, notre père, notre mère, notre ami, l'ami de nos amis, l'âme de nos âmes, c'est ici qu'elle existe et seulement ici. Et puisse Celui qui est le Shiva des Shivaïtes, le Vishnou des Vaishnavites, le Karma des Karmis, le Bouddha des Bouddhistes, le Jina des Jaïns, le Jehovah des Chrétiens et des Juifs, l'Allah des Mohammédans, le Seigneur de toute secte, le Brahman des Vedantistes, Lui l'Omni-pénétrant, dont la gloire n'a été connue que dans ce pays, puisse-t-Il nous bénir, puisse-t-Il nous aider, puisse-t-Il nous donner de la force, de l'énergie, pour mettre cette idée en pratique. Puisse ce que nous avons écouté et étudié devenir pour nous de la nourriture, puisse cela devenir de la force en nous, puisse cela devenir de l'énergie en nous pour nous entraider; puissions-nous, l'enseignant et l'enseigné, ne pas être jaloux l'un de l'autre ! Paix, paix, paix, au nom de Hari !

Cette conférence de Swamiji, comme les autres, est magnifique et pleine de shakti. Swami Vivekananda voyait très loin, il n'était pas du moment, il était de l'éternité. Ses affirmations sont tellement vraies. On voit l'Inde actuellement prise entre les deux forces qu'il désignait : d'une part les gens qui se tiennent à la spiritualité et qui lui subordonnent tout, y compris la politique, et grâce au Ciel ces hommes en sont enfin arrivés à gouverner l'Inde, quoique pas encore totalement, et, de l'autre, une pseudo-intelligensia qui se flatte de sa dépendance mentale de l'Occident, qui n'a pas réussi à tuer chez ses ouailles le tempérament de colonisés, de soumis, qui, au nom du "sécularisme" - ce "sécularisme" pourtant totalement inhérent au Sanatana Dharma - mène actuellement une campagne anti-hindoue absolument incroyable, où les pires des contre-vérités sont affirmées sans aucune honte. Cette pseudo-intelligensia est notamment représentée par la presse nationale ainsi que le parti du Congrès. Swamiji le disait : ces gens-là ne sont pas des hindous, ils n'ont pas droit à ce nom. Au nom du 'sécularisme', ils sont prêts à vendre leur pays, à le voir déchiré par le Pakistan et autres. Ils suivent aveuglément l'Occident sans penser par eux-mêmes, en y piochant par ici et par là des choses qu'ils sont incapables d'assimiler. Le tableau de Swami Vivekananda, 100 ans après, est d'une précision incroyable. Il suffit de lire un article du mois d'août de cette année dans Organiser : "La réalité aujourd'hui est que la scène intellectuelle indienne est pleine d'âmes pusillanimes qui vivent dans la peur quotidienne de déplaire à leurs anciens maîtres colons. Chaque affirmation qu'ils font, chaque position qu'ils prennent est gouvernée par cette peur : que leurs maîtres occidentaux puissent la désapprouver..."