Swami Vivekananda

LES SAGES DE L'INDE

 

(traduction : Gaura Krishna)

 

 

En parlant des sages de l'Inde, mon esprit retourne à ces périodes dont l'histoire n'a pas de mention, et la tradition essaie en vain de sortir les secrets des ténèbres du passé. Les sages de l'Inde ont pratiquement été innombrables, car qu'a fait la nation hindoue pendant des milliers d'années à part produire des sages ? Je vais donc prendre la vie de quelques-uns des plus brillants, les faiseurs d'époques, et les présenter devant vous, je veux dire l'étude que j'en ai faite.

En premier lieu, nous devons d'abord comprendre un peu de ce qui concerne nos écritures. Deux idéaux de vérités se trouvent dans nos écritures; l'un est ce que nous appelons l'éternel, et l'autre ne fait pas autant autorité, il est lié à des circonstances, à des époques et à des endroits particuliers. Les relations éternelles qui traitent de la nature de l'âme et de Dieu, et les relations entre les âmes et Dieu ont pris corps dans ce que nous appelons les Shrutis, les Vedas. L'ensemble de vérités qui suit est ce que nous appelons les Smritis, telles qu'incarnées dans les paroles de Manu, de Yajnavalkya et d'autres écrivains, ainsi que dans les Puranas, ce jusqu'aux Tantras. Cette seconde classe de livres et d'enseignements est subordonnée aux Shrutis, en ce sens que toutes les fois où l'un de ces livres et enseignements contredit quelque chose des Shrutis, les Shrutis doivent prévaloir. C'est la loi. L'idée est que l'ossature de la destinée et du but de l'homme a été entièrement tracée dans les Vedas, les détails ont été laissés pour être travaillés dans les Smritis et les Puranas. Pour ce qui est des directions générales, les Shrutis sont suffisantes; on ne peut rien dire d'autre pour la vie spirituelle, on ne peut rien connaître de plus. Tout ce qui est nécessaire a été connu, tout le conseil nécessaire pour amener l'âme à la perfection a été mené à bien dans les Shrutis; les détails ont été omis, et ces Smritis en ont fourni de temps en temps.

Une autre particularité est que ces Shrutis ont en leur sein de nombreux sages comme enregistreurs des vérités, pour la plupart des hommes, même quelques femmes. On en sait très peu sur leurs personnalités, leur date de naissance et ainsi de suite, seules leurs meilleures pensées, leurs meilleures découvertes, devrais-je dire, y sont préservées, incarnées dans la littérature sacrée de notre pays, les Vedas. Dans les Smritis, d'un autre côté, les personnalités sont plus en évidence. Des personnes renversantes, gigantesques, impressionnantes, qui font bouger le monde, se tiennent pour ainsi dire devant nous, pour la première fois, d'une magnitude quelquefois même supérieure à leur enseignement.

Une particularité que nous devons comprendre est que notre religion prêche un Dieu Personnel Impersonnel. Elle prêche une grande quantité de lois impersonnelles plus une grande quantité de personnalité, mais la source même de notre religion se trouve dans les Shrutis, les Vedas, qui sont parfaitement impersonnels; les personnes arrivent toutes dans les Smritis et les Puranas : les grands Avataras, les Incarnations de Dieu, les prophètes, etc. Et on doit aussi observer qu'en dehors de notre religion, toutes les autres religions du monde dépendent de la vie ou des vies d'un ou de fondateurs personnels. Le Christianisme est construit sur la vie de Jésus, le Mahométanisme sur Mahomet, le Bouddhisme sur Buddha, le Jaïnisme sur les Jinas, etc. Il s'ensuit naturellement qu'il doit y avoir pas mal de luttes dans ces religions quant à ce qu'on appelle les preuves historiques de ces grandes personnalités. Si, à un moment quelconque, les preuves historiques de l'existence de ces personnages des temps anciens s'affaiblissent, tout l'immeuble de la religion s'écroule et est brisé en morceaux. Nous avons échappé à ce destin parce que notre religion n'est pas basée sur des personnes mais sur des principes. Vous n'obéissez pas à votre religion parce qu'elle est venue par l'intermédiaire de l'autorité d'un sage, non, pas même d'une Incarnation. Krishna n'est pas l'autorité des Védas, mais les Vedas sont l'autorité de Krishna lui-même. Sa gloire est qu'il est le plus grand prédicateur des Vedas qui ait jamais existé. De même en est-il pour les autres Incarnations; de même pour tous nos sages. Notre premier principe est que tout ce qui est nécessaire à la perfection de l'homme et à l'atteinte de la liberté se trouve là dans les Vedas. Vous ne pouvez pas trouver quelque chose de nouveau. Vous ne pouvez pas aller au-delà de l'unité parfaite qui est le but de toute connaissance; cela a déjà été atteint là, et il est impossible d'aller au-delà de l'unité. La connaissance religieuse est devenue complète lorsque Tat Tvam Asi (Tu es Cela) a été découvert, et c'était dans les Vedas. Ce qui restait à faire était de guider les gens de temps en temps en fonction des époques et des lieux différents, en fonction de circonstances et d'environnements différents; les gens devaient être guidés le long du vieux vieux sentier, et pour cela ces grands enseignants, ces grands sages sont venus. Rien ne peut plus clairement justifier cette position que la célèbre parole de Shri Krishna dans la Gita : "Toutes les fois que la vertu s'affaisse et que l'irréligion prévaut, Je Me crée pour la protection du bien; pour la destruction de toute immoralité je viens de temps en temps. " Telle est l'idée en Inde.

Qu'est-ce qui s'ensuit ? Que d'un côté il y a ces principes éternels qui se tiennent sur leurs propres fondations sans même dépendre de quelque raisonnement que ce soit, encore moins de l'autorité de sages aussi grands soient-ils, d'Incarnations aussi brillantes qu'elles aient pu être. Nous pouvons remarquer que, comme c'est la position unique en Inde, notre revendication est que seul le Vedanta peut être la religion universelle, qu'il est déjà la religion universelle existante dans le monde, parce qu'il enseigne des principes et non des personnes. Aucune religion construite sur une personne ne peut être prise comme modèle par toutes les races de l'humanité. Dans notre propre pays nous voyons qu'il y a eu tant de grands caractères; même dans une petite ville beaucoup de personnes sont prises comme modèles par les différents esprits de cette seule ville. Comment est-il possible qu'une personne comme Mohammed ou Bouddha ou Christ puisse être pris comme le seul modèle pour le monde entier, non, que toute la moralité, toute l'éthique, toute la spiritualité et toute la religion puissant n'être vraies que si elles viennent de la sanction de cette seule personne et d'une personne seulement ? La religion védantique n'a pas besoin d'une telle autorité personnelle. Sa sanction est la nature éternelle de l'homme, son éthique se base sur la solidarité spirituelle éternelle de l'homme, déjà existante, déjà atteinte et qui n'a pas à être atteinte. D'un autre côté, depuis les temps les plus anciens, nos sages se sont sentis conscients du fait que la grande majorité de l'humanité a besoin d'une personnalité. Ils doivent avoir un Dieu Personnel sous une forme ou une autre. Même le Bouddha qui se déclarait contre l'existence d'un Dieu Personnel n'était pas mort depuis cinquante ans que ses disciples en faisaient un Dieu Personnel. Le Dieu Personnel est nécessaire, et nous savons en même temps qu'à la place et mieux que les vaines imaginations d'un Dieu Personnel, qui dans quatre vingt dix neuf cas sur cent ne sont pas dignes de l'adoration humaine, nous avons de temps à autre dans ce monde, vivant et marchant parmi nous, des Dieux vivants. Ces Dieux sont plus dignes de l'adoration humaine que tout Dieu imaginaire, que toute création de notre imagination, ce qui veut dire de toute idée de Dieu que nous pouvons former. Shri Krishna est bien plus grand que l'idée de Dieu que vous pouvez ou que je peux avoir. Buddha est une bien plus grande idée, une idée plus vivante et idolâtrée que l'idéal que vous pouvez ou que je puis concevoir; et c'est pourquoi il se fait qu'ils commandent toujours l'adoration de l'humanité même à l'exclusion de toutes les déités imaginaires.

Nos sages savaient cela, aussi ont-il laissé tout le peuple indien libre d'adorer de tels grands personnages, de telles Incarnations. Non, la plus grande de ces Incarnations va plus loin : "A chaque fois qu'un pouvoir spirituel extraordinaire est manifesté par l'homme extérieur, sache que Je suis là; c'est de Moi que vient cette manifestation. " Cela laisse la porte ouverte à l'Hindou pour adorer les Incarnations de tous les pays du monde. L'Hindou peut adorer n'importe quel sage et n'importe quel saint de n'importe quel pays, et nous savons en effet que nous allons adorer plusieurs fois dans les églises des Chrétiens, et beaucoup, beaucoup, beaucoup de fois dans les mosquées mahométanes, et c'est bien. Pourquoi pas ? Notre religion, comme je l'ai dit, est la religion universelle. Elle est assez inclusive, elle est assez large pour inclure tous les idéaux. Tous les idéaux de la religion qui existent déjà dans le monde peuvent immédiatement être inclus, et nous pouvons attendre patiemment que tous les idéaux qui viendront à l'avenir soient pris de la même manière, étreints dans les bras infinis de la religion du Vedanta.

Cela est plus ou moins notre position en ce qui concerne les grands sages, les Incarnations de Dieu. Il y a aussi des caractères secondaires. Nous trouvons maintes fois mentionné le mot Rishi dans les Vedas, et c'est devenu un nom commun à l'époque actuelle. Le Rishi est la grande autorité. Nous devons comprendre cette idée. La définition du Rishi est qu'il est le Mantra-drashta, le voyant de pensée. Quelle est la preuve de la religion ? La question a été posée à une époque très ancienne. 'Il n'y a aucune preuve dans les sens', c'est ce qui a été déclaré. [Sanskrit] : "D'où les mots sont renvoyés avec la pensée sans atteindre le but. " [Sanskrit] : "Les yeux ne peuvent y parvenir, ni la parole, ni le mental." Cela est ce qui a été déclaré pendant des âges et des âges. La nature au-dehors ne peut pas nous donner de réponse quant à l'existence de l'âme, l'existence de Dieu, la vie éternelle, le but de l'homme et tout cela. Ce mental change continuellement, il est toujours dans un état de flux; il est fini, il est cassé en morceaux. Comment la nature pourrait-elle parler de l'Infini, de l'Immuable, du Non-Brisé, de l'Invisible, de l'Eternel ? Elle ne le pourra jamais. Et toutes les fois que l'humanité s'est efforcée de trouver une réponse à partir de la lourde matière morte, l'histoire montre combien les résultats ont été désastreux. Alors comment arrive la connaissance déclarée par les Vedas ? Elle arrive par le fait d'être un Rishi. Cette connaissance n'est pas dans les sens; mais les sens sont-ils le but suprême de l'être humain ? Qui ose dire que les sens sont le but suprême de l'homme ? Même dans nos vies, dans la vie de chacun d'entre nous ici, il arrive des moments de calme, peut-être, quand nous voyons devant nous la mort de quelqu'un que nous aimions, lorsqu'un choc nous arrive ou lorsqu'une bénédiction extrême vient à nous. Il y a beaucoup d'autres occasions où le mental, pour ainsi dire, devient calme, ressent pendant le moment sa nature réelle; et un aperçu de l'Infini au-delà, là où les mots ne peuvent parvenir ni le mental aller, nous est révélé. Cela arrive dans la vie ordinaire, mais cela doit être accentué, pratiqué, parfait. Les hommes découvrirent il y a des âges que l'âme n'est pas liée ou limitée par les sens, non, pas même par la conscience. Nous devons comprendre que cette conscience n'est que le nom d'un maillon de la chaîne infinie. Être n'est pas identique à conscience, mais la conscience n'est qu'une partie de l'Être. Au-delà de la conscience, c'est là où se trouve la recherche audacieuse. La conscience est liée par les sens. Au-delà de cela, au-delà des sens, les hommes doivent aller afin de parvenir à des vérités du monde spirituel, et il y a maintenant même des personnes qui ont réussi à aller au-delà des limites des sens. Ces personnes sont appelées Rishis, parce qu'ils vont face à face avec les vérités spirituelles.

Aussi la preuve des Vedas est-elle juste la même que la preuve de cette table devant moi, Pratyaksha, la perception directe. Cela je le vois avec les sens, et les vérités de la spiritualité nous les voyons aussi dans un état supra conscient de l'âme humaine. Cet état de Rishi n'est pas limité par le temps ou l'endroit, par le sexe ou par la race. Vatsyayana déclare hardiment que cette Rishi-ité est la propriété commune des descendants du sage, de l'Aryen, du non-aryen, même du Mlechchha. Cela est l'état de sagesse des Védas, et nous devons nous rappeler constamment cet idéal de la religion en Inde, dont je souhaite que les autres nations du monde se souviennent aussi et apprennent, de telle sorte qu'il puisse y avoir moins de luttes et moins de querelles. La religion ne se trouve pas dans les livres, ni dans les théories, ni dans les dogmes, ni dans le discours, ni même dans le raisonnement. Elle est d'être et de devenir. Oui mes amis, tant que chacun de vous n'est pas devenu un Rishi et ne vienne face à face avec les faits spirituels, la vie religieuse pour vous n'a pas commencé. Tant que le supra conscient ne s'ouvre à vous, la religion n'est que pur discours, ce n'est rien que de la préparation. Vous avez un discours de seconde main, de troisième main, et ici s'applique cette belle parole de Buddha lorsqu'il a eu une discussion avec un brahmane. Il venait discuter de la nature de Brahman, et le grand sage a demandé : "Avez-vous vu Brahman ? " " Non", dit le brahmane; "Ou votre père ?" " Non, lui non plus." "Ou votre grand-père ?" "Je ne pense pas qu'il L'ait vu." "Mon ami, comment pouvez-vous discuter d'une personne que votre père et votre grand-père n'ont jamais vue, et essayer de critiquer ? " C'est ce que fait le monde entier. Parlons le langage du Vedanta : "Cet Atman ne peut pas être atteint par trop de discours, pas même par l'intellect le plus élevé, non, pas même pas l'étude des Vedas eux-mêmes. "

Parlons à toutes les nations du monde dans le langage des Vedas : Vaines sont vos luttes et vos querelles; avez-vous vu Dieu que vous voulez prêcher ? Si vous ne l'avez pas vu, votre prêche est inutile; vous ne savez pas ce que vous dites, et si vous avez vu Dieu, vous ne vous querellerez pas, votre visage même brillera. Un ancien sage des Upanishads envoya son fils apprendre sur Brahman; l'enfant revint et le père demanda : "Qu'as-tu appris ? " Le fils répondit qu'il avait appris beaucoup de sciences. Mais le père dit : "Cela n'est rien, retournes-y." Et le fils repartit, et lorsqu'il revint une nouvelles fois le père posa la même question, et la même réponse vint de l'enfant. Une fois de plus il dut repartir. Et quand il revint, tout son visage brillait; et son père se leva et dit : "Oui, aujourd'hui, mon enfant, ton visage brille comme celui d'un connaisseur de Brahman." Lorsque vous connaîtrez Dieu, votre visage même changera, votre voix changera, votre apparence complète changera. Vous serez une bénédiction pour l'humanité; nul ne peut résister au Rishi. Cela est la Rishi-ité, l'idéal de notre religion. Le reste, tous ces discours, raisonnements, philosophies, dualismes et monismes, et même les Vedas eux-mêmes ne sont que des préparations, des choses secondaires. L'autre est primordiale. Les Vedas, la grammaire, l'astronomie, etc., toutes ces choses sont secondaires, c'est la connaissance suprême qui nous fait réaliser l'Un Immuable. Ceux qui L'ont réalisé sont les sages que l'on trouve dans les Vedas, et nous comprenons comment ce Rishi est le nom d'un type, d'une classe, que chacun d'entre nous, en tant que vrai Hindou, doit devenir à un moment de sa vie, et devenir cela, pour l'Hindou, signifie le salut. Ce n'est pas la croyance en des doctrines, ni le fait d'aller dans des milliers de temples, ni de se baigner dans toutes les rivières du monde, mais c'est le fait de devenir le Rishi, le Mantra-drashta, qui est la liberté, qui est le salut.

 

A des époques plus tardives, il y a eu de grands sages qui 'remuaient le monde', de grandes et nombreuses Incarnations; et selon le Bhagavata elles sont aussi infinies en nombre, et celles qui sont le plus adorées en Inde sont Rama et Krishna. Rama, l'ancienne idole des temps héroïques, l'incarnation de la vérité, de la moralité, le fils idéal, le mari idéal, le père idéal, et par-dessus tout le roi idéal, ce Rama nous a été présenté par le grand sage Valmiki. Aucun langage ne peut être plus pur, aucun plus chaste, aucun plus beau et en même temps plus simple que le langage dans lequel le grand poète a dépeint la vie de Rama. Et que dire de Sita ? Vous pouvez épuiser la littérature passée du monde, et je peux vous assurer que vous devrez épuiser la littérature future du monde avant de trouver une autre Sita. Sita est unique; ce caractère a été dépeint une fois pour toutes. Il peut y avoir eu plusieurs Ramas, peut-être, mais pas plus d'une Sita ! Elle est le type même de la véritable femme indienne, car tous les idéaux indiens de la femme parfaite se sont développés à partir de cette unique vie de Sita, et elle est là depuis ces milliers d'années, forçant l'adoration de tout homme, de toute femme et de tout enfant à travers tout ce pays d'Aryavarta. Elle sera toujours là, cette glorieuse Sita, plus pure que la pureté même, toute patience et toute souffrance. Elle qui a enduré cette vie de souffrances sans un murmure, elle la femme toujours chaste et toujours pure, elle est l'idéal des gens, l'idéal des dieux, la grande Sita, elle doit toujours rester notre Dieu national. Et chacun de nous la connaît trop bien pour exiger plus de dessin. Tout notre mythologie peut disparaître, nos Vedas peuvent même s'en aller, et notre langue sanskrite peut disparaître à jamais, mais aussi longtemps qu'il y aura cinq hindous qui vivent ici, même s'ils parlent le patois le plus vulgaire, l'histoire de Sita restera présente. Notez mes paroles : Sita est entrée dans les organes vitaux même de notre race. Elle est là dans le sang de tout hindou et de toute hindoue; nous sommes tous les enfants de Sita. Toute tentative de modernisation de nos femmes, si elle essaie d'éloigner nos femmes de cet idéal de Sita, est immédiatement un échec, comme nous le voyons tous les jours. Les femmes de l'Inde doivent grandir et se développer dans les empreintes de Sita, et c'est la seule manière.

Le suivant est Celui qui est adoré sous de nombreuses formes, l'idéal favori tant des hommes que des femmes, l'idéal des enfants aussi bien que des adultes. Je veux parler de Celui dont l'auteur du Bhagavata n'était pas satisfait d'appeler une Incarnation, mais qui dit : "Les autres Incarnations n'étaient que des parts du Seigneur. Lui, Krishna, était le Seigneur même." Et il n'est pas étrange que de telles épithètes lui soient appliquées lorsque nous nous émerveillons de son caractère aux multiples facettes. En une seule personne il a été le Sannyasin le plus merveilleux et le plus merveilleux des chefs de famille. Il a été la plus merveilleuse somme de Rajas, de puissance, et en même temps il vivait dans la plus merveilleuse renonciation. Krishna ne pourra jamais être compris avant que vous n'ayez étudié la Gita, car il a été l'incarnation de son propre enseignement. Chacune de ces Incarnations est venue comme illustration vivante de ce qu'elle venait prêcher. Krishna, le prêcheur de la Gita, a été durant toute sa vie l'incarnation du Chant Céleste; il a été la grande illustration du non-attachement. Il abandonne son trône et ne s'en soucie jamais. Lui, le leader de l'Inde, aux paroles duquel les rois descendent de leur trône, ne veut jamais être roi. Il est le simple Krishna, toujours le même Krishna qui jouait avec les Gopis. Ah, ce très merveilleux passage de sa vie, le plus difficile à comprendre, et que nul ne devrait tenter de comprendre avant qu'il ne devienne chaste et pur, cette expansion d'amour absolument merveilleuse, peinte et exprimée dans ce beau jeu à Vrindavan, que nul ne peut comprendre si ce n'est celui qui est devenu fou d'amour, complètement ivre de la coupe d'amour ! Qui peut comprendre les angoisses de l'amour des Gopis, l'idéal même de l'amour, l'amour qui ne veut rien, l'amour qui ne se soucie même pas du paradis, l'amour qui ne se soucie de rien en ce monde ou dans le monde à venir ? Et ici, mes amis, à travers cet amour des Gopis, a été trouvée la seule solution au conflit entre le Dieu Personnel et le Dieu Impersonnel. Nous savons comme le Dieu Personnel est le plus haut point de la vie humaine; nous savons qu'il est philosophique de croire en un Dieu Impersonnel immanent dans l'univers, duquel tout n'est qu'une manifestation. En même temps notre âme soupire après quelque chose de concret, quelque chose que nous voulons empoigner, aux pieds de quoi nous pouvons répandre notre âme, etc. C'est pourquoi le Dieu Personnel est la conception la plus élevée de la nature humaine. Pourtant la raison se trouve consternée à une telle idée. C'est la même vieille, vieille question que nous voyons discutée dans les Brahma-sutras, dont vous voyez Draupadi discuter dans la forêt avec Yudhishthita : s'il y a un Dieu Personnel, tout-compatissant, tout-puissant, pourquoi est-ce l'enfer ici-bas, pourquoi a-t-Il créé cela ? Ce doit être un Dieu partial. Il n'y avait pas de solution, et la seule solution qui puisse être trouvée est ce que vous lisez sur l'amour des Gopis. Elles détestaient tout épithète qui était appliquée à Krishna; elles ne se souciaient pas de savoir qu'il était le Seigneur de la création, elles ne se souciaient pas qu'il fût tout-puissant, elles ne se souciaient pas de savoir qu'il était omnipotent, etc. La seule chose qu'elles comprenaient est qu'il était l'Amour infini, c'était tout. Les Gopis ne comprenaient Krishna que comme le Krishna de Vrindavan. Lui, le leader des armées, le Roi des rois, était pour elles le berger, et le berger à jamais. "Je ne veux pas la richesse, ni beaucoup de gens, et je ne veux pas non plus le savoir; non, je ne veux même pas aller au paradis. Que je renaisse encore et encore, mais Seigneur, accordez-moi ceci, que je puisse avoir de l'amour pour Toi, et cela par amour de l'amour. " Un grand point de repère dans l'histoire de la religion se trouve ici, l'idéal de l'amour pour l'amour, du travail pour le travail, du devoir pour le devoir, et c'est tombé pour la première fois des lèvres de la plus grande des Incarnations, Krishna, et pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, sur le sol de l'Inde. Les religions de peur et de tentations s'étaient envolées à jamais, et en dépit de la peur de l'enfer et de la tentation des plaisirs au paradis est arrivé le plus grands des idéaux : l'amour pour l'amour, le devoir pour le devoir, le travail pour le travail.

Et quel amour ! Je viens de vous dire qu'il est très difficile de comprendre l'amour des Gopis. Les imbéciles ne manquent pas, même parmi nous, qui ne peuvent pas comprendre la signification merveilleuse de cet épisode le plus merveilleux de tous. Il y a, je le répète, des fous imbéciles impurs, qui sont même nés de notre sang, qui tentent de reculer devant cela comme si c'était quelque chose d'impur. Je n'ai que cela à leur dire : purifiez-vous d'abord; et vous devez vous rappeler que celui qui raconte l'histoire de l'amour des Gopis n'est autre que Shuka Deva. L'historien qui enregistre cet amour merveilleux des Gopis est une personne qui est née pure, l'éternellement pur Shuka, le fils de Vyasa. Aussi longtemps qu'il y a de l'égoïsme dans le coeur, l'amour de Dieu est impossible; çà n'est rien d'autre que du commerce : "Je vous donne quelque chose; O Seigneur, vous me donnez quelque chose en retour"; et le Seigneur dit : "Si tu ne le fais pas, je prendrai grand soin de toi lorsque tu mourras. Je te ferai peut-être griller tous le reste de tes vies ", etc. Aussi longtemps qu'il y a de telles idées dans le cerveau, comment peut-on comprendre les folles douleurs de l'amour des Gopis ? " O pour un seul, un seul baiser de ces lèvres ! Celui qui a été embrassé par Toi, sa soif de Toi s'accroît à jamais, toutes les peines disparaissent, et il oublie l'amour de tout ce qui n'est pas Toi et Toi seul. " Oui, oubliez d'abord l'amour de l'argent, du nom et de la réputation, de ce petit monde de camelote qu'est le nôtre. Alors, et alors seulement, vous comprendrez l'amour des Gopis, trop saint pour être tenté sans avoir tout abandonné, trop sacré pour être compris avant que l'âme ne soit devenue parfaitement pure. Les gens avec des idées de sexe, d'argent et de réputation qui bouillonnent à chaque minute dans le coeur, qui osent critiquer et comprendre l'amour des Gopis ! C'est l'essence même de l'Incarnation de Krishna. Même la Gita, la grande philosophie elle-même, ne peut se comparer avec cette folie, car dans la Gita on enseigne lentement au disciple comment marcher vers le but, mais ici c'est la folie de la jouissance, l'ivresse de l'amour, où disciples, enseignants, enseignements, livres et toutes ces choses se sont unies; même les idées de peur, Dieu, le paradis, tout a été jeté. Ce qui reste est la folie de l'amour. C'est l'oubli de tout, et l'amant ne voit rien d'autre dans le monde que Krishna et Krishna seulement, le visage de tout être devient un Krishna, son propre visage ressemble à Krishna, son âme s'est colorée de la couleur de Krishna. C'était le grand Krishna !

Ne perdez pas votre temps à de petits détails. Prenez l'ossature, l'essence de la vie. Il peut y avoir beaucoup de désaccords historiques, il peut y avoir des interpolations dans la vie de Krishna. Toutes ces choses peuvent être vraies; mais en même temps il doit y avoir eu une base, un fondement pour cette nouvelle et formidable orientation. Si l'on prend la vie de n'importe quel autre sage ou prophète, nous voyons que ce prophète n'est que l'évolution de ce qui est advenu avant lui, nous voyons que ce prophète ne fait que prêcher les idées qui avaient été dispersées autour de son propre pays même en son propre temps. Il peut exister de grands doutes allant même jusqu'à l'existence de ce prophète. Mais ici, je défie quiconque de montrer que ces choses : le travail pour le travail, l'amour pour l'amour, le devoir pour le devoir, ne sont pas des idées qui sont apparues avec Krishna, et en tant que telles il doit y avoir eu quelqu'un avec qui ces idées sont apparues. Elles n'ont pas pu être empruntées à quelqu'un d'autre. Elles ne flottaient pas dans l'atmosphère lorsque Krishna est né. Mais le Seigneur Krishna en a été le premier prêcheur; son disciple Vyasa s'en est emparé et l'a prêchée à l'humanité. C'est l'idée la plus élevée à peindre. La chose la plus élevée que nous puissions obtenir de lui est Gopijanavallabha, le Bien-aimé des Gopis de Vrindavan. Lorsque cette folie arrivera dans votre cerveau, alors vous comprendrez les Gopis bénies, alors vous comprendrez ce qu'est l'amour. Quand le monde entier s'évanouira, quand toutes les autres considérations se seront éteintes, quand vous serez devenus purs de Coeur sans aucun autre dessein, pas même la recherche de la vérité, alors et alors seulement vous viendra la folie de cet amour, la force et la puissance de cet amour infini qu'avaient les Gopis, cet amour pour l'amour. Cela est le but. Quand vous avez obtenu cela, vous avez tout obtenu.

Pour en venir à une strate inférieure : Krishna, le prêcheur de la Gita. Oui, il y a actuellement en Inde une tentative qui est comme de mettre la charrue avant les bœufs. Beaucoup de gens pensent chez nous que Krishna en tant qu'amant des Gopis est quelque chose de plutôt étrange, et les Européens n'aiment pas beaucoup çà. Le Dr. Machin ne l'aime pas. Alors bien sûr les Gopis doivent partir ! Sans la sanction des Européens, comment Krishna peut-il vivre ? Il ne le peut pas ! Il n'y a aucune mention des Gopis dans le Mahabharata si ce n'est à un ou deux endroits, et ce ne sont pas des endroits très remarquables. Dans la prière de Draupadi il est fait mention de la vie à Vrindavan, et dans le discours de Shishupala il est encore fait mention de ce Vrindavan. Tous sont des interpolations ! Ce que les Européens ne veulent pas doit être enlevé. Il y a des interpolations, la mention des Gopis et de Krishna aussi ! Bon, avec ces hommes qui baignent dans le mercantilisme, où même l'idéal de la religion est devenu commercial, ils essaient tous d'aller au paradis en faisant quelque chose ici; le bania veut un intérêt composé, il veut mettre quelque chose de côté ici et en jouir là-bas. Les Gopis n'ont certainement pas de place dans un tel système de pensée. De cet amant idéal nous descendons à la strate inférieure de Krishna, le prêcheur de la Gita. Avec la Gita aucun meilleur commentaire n'a été écrit ou ne peut être écrit sur les Vedas. L'essence des Shrutis, ou des Upanishads, est difficile à comprendre, voyant qu'il y a tant de commentateurs, chacun essayant d'interpréter à sa propre manière. Puis arrive le Seigneur Lui-même, Lui qui est l'inspirateur des Shrutis, pour nous en montrer la signification, en tant que prêcheur de la Gita, et aujourd'hui l'Inde ne veut rien de mieux, le monde ne veut rien de mieux que cette méthode d'interprétation. C'est un miracle que les commentateurs ultérieurs des écritures, même en commentant la Gita, n'ont pas très souvent pu en saisir le sens, n'ont pas très souvent pu en saisir le mouvement. Car que trouvez-vous dans la Gita, et que trouvez-vous dans les commentateurs modernes ? Un commentateur non dualiste s'empare d'une Upanishad ; il y a tant de passages dualistes, et il les tord et les torture en une signification, et il veut tous les amener à une signification de son cru. Si un commentateur dualiste arrive, il y a tant de textes non dualistes qu'il commence à torturer, pour les amener tout rond à un sens dualiste. Mais vous voyez que dans la Gita il n'y a aucune tentative de torturer aucun d'entre eux. Ils sont tous bons, dit le Seigneur ; car l'âme humaine s'élève doucement et graduellement, pas à pas, du grossier au subtil, du subtil au plus subtil, jusqu'à ce qu'elle atteigne l'Absolu, le but. Voilà ce qui est dans la Gita. Même le Karma Kanda est discuté, et il est montré que même s'il ne peut pas donner de salut direct, mais seulement d'une manière indirecte, il est pourtant valable aussi; les images sont valables indirectement; les cérémonies, les formes, tout est valable à une seule condition, la pureté de cœur. Car le culte est valable et il mène au but si le cœur est pur et si le cœur est sincère; et tous ces différents modes de culte sont nécessaires, sinon pourquoi seraient-ils là ? Les religions et les sectes ne sont pas le travail d'hypocrites et de mauvaises gens qui ont inventé toutes ces choses pour obtenir un peu d'argent, comme certains de nos hommes modernes veulent le penser. Même si cette explication peut sembler raisonnable, elle n'est pas vraie, et elles n'ont pas du tout été inventées de cette façon. Elles sont le résultat du besoin de l'âme humaine. Elles sont toutes là pour satisfaire le vif désir et la soif de différentes classes d'esprits humains, et vous n'avez pas besoin de prêcher contre elles. Le jour où cette nécessité cessera, elles s'évanouiront avec la cessation de cette nécessité, et aussi longtemps que cette nécessité demeure, elles doivent être là en dépit de votre prêche, en dépit de votre critique. Vous pouvez mettre en oeuvre l'épée et le canon, vous pouvez noyer le monde de sang humain, mais aussi longtemps qu'il y a un besoin d'idoles, elles doivent rester. Ces formes, et toutes les différentes étapes de la religion resteront, et nous comprenons pourquoi elles le doivent à partir du Seigneur Krishna.

Arrive maintenant un chapitre plutôt plus triste de l'histoire de l'Inde. Dans la Gita nous entendons déjà le bruit lointain des conflits de sectes, et le Seigneur vient au milieu pour toutes les harmoniser; Lui, le grand enseignant de l'harmonie, le plus grand enseignant de l'harmonie, le Seigneur Shri Krishna. Il dit : " Elles sont toutes enfilées en moi comme des perles sur un fil. " Nous entendons déjà les sons lointains, les murmures du conflit, et il y a vraisemblablement eu une période d'harmonie et de calme avant que çà n'éclate de nouveau, non seulement sur des bases religieuses, mais très vraisemblablement sur des bases de castes, le combat entre les deux puissants facteurs de notre communauté, les rois et les prêtres. Et de la crête la plus élevée de la vague qui a noyé l'Inde pendant presque un millier d'années, nous voyons une autre figure glorieuse, et c'est notre Gautama Shakyamuni. Nous sommes tous au courant de son enseignement et de ses prédications. Nous l'adorons comme Dieu incarné, le prédicateur de moralité le plus grand, le plus hardi que le monde ait jamais vu, le plus grand Karma-Yogi; le même Krishna est venu, pour ainsi dire comme disciple de lui-même, pour montrer comment rendre ces théories pratiques. La même voix est revenue qui prêchait dans la Gita : "Même le petit peu de cette religion qui est pratiqué sauve d'une grande peur." " Les femmes, ou les Vaishyas, ou même les Shudras, tous atteignent le but le plus élevé. " Brisant l'asservissement de tous, les chaînes de tous, déclarant la liberté de tous pour atteindre le but le plus élevé, arrivent les paroles de la Gita, gronde comme le tonnerre la voix puissante de Krishna : "Dans cette vie même ils ont conquis la relativité, ceux dont l'esprit est fermement fixé sur l'identité, car Dieu est pur et le même pour tous, aussi de tels hommes sont-ils dits vivre en Dieu. " " Voyant ainsi le même Seigneur présent partout de la même manière, le sage ne blesse pas le Soi avec le soi, et ainsi il atteint le but le plus élevé. " Comme pour donner un exemple vivant de ce sermon, comme pour en rendre pratique au moins une partie, le prédicateur lui-même est venu sous une autre forme, et ce fut Shakyamuni, le prédicateur du pauvre et du misérable, lui qui a même rejeté la langue des dieux pour parler dans la langue du peuple de telle sorte qu'il puisse toucher le cœur des gens, lui qui a abandonné un trône pour vivre avec les mendiants, les pauvres et les déprimés, lui qui pressait le pariah sur sa poitrine comme un deuxième Rama.

Vous êtes tous au courant de sa grande œuvre, de son grand caractère. Mais l'œuvre a un grand défaut, et nous en souffrons même aujourd'hui. Nul blâme ne s'attache au Seigneur. Il est pur et glorieux, mais malheureusement de tels idéaux élevés ne peuvent pas être bien assimilés par les différentes races barbares et incultes de l'humanité qui se sont précipitées au sein des Aryens. Ces races, avec diverses superstitions et cultes hideux, se sont précipitées au sein des Aryens et ont semblé pendant un certain temps s'être civilisées, mais avant qu'un siècle se soit écoulé ils ont sorti leurs serpents, leurs fantômes, et toutes les autres choses que leurs ancêtres avaient l'habitude d'adorer, et c'est ainsi que toute l'Inde est devenue une masse dégradée de superstition. Les bouddhistes plus anciens avaient dénoncé les sacrifices des Vedas dans leur rage contre le meurtre des animaux; et ces sacrifices étaient habituellement faits dans toutes les maisons. Il y avait un feu qui brûlait, et c'était tout l'attirail du culte. On fit disparaître ces sacrifices et à leur place sont apparus des temples fastueux, des cérémonies fastueuses, des prêtres fastueux et tout ce que vous voyez en Inde à l'époque moderne. Je souris quand le lis des livres écrits par des modernes qui auraient du mieux connaître, selon lesquels le Buddha a été le destructeur de l'idolâtrie brahmanique. Ils savent peu que le Bouddhisme a créé le Brahmanisme et l'idolâtrie en Inde.

Il y a eu un livre qui a été écrit il y a un an ou deux par un Russe, qui clamait avoir trouvé une très curieuse vie de Jésus Christ, et il dit dans une partie du livre que Christ était venu au temple de Jagannath pour étudier avec les Brahmines mais qu'il avait fini par être dégoûté de leur exclusivisme et de leurs idoles et qu'à la place il s'était rendu alors chez les Lamas du Tibet, était devenu parfait et était rentré chez lui. Pour quiconque connaît quelque chose de l'histoire indienne, cette affirmation même prouve que toute l'affaire était une fraude, car le temple de Jagannath est un vieux temple bouddhiste. Nous en avons pris la direction ainsi que d'autres et nous les avons re-hindouisés. Nous devrons encore faire beaucoup de choses comme cela. C'était Jagannath, et il n'y avait alors pas un seul brahmine, et on nous dit pourtant que Jésus-Christ est venu y étudier avec les brahmines. C'est ce que dit notre grand archéologue russe. (1)

Ainsi, malgré la prédication de miséricorde envers les animaux, malgré la sublime religion éthique, malgré les discussions subtiles sur l'existence ou la non existence d'une âme permanente, tout l'édifice bouddhiste est tombé en morceaux; et la ruine fut simplement effroyable. Je n'ai ni le temps ni le penchant pour vous décrire la laideur qui est survenue dans le sillage du Bouddhisme. Les cérémonies les plus hideuses, les livres les plus horribles, les plus obscènes que des mains humaines aient jamais écrits ou que le cerveau humain ait jamais conçus, les formes les plus bestiales qui soient jamais passées sous le nom de religion, ont tous été les créations du Bouddhisme dégradé.

Mais l'Inde doit vivre, et l'esprit du Seigneur est redescendu. Celui qui a déclaré : " Je viendrai à chaque fois que la vertu s'affaissera ", est revenu, et cette manifestation était cette fois-ci dans le Sud, et ce jeune Brahmane est apparu dont il a été déclaré qu'à seize ans il avait terminé tous ses écrits; le merveilleux garçon surgit. Les écrits de ce garçon de seize ans sont les merveilles du monde moderne, et c'est ce qu'était le garçon. Il voulait ramener le monde Indien à sa pureté immaculée, mais pensez à l'importance de la tâche qui se trouvait devant lui. Je vous ai donné quelques détails sur l'état des choses qui existait en Inde. Toutes ces horreurs que vous essayez de réformer sont le résultat de ce règne de dégradation. Les Tartares et les Baluchis et toutes les races effroyables du genre humain sont venues en Inde et sont devenues bouddhistes, elles se sont assimilées à nous et ont apporté leurs coutumes nationales, et la totalité de notre vie nationale est devenue une page immense de coutumes les plus horribles et les plus bestiales. C'est l'héritage que ce garçon avait reçu dus Bouddhistes, et depuis cette époque jusqu'à aujourd'hui, tout le travail en Inde est une reconquête de cette dégradation bouddhiste par le Vedanta. Cela continue encore, çà n'est pas encore fini. Shankara est arrivé, grand philosophe, et il a montré que l'essence réelle du Bouddhisme et celle du Vedanta n'étaient pas différentes, mais que les disciples n'avaient pas compris le Maître et qu'ils s'étaient avilis, qu'ils niaient l'existence de l'âme et de Dieu et étaient devenus athées. C'est ce que Shankara a montré, et tous les bouddhistes ont commencé à revenir à l'ancienne religion. Mais ils étaient alors accoutumés à toutes ces formes; que pouvait-on faire ?

Puis le brillant Ramanuja est arrivé. Shankara, avec son grand intellect, n'était pas grand de coeur, j'en ai peur. Le coeur de Ramanuja était plus grand. Il ressentait pour les opprimés, il sympathisait avec eux. Il a pris les cérémonies, les additions qui avaient été faites, il les purifia autant qu'il le put et il institua de nouvelles cérémonies, de nouvelles méthodes de culte pour les gens qui en avaient absolument besoin. Il ouvrit en même temps la porte au culte spirituel le plus élevé, du brahmane au pariah. Ce fut l'œuvre de Ramanuja. Cette oeuvre s'étendit, envahit le Nord, y fut adoptée par de grands leaders; mais ce fut bien plus tard, sous le règne mahométan; et le plus brillant de ces prophètes des temps relativement modernes dans le Nord a été Chaitanya.

Vous pouvez noter une caractéristique depuis l'époque de Ramanuja : l'ouverture de la porte de la spiritualité à tout le monde. Cà a été le mot d'ordre de tous les prophètes qui ont succédé à Ramanuja comme çà avait été le mot d'ordre de tous les prophètes avant Shankara. Je ne sais pas pourquoi Shankara devrait être représenté comme plutôt exclusif; je ne vois rien dans ses écrits qui soit exclusif. Comme dans le cas des déclarations du Seigneur Buddha, cet exclusivisme qui a été attribué à l'enseignement de Shankara est très probablement dû non à son enseignement, mais à l'incompétence de ses disciples. Ce grand sage unique du Nord, Chaitanya, représentait l'amour fou des Gopis. Lui-même brahmane, né d'une des familles les plus rationalistes du jour, lui-même professeur de logique qui combattait et remportait une victoire de mots - car il avait appris depuis son enfance que cela était l'idéal le plus élevé de la vie, et pourtant grâce à la miséricorde d'un sage toute la vie de cet homme changea; il abandonna son combat, ses querelles, son professorat de logique et il devint l'un des plus grands enseignants de Bhakti que le monde a jamais connu - Chaitanya le fou. Sa Bhakti s'étendit sur tout le pays du Bengale, apportant de la consolation à tout le monde. Son amour n'avait pas de limites. Le saint ou le pécheur, l'hindou ou le mahométan, le pur ou l'impur, la prostituée, la racoleuse, tous eurent une part de son amour, tous eurent une part de sa miséricorde; et même aujourd'hui, bien que fortement dégénérée comme tout le devient avec le temps, sa secte est le refuge du pauvre, de l'opprimé, du proscrit, du faible, de ceux qui ont été rejetés par toute société. Mais je dois remarquer en même temps par amour de la vérité que nous voyons ceci : dans les sectes philosophiques nous trouvons un libéralisme merveilleux. Il n'y a pas un homme qui suit Shankara qui dira que toutes les différentes sectes de l'Inde sont réellement différentes. Il a été en même temps un immense défenseur de l'exclusivisme en ce qui concerne la caste. Mais avec tout prédicateur vaishnavite nous voyons un libéralisme merveilleux pour ce qui est de l'enseignement des questions de caste mais de l'exclusivisme pour ce qui concerne les questions religieuses.

L'un avec une grande tête, l'autre un coeur immense, et le temps était mûr pour que naisse l'incarnation des deux, de cette tête et de ce coeur; le temps était mûr pour que naisse celui qui en un seul corps aurait le brillant intellect de Shankara et le coeur merveilleusement expansif, infini, de Chaitanya; celui qui verrait dans chaque secte le même esprit au travail, le même Dieu; celui qui verrait Dieu en tout être, celui dont le coeur pleurerait pour le pauvre, pour le faible, pour l'opprimé, pour tous dans ce monde, en Inde et en-dehors de l'Inde; et en même temps dont l'intellect brillant concevrait des pensées si nobles qu'elles harmoniseraient toutes les sectes en conflit, non seulement en Inde mais en dehors de l'Inde, et donnerait vie à une harmonie merveilleuse, la religion universelle de la tête et du cœur. Un tel homme est né, et j'ai eu le bonheur de m'asseoir à ses pieds pendant des années. Le temps était mûr, il était nécessaire qu'un tel homme naisse, et il est venu; et la partie la plus merveilleuse de cela a été que l'œuvre de sa vie s'est déroulée tout près d'une ville remplie de pensée occidentale, une ville qui était devenue folle de ces idées occidentales, une ville qui était devenue plus européanisée que n'importe quelle autre ville de l'Inde. Il a vécu là, sans aucune érudition que ce fût; ce grand intellect n'avait même jamais appris à écrire son propre nom *, mais les diplômés les plus brillants de notre université ont trouvé en lui un géant intellectuel. C'était un homme étrange, ce Shri Ramakrishna Paramahamsa. C'est une longue, longue histoire, et je n'ai pas le temps de vous dire quoi que ce soit sur lui ce soir. Laissez-moi seulement mentionner que le grand Shri Ramakrishna, l'accomplissement des sages de l'Inde, le sage de l'époque, celui dont l'enseignement est juste maintenant, à l'époque actuelle, le plus salutaire. Et remarquez le pouvoir divin qui travaille derrière l'homme. Le fils d'un pauvre prêtre, né dans un village loin de tout et de tous, inconnu et auquel on ne pense pas, est aujourd'hui adoré littéralement par des milliers de gens en Europe et en Amérique, et il sera adoré demain par des milliers de plus. Qui connaît les plans du Seigneur !

Alors, mes frères, si vous ne voyez pas la main, le doigt de la Providence, c'est parce que vous êtes aveugles, nés aveugles en vérité. Si le temps arrive, ainsi qu'une autre occasion, je vous parlerai plus complètement de lui. Laissez-moi seulement dire que si je vous ai dit une parole de vérité, elle était sienne et seulement sienne, et si je vous ai dit beaucoup de choses qui n'étaient pas vraies, qui n'étaient pas correctes, qui n'étaient pas bénéfiques à la race humaine, elles étaient toutes miennes, et la responsabilité se trouve sur moi.

 

* Une recherche ultérieure a montré que bien que Sri Ramakrishna était pratiquement analphabète au sens occidental, il pouvait lire et écrire leBengali.

(1) The Unknown Life of Jesus-Christ, by Nicholas Notovich (ndt)