Selon létymologie sanscrite, le mot Râmâyana signifie le parcours, le chemin, la mission ou lexemple (Ayana) de Râma. Râma est un nom ou un aspect de Dieu qui représente la vérité (Satyam), la bonté (Shivam) et la beauté (Soundaram). Râma est considéré comme un Avatâr de Dieu (AUM) dans son aspect de préservation et dorganisation (Vishnou). Vishnou symbolise un concept pur et élevé de Dieu car il représente le Sattva Gouna ou la nature pure, équilibrée, désintéressée et éclairée. Dans les Pourânas, il y a trois types dadoration de Dieu: il y a ladoration pure et éclairée ( adoration Sattvique de Vishnou), ladoration passionnelle et intéressée (Rajassique de Brahmâ) et ladoration perverse, inférieure et impure (Tâmassique de Shiva). Il faut cependant ajouter quil existe aussi ladoration pure de Brahmâ et de Shiva sous leurs aspects sattviques.
Les Védas proclament quil y a un seul Dieu impérissable, qui sappelle AUM ou OM: Aum iti ekâksharam. Les Védas proclament également Ekam sat viprâ bahoudâ vadanti- Il y a un seul Dieu mais les prophètes lui ont donné plusieurs noms. AUM est le Créateur OMniprésent, OMnipotennt et OMniscient, qui est sans commencement et infini. Il est Source mystérieuse adorable et incomparable. Dieu accomplit plusieurs fonctions dans Sa création et, par rapport à ces fonctions multiples, différents noms Lui sont attribués. LUnique Dieu est ainsi invoqué par plusieurs noms tels que Indra, Varouna, Agni, Ishvara, Brahmâ, Vishnou, Shiva, Ganesha, Skanda, Bhagavân, etc. Il faut souligner que tous ces noms et concepts sont attribués au seul et unique Dieu et certainement pas à des dieux ou à des entités différentes. C'est ça la philosophie de l'unité dans la diversité préchée par la Sanâtana Dharma. De tous les noms de Dieu, les Védas proclament AUM comme étant le plus puissant, le plus important, englobant tous les attributs de lunique Dieu de toute la création - Il LUnique Seigneur des mondes et des créatures- Patir Eka Asit. La grandeur de AUM est brièvement expliquée dans le Gâyatri Mantra, qui est lessence même des Védas et du Râmâyana, bref de la Sanâtana Dharma.
La philosophie de lunité dans la diversité, de la diversité dans lunité et de la suprématie de LUnique Puissance Incomparable et Invisible (Ishvara) est très appréciée parmi les hindous avertis. Les hindous pratiquants sont essentiellement monothéistes (inspirés par le monothéisme sans frontière et tolérant) car ils vénèrent une seule et unique Puissance Suprême qui génère une multitude de forces cosmiques à partir de Sa Volonté. Ainsi ils conçoivent Dieu comme une essence unique mais qui comporte également la diversité et la multiplicité qui caractérisent la nature de Sa création. Cela est dautant plus quévident si lon considère les mantras pouraniques comme Aum namah shivâya, Aum namo bhagavaté vâsudevâya ou Aum shrî ganeshâya namah. Par exemple, Aum namah shivâya démontre clairement quon est en train dinvoquer ou de saluer (namah) Shiva, qui est un aspect fonctionnel (un fonctionnaire) de AUM. Cest la même chose pour tous les autres mantras invocatoires spécifiques. Puisque Dieu est adorable (Varenyam), chaque aspect de Dieu, qui est manifesté dans la nature, est également une force digne de respect et de vénération. Même parmi les Islamistes qui sont farouchement monothéistes(ils sont malheureusement animés par un monothéisme exclusif et intolérant), il y a les quatre vingt dix neuf noms dAllah. Nul ne peut échapper à cette loi naturelle. Ladoration dun aspect de Dieu (AUM associé avec Namah) est considérée comme une façon détournée et confuse dadorer lunique Seigneur selon la Bhagavad Gîtâ. Néanmoins, les Pourânas et la Gîtâ nous assurent que tous les louanges et prières adressés aux différents aspects divins vont finalement à lunique Dieu, connu comme Adhiyagnya, qui est l'Âme Suprême[Keshava] habitant le cur de tous sans distinctions. Sarva devâ namaskâram keshavam prati gacchati.
Le Râmâyana raconte que Dieu, La Conscience Divine, Aum, sest incarné dans une forme humaine[Lîlâ Mânousha Vesham ou Esprit fait chair] avec une conscience pure, équilibrée et illuminée afin détablir ou de rétablir la route qui mène à laccomplissement de la vie et éventuellement à la réalisation de la divinité essentielle de lhomme [Sanâtana Dharma]. Un Avatâra est unanimement accepté comme une descente de la Grâce Divine (Rahim/Rahmân -en Arabe). Mais plus précisément le principe de Avatâra, Avatar, démontre clairement la naissance de Dieu, qui est sans naissance et sans la mort, dans une forme humaine. Ceci est à première vue une contradiction flagrante. Comment Dieu, qui transcende la naissance et la mort peut-il naître comme un humain? Mais après mure réflexion on arrive à comprendre que Dieu, qui est l'âme Suprême qui demeure au fond de l'être vivant et de la création, n'est pas une évidence tangible et concrète. On doit assumer son existence, on doit le deviner, on doit croire en Lui sans jamais le voir ni le connaître. Mais c'est grâce à Lui que tout existe, tout le monde expérience le monde et que l'évolution suit son cours. Ainsi, en accord avec des lois mystérieuses, l'Etre sans naissance arrive à se manifester chez un individu qui s'est suffisamment développé spirituellement en vue de l'aider dans son parcours vers la réalisation du Soi Divin, Satchidânanda. C'est cette descente volontaire de l'Esprit Saint Impérissable dans un corps mortel que La Sanâtana Dharma appelle Avatar. C'est la loi de la Compassion, de L'Amour Divine basée sur le mérite, Prâpti. LAvatar ne descend pas sur Terre que pour ses loisirs divins et pour restituer un état déquilibre dans le monde en général. En sus de ça, il se présente comme un modèle à émuler, comme lexemple vivant de lart de vivre qui conduit au bonheur terrestre et céleste. Les raisons pour lesquelles il manifeste une grande partie des attributs humains sont premièrement par ce quil est associé avec une conscience humaine limitée à un corps[ego] et deuxièmement dans le but dinspirer les hommes à suivre son exemple, sa voie(Ayana). Mais la réalité demeure que la Conscience de l'Avatar est de nature cosmique et supra-cosmique. Il possède la conscience de Vasudha-iva Kutumbakam:-le monde est comme une seule famille, et Aham Brahmâsmi : Je suis un avec L'Etre Suprême(en mon âme et conscience). La particularité de l'Avatâr Râma est qu'il ne fait pas de grands discours spirituels ou philosophiques comme dans le cas de Krishna. Il na pas enseigné en prêchant mais en pratiquant les codes de la vie noble.
Cest aussi le cas du Maître et Avatar Jésus qui nous montre de par son exemple quil faut senrichir spirituellement, quil faut résister aux tentations du mal, quil faut oeuvrer pour le bien et le salut des autres, quil faut aimer et pardonner, quil faut avoir une foi inébranlable en Dieu[le Soi Suprême] et quil faut agir de sorte à atteindre le Royaume Intérieur et Éternel de Dieu. Il nous enseigne en outre quil faut que chacun porte son fardeau ou sa croix [le karma], que chacun va être jugé par un juge impartial selon ses actes, paroles et pensées, quil faut accepter la souffrance avec sérénité et surtout au dernier moment il faut se souvenir de Dieu, avoir une bonne pensée et se soumettre à La Volonté Divine. Et pour celui qui a pratiqué la vertu et lamour, il ny a pas de destruction(dans la cave hermétique et obscure de loubli du plan causatif) mais la Résurrection qui mène vers un état divin et libéré. En laissant derrière lui son Enseignement qui a transformé le cours de lhistoire occidentale, il nous indique que cest par notre façon de vivre (la noble culture) quon peut changer le monde en un paradis. La façon dagir de chaque individu produit un effet non négligeable sur le destin du monde, même après sa mort. Car l'homme meurt mais ses actes et pensées demeurent. Cest la même vérité que LAvatâr Râma a enseigné des milliers dannées auparavant.
Spirituellement parlant, il y a deux niveaux essentiels où lon peut placer lincarnation de Râma. Le premier est au plan historique ou culturel: la descente de lincarnation divine sur la Terre au Treta Youga(à la deuxième époque de lévolution spirituelle) afin déliminer le mal et afin de promouvoir le Aryadharma ou Sanâtana Dharma(la vie noble et naturelle). Le deuxième se situe au niveau individuel: la descente de la Grâce Divine dans le cur dun être humain qui sefforce sincèrement de sunir avec la Source de toute lexistence et de réaliser le but de la vie. Le premier Râma est appelé Maryâdâ Pouroushottama Râma- le modèle exemplaire de la vertu tandis que le second sappelle Adhyâtmâ Râma- la Grâce Divine. Alors quon peut lire et apprécier la gloire de Maryâdâ Râma dans le Aithihâsika Râmâyana ou lécriture sainte, celle de Adhyâtmâ Râma est très soigneusement dissimulée dans un langage ésotérique au fond du Aithihâsika ou Sthûla ou Kusha Râmâyana. Le cheminement de Adhyâtmâ Râma est traité dans ce quon peut appeler le Adhyâtmâ ou Sûkshma ou Lava Râmâyana, le sujet de ce présent ouvrage. Il existe une version du Râmâyana qui s'appelle Adhyâtmâ Râmâyana mais c'est plutôt une version Advaita du Râmâyana. On peut l'appeler Advaita Râmâyana pour éviter toute amalgame avec notre ouvrage.
Dune façon très modeste et sommaire on va essayer de découvrir ensemble dans cet ouvrage une toute autre lecture du Râmâyana. Le but recherché dans cet ouvrage est simple: démontrer que le Râmâyana est une écriture qui a une portée universelle et intemporelle. Il est plus que probable que nimporte quel individu, peu importe sa foi ou sa culture, et à nimporte quelle époque de lhistoire humaine peut y trouver une dimension spirituelle de son existence. Pour cela il doit progresser spirituellement jusqu'au niveau de Prâpti. Dans le Râmacharit Mânas, cette même idée est véhiculée quand le poète Toulsidâs explique que lhistoire du Râmâyana se répète dâge en âge avec les mêmes héros, les mêmes événements et le même dénouement. Cela signifie quà nimporte quelle époque quand la grâce de Dieu va descendre chez un individu, elle évoluera dans une façon unilatérale. Le mot qui indique un principe universel et intemporel est Sanâtana, qui veut aussi dire Éternel. Et cest pour cette raison que le Râmâyana fait partie intégrante de la Sanâtana Dharma- La Religion Universelle et Éternelle. Dans le Râmâyana, Vâlmiki fait la prophétie suivante à propos de lavenir de son livre:
Lautre ambition de cet ouvrage consiste à déclencher une vague de réflexion et dappréciation dautres sujets spirituels et ésotériques que recèle le Shrimad Râmâyana au fond de ses entrailles.
Le Râmâyana est une invitation et une exhortation à entreprendre une aventure mystique à lintérieur de soi-même en suivant le guide exemplaire quest Shrî Râmachandra. Ce pèlerinage se culmine dans lépanouissement totale de lêtre et contribue dune façon significative dans la construction dun monde meilleur [Râmarâjya]. Nest-ce pas cela la mission déclarée de toutes les religions et de tous les prophètes. Puisque le Râmâyana nous instruit à la place dun adepte (Gourou), il a toujours jouit dun respect profond et dune vénération certaine. Et on va découvrir au fil de cet exercice de décryptage que ce respect nest aucunement mal placé. Il faut souligner que le Maître Shrî Râmachandra n'est plus là mais l'état qu'il a atteint [Râma], et le voyage qu'il a parcouru dans tous ses étapes aussi bien que les enseignements qu'il a légués à l'humanité sont impérissables et inestimables. Le but de cet ouvrage n'est certainement pas de créer un nouveau culte d'adoration voué à un nouveau Dieu ou à Dieu sous un nouveau nom associé à une personnalité aussi extraordinaire qu'est Shrî Râmachandra de Ayodhyâ. Le but de cet ouvrage est d'élever la conscience des aspirants au-delà des concepts limités et de les encourager entreprendre le voyage extraordinaire qu'entreprit Shrî Râmachandra au Tretâ Youga pour atteindre le bonheur suprême de tous.
On va donc traiter le Râmâyana sous langle de la descente et de laction (Ayana) de la Grâce Divine ou de la Conscience Divine (Râma/Rahmân/Atman) chez une personne qui cherche à sunir avec Dieu et, qui de part cette union(Yoga), essayera de manifester sa Divinité intrinsèque dans toute sa plénitude et sa splendeur.
Quelles sont les conditions essentielles qui favorisent la descente de la Grâce? Quelles sont les étapes successives de cette manifestation? Quelles sont les directions à prendre? Quels sont les pièges à éviter? Tous ces sujets seront brièvement examinés dans le Adhyâtmâ Râmâyana. Pour nous faciliter la tâche, on va recourir au Vâlmiki Râmâyana aussi bien quau Râmcharit Mânas de Toulsidas. Ça et là et de temps à autre, on fera référence à dautres textes religieux dans un souci de bien faire passer une idée et de la soutenir par une autorité biblique.
Le décryptage du Râmâyana, du chemin qui conduit à la réalisation de la divinité, sera présenté en neuf tableaux distincts, qui indiqueront les neuf étapes vers la réalisation complète. La version du Adhyâtmâ Râmâyana offerte ici sera répartie en trois chapitres. On va avant tout essayer de percer le symbolisme des héros principaux qui vont participer à la mission, ensuite on examinera brièvement les conditions essentielles qui mèneront à la manifestation de la Grâce, qui se placera en neuvième position[Navami]. La séquence des événements et des étapes de la mission suivra plus ou moins celle du Aithihâsika Râmâyana. Donc une lecture préalable du Aithihâsika Râmâyana faciliterait largement la compréhension de lessence cachée de lhistoire.
Pour vous aider à avoir une idée générale de la mission de Shrî Râma, vous est présenté ci-dessous le Eka Shlokî Râmâyana, qui se traduit comme la mission de Râma en un seul verset. Le verset reproduit les étapes majeures de la mission en neuf clichés.
Ne vous en faites pas si cette présentation est trop simpliste car vous aurez loccasion dapprécier lhistoire de Râma dans les grandes lignes à lAppendice II. Il est intéressant de souligner que les deux versions présentées dans cet ouvrage peuvent être chantées. On a également inclus à lAppendice I dix huit versets du Yogâ Vashishtha Sâra, qui est lessence de lenseignement que le Brahma-Rishi Vashishtha dispensa à Shrî Râmachandra. Cet enseignement sublime constitue le Brahmajnyâna, la sagesse suprême, aussi connu comme Atmâvidyâ, la connaissance suprême de soi.